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Tabachnik fait de la musique avec des mots

Chronique livre / samedi 20 décembre 2008 par Jacques-Marie Bourget
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« De la musique Avant toute chose », le chef d’orchestre Michel Tabachnik fait de la musique avec les mots d’un livre préfacé par Régis Debray. Après la Passion selon Saint Jean, voilà celle de Saint Michel.

Quand sur la page s’avance l’ombre d’un géant de la création, le réflexe du commentateur est de sortir le stylo à écrire les conneries. Le type le plus intelligent devient alors un Mac Mahon qui vous balance des équivalents « Que d’eau ! Que d’eau ! », « J’y suis j’y reste » ou encore « Ah ! C’est vous le nègre ? Très bien, continuez… ». Que peut-on alors écrire avec sous les yeux ces mots de Verlaine : « De la musique avant toute chose » ? Rien. Sinon qu’il n’y a pas assez de musique dans les salles de concert et trop dans les supermarchés. Tous ces endroits où l’on occupe l’air par des airs pour que les gens ne manquent pas d’airs et évitent de se parler.

Ce Verlaine, par ailleurs bien connu des services de police, vient de se faire piquer son vers par le maestro Michel Tabachnik qui en fait le titre d’un livre. Pas grave, prendre un vers implique la revanche, le verre en retour. Mais l’emprunt fait débat, Hugo ayant demandé de ne pas « déposer de la musique » contre ses vers, Tabachnik a-t-il le droit de coller des rimes sur ses notes, puisque son livre en est plein ? ses notes, puisque son livre en est plein ? Verlaine lui, aurait tranché de son traditionnel : « Dans le doute absinthe toi »… Bon..

Dans un domaine musical bétonné par le goût du baroque, où la note nous viole (de gambe), où l’on entonne a continuo « C’est le luth final », quelle place pour les amoureux des gammes de notre temps ? Un strapontin. Disciple et ami de Boulez, ami de Xenakis et créateur de ses œuvres, « bouleversé » par l’art contemporain, par l’abstraction imaginée par Kandinsky, Tabachnik (par ailleurs chef au talent immense) nous invite dans son livre à un « concert idéal ». Qui, vue la conjoncture, n’aura jamais lieu avant le déluge. Alors écoutons-le, je veux dire lisons-le. Ecouter et lire, dans ce livre de maestro, c’est la même chose.

« Marteau sans maître »

L’ouvrage, mélodie de bonheur, nous raconte d’abord Xenakis. J’ai eu la chance de connaître ce beau grec balafré, dans le dernier tempo de sa vie. Un homme debout, construit de principes et hors de la contingence : un archétype. Tabachnik, qui a longtemps vécu chez « Xenak », dans une sorte de cellule de moine, nous décrit le quotidien d’un homme, incapable de s’acheter lui-même un froc. Et qui ne pense qu’aux notes, aux lignes (il a été aussi le bras droit de Le Corbusier), à l’éthique des mots et des choses. Des notes. De la vie pure comme un son. De sa main est sortie Terretektorh, une partition d’un mètre vingt de haut où chaque note a sa vie propre, son destin. Au chef (Tabachnik) de se démerder pour faire de cette cascade une pièce de concert, un fleuve, un Danube bleu.

Si j’étais maître d’école, je ferais écouter cette œuvre aux gamins. Cette musique fait voir la vie autrement, devant soi, par le bon bout du tunnel. Le but de Xenakis était de faire des notes avec des photons ; et de ramer, ramer en mer sur un kayak de toile puisqu’il était Ulysse. Et qu’on a donc placé une pagaie dans son cercueil.

Pierre Boulez, et son « Marteau sans maître », c’est l’autre patron du maestro écrivain. Ce Pierrot sans lune naguère confié la direction de l’ensemble de la BBC, un des plus grands orchestres de Londres à Tabachnik, alors gamin de 25 ans. Un peu comme on écrit un testament avant l’âge, il disait au gosse : « Tu es doué, prend la suite ». Le livre décrit un Boulez complètement démocrate mais totalement tyrannique en matière d’excellence. Pas une note n’échappe à la main de ce chef sans baguette, elle doit trouver sa case, son tempo, chacune est une vedette qui doit se faire entendre. Pour ma part, si j’aime bien le « Marteau » et quelques autres œuvres du fondateur de l’IRCAM, je trouve qu’il y a, parfois, un poil de Debussy sous Boulez, comme du Napoléon sous Bonaparte.

De la musique avant toute chose - JPG - 12.7 ko
De la musique avant toute chose

Tabachnik n’était pas l’ami de Stravinsky (mort à New York en 1971), mais il a bien connu Ansermet le chef suisse qui a accompagné les créations de ce russe ayant sacré le printemps. L’auteur du livre, lui, choisit de programmer « Les Noces » plutôt que « Le Sacre ». Rythme, images sonores : Stravinsky a inventé la musique désincarnée qui « fascine sans émouvoir ». Mais qui laisse sur le cul. Et c’est après, quand il écrit des œuvres « émouvantes », que le bon Igor a tendance à nous emmerder. Bartok a un prénom magnifique, Béla. Tabachnik nous explique qu’avec Berg et Xenakis, Bartok est le seul à avoir une exigence « éthique », dans une musique écrite selon des règles « absolues » qui sont le fil à plomb des gardiens du temple de la musique, depuis les Grecs anciens. La « Musique pour instruments à cordes, percussions et célesta » : pas un poil qui dépasse et de l’émotion pour tous, une partition où l’on peut mourir à la fin puisque toute la musique aura été dite

« La seule chose qui m’intéresse ici, c’est le blanc de la page… »

Final avec « Vier letzte Lieder » de Richard Strauss. Tabachnik explique la cohérence de son impossible concert, et Strauss est convoqué parce qu’il est arrivé en avance dans notre monde en retard. Tabachnik lit dans cette musique : « la mort de Dieu décrétée par Nietzsche, non que Dieu soit mort en soi, si tant est qu’il ait existé, mais qu’Il soit mort dans le cœur des hommes… ». Invité à ce concert imaginaire, Strauss a la qualité des autres musiciens à l’affiche : aucune concession et une raison de vivre impossible à distinguer de l’art. L’art de vivre.

Passent dans les pages de cette « Musique Avant Toute Chose », la veuve de Furtwängler, Ansermet, je l’ai déjà dit, et Markevitch, le génial pingre, lui aussi un temps « tuteur » de Tabachnik. Autel particulier pour Karajan, autre extralucide, qui va confier son Philarmonique de Berlin à ce jeune chef suisse au prétexte qu’il vient de l’entendre diriger un programme Brahms à Paris. Un Karajan qui va devenir l’intime, au sens de l’échange et de la compréhension, du jeune musicien auquel il va expliquer : « Vous voyez Tabachnik, la seule chose qui m’intéresse ici, c’est le blanc de la page… Le rédigé en noir, les notes, les mots ? C’est sans importance…. ».

Cette philosophie résume le livre : ce qui compte, toute technique bue, c’est l’ailleurs, c’est l’au-delà qui fait l’art et non la parfaite traduction des notes qui ne sont que des signes. L’important c’est l’indicible. Après avoir lu le bouquin jubilatoire de Michel Tabachnik on a le sentiment d’avoir avancé d’une case sur le jeu de petits chevaux qu’est la vie. En avant la musique.

« De La Musique Avant Toute Chose » éditions Buchet Chastel, 24 euros

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Forum

  • Horatio : Droit de réponse au triste Bourget, factotum laudateur de Tabachnik
    le mardi 27 janvier 2009 à 10:22, Horatio a dit :

    Ce monsieur, dans ces propos m’attaquant : je demande donc le droit de lui répondre

    Triste Bourget

    Vouloir minorer et décrédibiliser l’indignation légitime de mes propos partagés par nombre de nos concitoyens face aux meurtres et assassinats de sang-froid de dizaines de personnes, (peut être aux jugements affaiblis par des difficultés psychologiques personnelles) est un raccourci qui insulte l’intelligence des lecteurs de Bachskih.

    La technique traditionnelle de certains apparatchiks et affiliés d ’officines de tous gabarits, principalement de celle dont vous vous réclamez, qui consiste à vouloir ramener les propos et l’auteur d’une critique a une appartenance et à une sensibilité autres que la leur, de même que : défendre l’assassin en culpabilisant la victime ou en minorant sa souffrance, sont des procédés d’un autre temps qui ne trompe plus personne .

    A moins d’être un totalitaire intolérant comme vos propos le laisse apparaître, haineux de toutes formes d’expression démocratique autre que la vôtre : Quelle honte y aurait il a avoir des sensibilités Socialistes, Ump, Verts, : que sais je encore ? Quant à l’appartenance politique que vous me prêtez, permettez-moi de préférer en l’occurrence les actions du Président Sarkozy, aux bling-bling des capes et épées, autres fariboles, cérémonies d’extorsions de fonds et chalet en Suisse de votre protégé .

    Cet Individu, n’a t il pas reconnu au cours des procès avoir abusé volontairement de la crédulité et naïveté des participants aux grandes messes et cérémonies de L’OTS en utilisant des subterfuges et autres poudres de Perlimpinpin ( écrits, photos et films a l’appui) qui menèrent aux suicides "organisés " de dizaines d’innocents dont de nombreux enfants : belles preuves de l’humanisme dont il se réclame …

    Ne trouvez vous pas pitoyable et méprisable que cette personne à qui vous prêtez une grande culture et une vive intelligence ait pu prêter son nom et fourvoyer sa réputation dans une action aussi sordide ?.Comment pouvait il ignorer les portées réelles que ces mots, actes et manipulations psychologiques pouvaient engendrer ? lui qui d’aprés vous sait si bien faire de la Musique avec les mots…

    Sans rentrer dans les détails accablants dont les minutes du procès fourmillent, comment pouvez-vous imaginer un seul instant que l’un des fondateurs, par surcroît numéro deux de cette terrifiante Secte, est pu ignorer a ce point ce quise passait ? Il n’est pas nécessaire d’être devin pour savoir ce que cela lui rapporta : ce qu’il en attendait …

    Quant à tenter de vouloir le poser en victime, en faire un martyr comme vous chercher à le faire, en associant son nom a ceux de Dreyfus, de Calas etc , eux qui souffrirent dans leur être et dans leur chaire, c’en est tellement atterrant et indigne que cela se passe de toutes formes de commentaires

    Soyez courageux, cessez donc de vous fourvoyer dans la défense d’une cause aussi indéfendable : Il y a de la grandeur à reconnaître ses égarements . S’il vous en dit : prenez donc un peu de temps pour penser aux dizaines de victimes, à la peine des familles concernées , aux destins brisés de ces enfants suicidés… Vous n’avez pas eu un mot de commisération pour eux.

  • Tabachnik ou l’abjecte lacheté de la mémoire selective
    le lundi 29 décembre 2008 à 18:00, horatio a dit :

    Honte a Bakchich

    Comment osez vous faire l’éloge de ce genre d’individu, dont les mains, quoique vous en disiez , sont couvertes du sang des victimes de l’ Organisation du Temple Solaire …

    Votre mémoire et capacité d’indignation est elle a ce point élastique qu’elle en est oubliée le rôle " pseudo ésotérique "de ce pathétique arriviste ?

    Avez vous a ce point si peu de respect pour votre honneur d’homme et de journaliste pour encenser comme vous le faites ce " gourou de pacotille irresponsable " car comme vous le dites avec tant d’emphases, l’homme n’est pas sot ( sauf devant le tribunal… ) et savait donc indubitablement ce qu’il faisait …

    Qui croyez vous tromper en tentant de séparer les actes de l’homme et ceux de l’artiste ? , avez vous tant de mépris pour vos lecteurs

    Etes vous a ce point si avide d’argent et aveugle pour ne plus etre en mesure de séparer le bon grain de l’ivraie ?

    J’ai honte pour vous

    • Tabachnik ou l’abjecte lacheté de la mémoire selective
      le dimanche 4 janvier 2009 à 09:56
      Les lecteurs assidus reconnaitront le très clairvoyant Horatio qui se fait d’habitude remarquer pour son son soutien béat à notre très grand président et ses suppots bling bling, lorsqu’ils sont un peu trop secoués par des lecteurs …
    • Tabachnik ou l’abjecte lacheté de la mémoire selective
      le mardi 6 janvier 2009 à 10:46, JM Bourget a dit :

      Vite, vite, prenez vous grand jambes à votre grand cou et allez voir la justice : vous avez vu Tabachnik "avec du sang sur les mains" alors que la justice, elle qui est aveugle, lui a accordé un non lieu (en Suisse) et deux relaxes (en France)… Je vous propose de dénoncer dans la foulée, Jeanne d’Arc, Calas, Dreyfus et la liste peut s’allonger à l’infini, celle des innocents coupables !

      JM Bourget

  • Tabachnik fait de la musique avec des mots
    le lundi 22 décembre 2008 à 18:31, egogo a dit :
    comme dit l’autre : le génie excuse tout,prenez en de la graine,vous les moralistes de tout poil,tout cela n’est pas bien grave,du mpment que la musique est belle … Espèrons que nos adolescents n’entendent que la musique et pas le reste…
  • Tabachnik fait de la musique avec des mots
    le dimanche 21 décembre 2008 à 07:07, Souri a dit :
    Le fait de ne pas mentionner l’OTS reste amusant et on comprends bien les réactions, sachant qu’en France le nom de "Tabachnik" reste et restera jusqu’à la fin de ses jours lié à l’horreur de l’affaire du temple solaire
  • Tabachnik fait de la musique avec des mots
    le samedi 20 décembre 2008 à 22:42, Angevine a dit :
    " L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant ". L’essentiel n’est-il pas que Michel Tabachnik soit un chef d’orchestre de génie qui permette aux hommes sans talents de se sentir un peu plus légers, un peu meilleurs après l’avoir suivi sur un chemin de notes ? Le reste, mais on s’en moque ! Son livre nous invite à entrer dans son Panthéon personnel. Comment ne pas en avoir envie après la lecture de l’excellent article de JM Bourget ?
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