Où l’on apprend que la vigilance des ministres et le sérieux des tribunaux protège la France de dangereux criminels
L’époque n’est certes pas à la légèreté. On peine toutefois à croire qu’elle puisse être si lourdement plombée par la connerie. Pierre Orofino, 59 ans est un professionnel de la communication. Un peu original, diront certains de cet homme qui a travaillé avec Zitrone (Léon), Balladur (Edouard), la maison d’Iran (caviar), et l’on en passe. Un carnet d’adresses long comme le bras, des relations dans la presse, l’industrie, chez Patrick Ollier (secret défense) et jusque chez des collaborateurs de Sarkozy (haute police). Pierre est aussi président d’honneur de l’Ecole supérieure de Journalisme de Paris.
Peut-être pas le grand manitou de la « com » mais pas non plus tout à fait n’importe qui.
Depuis 35 ans Pierre Orofino expédie ses vœux. Ça fait partie de son boulot. En bon pro, il sait que le plus souvent la petite carte part à la poubelle avant d’être lue. Aussi chaque année faut-il trouver un nouveau « truc » pour retenir l’attention. Sa spécialité c’est le machin qui tombe. 1974 : un peu de sable du désert. 1981 des confettis. 1993 de la poudre de perlimpinpin, et puis du sel etc etc.
« Ce n’est pas évident de se renouveler » explique-t-il à Bakchich : « Pour cette année de haute tension électorale, j’avais le désir d’envoyer des vœux apaisants , un message d’amour. Je pense à Cupidon, mais c’est pas facile de faire rentrer des flèches dans une enveloppe. Et le facteur aurait pu se piquer… »
C’est ainsi qu’aux premières heures de 2007 une bonne centaine de ses amis ou relations reçoivent des vœux ainsi libellés : « bonne année pleine de balles…de cœur ».
Le message est accompagné de sept petites billes de plombs comme celles dont se servent les enfants pour leur pistolet. Les innocentes bi-billes n’ont pas fini de rouler sur le plancher des ministères que déjà sonne le tocsin de l’attaque terroriste. Sept !? N’est ce pas là le nombre de têtes de la bête de l’Apocalypse ? Branle bas de combat donc.
Mais pas partout… Du ministère des anciens combattants où, peut-être, en a-t-on vu d’autres, c’est avec des félicitations que l’on accueille l’ingénieuse trouvaille …
A Matignon, une secrétaire de Dominique de Villepin prend la peine de répondre et d’ajouter à la main sur une lettre type « touché au cœur » par vos vœux ». La malheureuse si elle savait !
Car quatre ministres, et pas des moindres, l’ont très mal pris. François Baroin, Xavier Bertrand, François Loos, et Jean-François Copé portent plainte pour « menaces de mort » contre dépositaire de l’autorité publique. La brigade de protection des personnalités est saisie et ses hommes se mettent en chasse.
Pour son malheur, Pierre Orofino a mis à profit la trêve des confiseurs pour visiter sa famille aux 4 coins du pays. Un jour en Bretagne, le lendemain à Strasbourg. Il n’est donc pas joignable début janvier. Un élément qui vient conforter la piste terroriste…
Personne ne s’attarde sur le fait que le nom, l’adresse du terroriste figurent sur l’enveloppe de vœux, et sur la carte avec en prime son numéro de téléphone. Lequel donc reste obstinément sourd aux assauts de l’anti-terrorisme. Du coup c’est le téléphone de la cinquantaine de membres identifiés de la famille Orofino de France et de Navarre qui se met à sonner. Ubuesque …
C’est ainsi que notre « fuyard » apprend qu’il est activement recherché. Lundi 8 janvier, pas plus inquiet que cela, Ortofino se « rend » à la police, au château des rentiers. Quelques explications vont permettre de lever le malentendu ?
Pas du tout ! Après 52 heures de garde-à-vue ( !!) il est déféré au procureur, et mis en examen pour « menaces de mort ». « J’ai pris cela avec détachement et j’ai tenté de garder mon, sang-froid », raconte-t-il, « mais mes interlocuteurs policiers, même sceptiques sur la gravité de mon cas, avaient des consignes et se référaient constamment aux ordres de la « hiérarchie ». Ainsi ai-je eu affaire à pas moins 21 fonctionnaires différents . Je les ai comptés. »
Au terme de presque trois jours de garde-à-vue, Pierre Orofino est enfin extrait de sa cellule « anti-terroriste ». La justice va –t- elle montrer plus de sérénité pour aborder son cas ?
Pas plus. Jean-Julien Xavier-Rolai le substitut chargé de son dossier n’apprécie guère que Pierre Orofino s’explique sur son affaire avec si peu de gravité. « C’est vrai que j’avais l’impression que c’est à moi que l’on faisait une blague. Et face aux accusations portées, devant le grotesque de la situation, j’avais du mal à prendre tous ces gens au sérieux. Alors même si je me pinçai pour me retenir ça me faisait quand m^me un peu sourire. »
Pas normal. Un prévenu qui sourit c’est très inquiétant. Le substitut a vite fait d’ailleurs d’en conclure qu’Orofino est « maniaco-dépressif ». Si notre communicant échappe finalement à Sainte-Anne et à l’internement, il ne coupe pas à une mise en examen pour « menace de mort contre personne dépositaire de l’autorité publique ». Désormais sous contrôle judiciaire ( tant qu’à faire… ) Orofino sera jugé en mars prochain devant la 28 ° chambre correctionnelle. Il encourt cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. Les personnalités , monsieur, ça ne rigole pas.
Juste une question : ils sont vraiement ministres cézigues ? De quoi ?
Sorti du royaume de France, je crois personne n’en a jamais entendu parler sauf quelques journalistes spécialisés. Enfin, ça vous changera des histoires belges.