Les autorités russes n’apprécient guère que des journalistes enquêtent sur les circonstances de l’accident de la centrale Saïano Chouchenskaïa qui a officiellement fait 47 morts et le leur font savoir.
Une enquête criminelle pour diffamation vient d’être lancée contre Mikhaïl Afanassiev, un journaliste local qui porte un regard critique sur la gestion des conséquences de la catastrophe survenue le 17 août à la plus grande centrale hydroélectrique russe, Saïano-Chouchenskaïa, en Sibérie.
Mikhaïl Afanassiev, le rédacteur en chef du site d’information Novyï Fokous installé à Abakan, la capitale administrative de la République autonome de Khakassie, est aujourd’hui dans le collimateur de la justice, pour avoir insisté dans ses publications sur la présence de survivants dans la zone envahie d’eau de la centrale. Officiellement, il est inculpé pour « diffusion volontaire de fausses informations qui portent atteinte à la réputation des responsables de la république et de la direction de la centrale ». Ses collègues, Grigoriï Nazarenko et Erik Tchernychov ont été entendus comme témoins. « Nous trois, on faisait tâche dans le beau tableau, où tout était parfait, où les pouvoirs avaient tout arrangé », raconte M.Afanassiev dans son interview à la radio Svoboda.
Attribué à une brusque élévation de la pression de l’eau dans l’une des turbines, selon une des versions, « l’accident a détruit un tiers de l’ouvrage », sans toucher la structure du gigantesque barrage qui retient les eaux du fleuve Ienisseï. Le bilan provisoire s’élève à 15 blessés, 47 morts et 28 disparus, d’après le ministère des Situations d’urgence russe. Les opérations de secours se poursuivent.
« La situation après l’accident est bien plus dramatique que les pouvoirs veulent faire croire », écrit Mikhaïl Afanassiev dans son webzine. Dès les premières heures après l’accident, le journaliste relate en temps réel sur son blog la panique qui s’est répandue dans les villes voisinant la centrale. Les appels au calme un peu trop insistants du maire d’Abakan, diffusés par la télévision locale, ont l’effet inverse - les files d’attentes se forment dans les stations d’essence, les magasins d’alimentation sont pris d’assaut. Car, dès leur plus jeune âge, les habitants de la région savent : en cas de la rupture du barrage, villes et villages alentours seront engloutis par les eaux. Beaucoup préfèrent passer la première nuit après l’accident dans leur voiture sur les collines environnantes.
Contactés par les familles des personnes portées disparues, les trois journalistes lancent le 19 août un appel au secours : « Dans la salle des machines envahie d’eau, on entend des coups d’appel à l’aide produits par des survivants. Ils se trouvent dans les poches d’air, où l’eau n’a pas pénétré. Ces personnes sont à 4 mètres de profondeur. Niveau exact - 321 mètres. Les plongeurs qui travaillent dans la salle des machines ne peuvent pas y accéder. On n’y voit guère à cause des quantités d’huile des turbines et des débris répandus. Pomper toute l’eau de la salle est irréalisable. (…) Il n’y a qu’un seul moyen de sauver les gens (il est suggéré sous couvert d’anonymat par les spécialistes de la centrale). Fermer les déversoirs de la Saïano Chouchenskaïa et ouvrir complètement les vannes de la centrale Maïnskaïa (qui se trouve un peu plus loin). Le niveau d’eau baissera ainsi de quatre mètres salutaires ».
Ce fut sans doute une initiative de trop dans le flux des communiqués officiels cherchant à rassurer la population. Le ministre des situations d’urgence Sergueï Choïgou demande de « punir les désinformateurs et de ne pas semer la panique ». Mikhaïl Afanassiev est convoqué pour s’expliquer par le parquet d’Abakan. Les trois journalistes se font confisquer leurs disques durs, téléphones portables et clés USB. Leurs appartements sont perquisitionnés.
Mikhaïl Afanassiev, connu pour sa liberté de ton sur des sujets parfois sensibles n’est pas à sa première poursuite en diffamation. « Dixième ou onzième », confie-t-il dans une interview, sans être sûr du compte. La procédure pour calomnie n’est-il pas un moyen comme un autre de censure ?
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C’est bien beau tout çà, mais comme pour la lutte contre l’argent sale… si il n’y a pas un mouvement concerté… sert à rien : y’aura toujours le petit malin pour passer par la fenêtre quand on lui ferme la porte !
Ce n’est pas parce que c’est déguelasse chez soi qu’il faut s’abstenir de dire que c’est complètement pourri chez l’autre !
De là à dire que l’espèce humaine est définitivement indécrottable et tant pis pour elle si elle creuse elle-même sa tombe, je n’hésite pas : dans la nature, c’est bel et bien elle qui est la pire des sous-espèces (l’homme n’est qu’un animal tout juste un peu plus évolué, si, si, si, sans rire !)
En France aussi, il fallait faire confiance à ceux qui nous disaient que le nuage de Tchernobyl n’avait pas passé la frontière. En fait, tout pouvoir, Russe, Français, Américain… veut une presse à sa botte et craint avant tout les journalistes critiques, ceux qui font un travail d’investigation, n’hésitant pas à reposer la même question si les politiques interrogés utilisent comme d’habitude la langue de bois et répondent à côté..
Poutine a annoncé qu’il fallait considérer les disparus comme morts. En fait, cet accident aura fait 75 victimes et je crains qu’il y ait d’autres accidents dans des centrales qui arrivent en bout de course. A côté, les victimes de la grippe A sont moins nombreux et pourtant les médias en parlent davantage…alors… ?!