Comment un militant des droits de l’homme bon teint a défendu les intérêts de Denis Sassou Nguesso, doucereux président congolais.
Après trois guerres civiles, le Congo-Brazzavile entre dans une période de paix relative. Reste à règler l’épineux cas des disparus du Beach, ces trois cents réfugiés congolais évanouis dans la nature après le passage des milices du président Denis Sassou Nguesso. Fort heureusement, comme le raconte Xavier Harel dans son livre Afrique, pillage à huis clos (Fayard, sortie le 18 octobre), un droit-de-l’hommiste pote de Chirac passe par là.
« C’est à cette époque que surgit, comme tombé du ciel, Patrick Gaubert, tête de liste UMP pour l’Ile-de-France aux élections européennes et président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA). Cette organisation de défense des droits de l’homme, plutôt marquée à droite, bénéficie d’une réelle aura en France et dans le monde. Pourtant la Licra, davantage versée il est vrai dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme que dans les crimes contre l’humanité, s’est jusqu’ici totalement désintéressée du dossier. Patrick Gaubert a bien ouvert un bureau en 2001, mais il n’a encore jamais essayé de rencontrer les parents des disparus du Beach. Le 2 juillet 2004, trois mois seulement après la libération nocturne de Jean-François Ndengue [un responsable congolais arrêté en France], le président de la Licra se rend à Brazzaville à l’invitation de Sassou Nguesso. Sans prendre avis auprès de son organisation. A la sortie de son audience avec le président congolais, il demande aux associations et aux parents des victimes de fournir des preuves de cette affaire pour organiser un procès au Congo dès septembre. « Le président, explique-t-il, souhaite que cette affaire vienne sur la place publique d’une manière définitive et transparente ». (…) Patrick Gaubert explique qu’il faut en finir avec ce dossier qui « porte fortement préjudice à l’image de marque du Congo et l’empêche par conséquent de conclure certains accords tant au plan bilatéral que multilatéral ». (…) Selon Christian Mounzéo [représentant de Rencontre pour la paix et les droits de l’homme], Patrick Gaubert lui aurait même proposé un arrangement : « Si tu changes d’avis, passe un coup de téléphone, viens à Paris et on règlera ce qu’il y a à régler », lui aurait-il dit en le quittant. L’Association des parents des personnes arrêtées au Beach et portées disparues s’émeut de la démarche du député européen. Et le fait savoir. Dans une lettre datée du 8 juillet 2004 et adressée à Jacques Chirac, le comité dénonce vertement les « propos exécrables » du président de la Licra (…) ». Huit mois plus tard, Patrick Gaubert reprend l’avion pour Brazzaville. Son président, Jean Mbanza, en garde un souvenir amer : « Il nous a demandé si nous avions l’intention de reprendre le pouvoir. Nous avons répondu que notre seule préoccupation était de retrouver nos enfants et de pouvoir les enterrer dignement ». Patrick Gaubert rencontre une nouvelle fois le président congolais, qui lui annonce que le procès du Beach aura lieu en avril. « Le président Sassou Nguesso a réitéré que le procès serait transparent et équitable » et que « personne ne sera inquiété pour sa sécurité ». La FIDH s’étonne de la démarche de Patrick Gaubert et, fait rarissime, exprime publiquement sa désapprobation. (…) Le procès, sans surprise, est une farce. »