Le timing a été parfait. Le jour même où Thalès remporte un contrat avec l’Etat marocain, un de ses anciens dirigeants dénonce le système de corruption généralisé que l’entreprise d’armement utiliserait pour s’adjuger les marchés. Un plan comm’ d’une redoutable efficacité.
Le 27 septembre dernier, Thalès devient l’heureux bénéficiaire d’un juteux contrat. Pour 120 millions d’euros, la direction générale de la sécurité marocaine (DGSN) et son patron Hamidou Laânigri chargent l’entreprise française de produire les nouvelles cartes d’identité biométrique de ses citoyens. « Il s’agit du premier système identitaire au monde d’une telle importance à base de cartes à puce sans contact », se gargarise le groupe dans un communiqué, avant de s’étrangler.
Le même jour, la une du journal Le Monde jette le trouble sur la probité de la firme française. Ancien dirigeant de Thalès, Michel Josserand déballe ce qu’il a déjà dit à la justice : « Thalès doit verser entre 1 et 2% de son chiffre d’affaires en commission illégales », soit près de 100 millions d’euros, pour obtenir ses deals les plus rentables. L’interviewé et le quotidien y ont gagné un procès pour diffamation et les marocains quelques soupçons.
Passé de gré à gré, le contrat DGSN-Thalès n’est pas un modèle de transparence. Aucun appel d’offres n’a été lancé. Une procédure que Transparency International Maroc considère comme « déni de justice à l’égard des nationaux et un démenti cinglant à la volonté politique de renforcer la transparence des marchés publics et de lutter contre la corruption ».
L’instruction judiciaire ouverte par le parquet de Paris fin décembre, n’est pas pour rassurer les plus méfiants. Dans la liste des affaires retenues par la justice sur les activités de Thalès à l’étranger figurent deux marchés locaux, portant sur un hôpital à Casablanca et l’équivalent du commissariat à l’énergie atomique marocain.
Pendant que les juges fouinent, l’entreprise d’électronique et la DGSN travaillent sans mot dire. Les premières cartes d’identité biométriques seront disponibles en septembre…sans même qu’une ébauche de procédure législative n’encadre l’utilisation des informations (empreintes digitales, ADN, empreinte de l’Iris) contenues dans les cartes. De là à penser que Thalès est en train de fournir aux zélés pandores marocains les moyens d’épier les moindres faits et gestes de leurs concitoyens…