L’écrivain et grand reporter Eric Laurent a rencontré le colonel Kadhafi à plusieurs reprises, dont une fois à Niamey. Mémorable…
Nous vivons dans un monde sans mémoire et nous avons déjà oublié qu’il y a encore quelques années Kadhafi était considéré comme un véritable paria sur la scène internationale et son pays soumis à un embargo qui interdisait notamment au guide de la révolution libyenne tout déplacement à l’étranger.
À l’époque, Kadhafi était un dictateur morose qui fustigeait, devant ses visiteurs, ses deux bêtes noires : l’occident et le monde arabe. Il était intarissable sur ces sujets et doué d’un sens remarquable de l’esquive pour tout ce qui touchait à son soutien appuyé aux mouvements terroristes et aux attentats qu’il avait commandités. Il s’exprimait toujours d’un ton las et monocorde, les yeux mi clos et formulait des propos souvent décousus sans rapport avec les questions qui lui étaient posées.
Je l’ai rencontré à cinq reprises et durant cette période j’ai pu observer chez lui un trait de caractère qui allait en s’accentuant : sa propension à l’ennui. À l’époque, confiné dans son pays, ce trait s’exacerbait et c’est sans aucun doute par provocation mais également pour dissiper cet ennui qu’il décida de défier la communauté internationale en rompant l’embargo pour se rendre en Afrique. Dans deux pays, le Niger et le Nigeria. L’acteur au jeu outré, véritable cabot, espérait ainsi retrouver une scène et un public.
J’étais sur le tarmac du minuscule aéroport de Niamey quand il se posa en début d’après-midi à bord d’un Boeing 707, qui semblait plutôt usagé. Une cinquantaine de personnes l’accompagnait. Deux appareils identiques atterrirent ensuite et déversèrent près de 300 jeunes femmes qui formaient sa garde rapprochée, toutes vêtues de tenues couleur camouflage et armées de mitraillettes. Le visage fermé, le regard farouche, boudinées dans leur uniforme, elles investirent immédiatement tout le périmètre de l’aéroport, tandis qu’un quatrième appareil touchait le sol. Il s’agissait cette fois d’un avion cargo qui transportait la voiture du guide : une Cadillac de couleur jaune crème extraite avec précaution et quand je pus en approcher, je vis que les sièges étaient tendus de velours rose et sur l’accoudoir du siège arrière, touche délicate, j’aperçus une serviette de couleur identique soigneusement pliée. Brusquement, je n’avais plus l’impression d’assister à la visite d’un chef d’Etat étranger même fantasque, mais d’être plongé dans un film d’aventure de série Z, une coproduction douteuse italo-espagnole, avec ces amazones qui suivaient et encadraient comme un essaim la Cadillac jaune qui semblait avoir été prêtée par une petite vedette de rap ou un dealer new yorkais.
Le cortège gagna les abords de la grande Mosquée de Niamey où le « guide » devait prononcer un important discours. Le Président du Niger et la quasi-totalité de son gouvernement étaient assis au pied de la tribune, tandis que 3 000 personnes environ, amenées par car ou transportées à l’arrière de camions, composaient une assistance débonnaire assise sur l’esplanade en terre battue. La chaleur était écrasante, le soleil violent et pour protéger Kadhafi, son cousin, un homme aux traits fins et au regard mélancolique, toujours à ses côtés, tenait à bout de bras une immense ombrelle bordée de pompons blancs.
J’étais parvenu à moins de deux mètres de la tribune, surpris d’ailleurs qu’un tel déploiement sécuritaire se révèle aussi inefficace. J’observais le chef du régime libyen vêtu d’une djellaba blanche et d’un turban. Le tableau que j’avais sous les yeux était d’un kitsch absolu : Kadhafi avec à ses côtés son cousin se tenant sur la pointe des pieds pour tenir l’ombrelle à la bonne hauteur, me faisaient penser à des personnages sortis d’une des opérettes de Francis Lopez, ruisselantes de mauvais goût qui triomphaient au théâtre du Châtelet dans les années 60-70.
Le sponsor du terrorisme, le dictateur implacable, malgré son poing levé à la Mussolini paraissait soudain terriblement ringard et ridicule, un personnage né des fantasmes arabisants de Pierre Loti. Son discours s’acheva dans l’humiliation. Il s’exprimait en arabe, d’un ton morne, et aucune traduction n’avait été prévue. Au bout d’une petite demi-heure, les premiers signes d’ennui apparurent : l’assistance n’écoutait plus, des conversations s’engageaient, ponctuées d’éclats de rire, de petits groupes se levaient et quittaient les lieux d’un pas nonchalant sans un regard pour l’orateur. J’observais les membres du gouvernement, assis au premier rang qui se retournaient inquiets et contemplaient, impuissants, l’ampleur de l’hémorragie. Au bout d’une heure, le guide de la révolution libyenne poursuivait ses diatribes, son cousin continuait de l’abriter du soleil et ses auxiliaires féminines entouraient une place désormais quasiment déserte.
Cette première tournée, depuis plusieurs années, hors de son pays, venait de se transformer pour Kadhafi en un véritable fiasco, un échec humiliant. Il termina son discours avec pour seul public le Président du Niger et ses collaborateurs désireux probablement de bénéficier des largesses du guide de la révolution.
Eric Laurent , grand reporter certes mais aussi imbu de lui même et n’ayant qu’un but : détruire la réputation des Arabes quels qu’ils soient ; J’ai lu dans un de ses livres des insinuations, et des commentaires sur El Djazira qui ne laissent aucun doute sur le mépris qu’il ressent pour tout ce qui se met au travers de ses ambitions. Il n’a rien d’un journaliste neutre et intègre et tout ce qu’il peut écrire est sujet à caution.
Que Kadhafi se soit retrouvé seul à pérorer dans unelangue étrangère à l’auditoire il n’y a là rien d’extraordinaire . La même mésaventure serait arrivée à n’importe quel orateur mis dans cette situation . Avec cet article Eric Laurent s’est offert un exercice facile pour se faire plaisir et se défouler tant il est haineux.