Toute fraîche ralliée à Nicolas Sarkozy, Simone Veil a eu l’honneur d’être la marraine de la dernière promo de l’Ena, estampillée 2004-2006. Un contingent du futurs hauts fonctionnaires qui a déjà goûté aux bisbilles politiques.
Sensible aux préoccupations des Français, l’École nationale d’administration a choisi un sujet d’études en or, l’été dernier, pour ses plus récentes ouailles : le logement ! Et sous toutes ses coutures, crise du logement, logement locatif social, accession à la propriété, droit au logement etc. Le tout avant le décès de l’abbé Pierre, les Don Quichotteries et le camping sur les bords de Seine. Bref, après cela, impossible de dénoncer une école coupée des réalités… et des contingences politiques.
Ainsi le groupe de travail n°6, a-t-il eu la fière idée de s’immerger l’été dernier, dans la fourmilière des « opérateurs du logement social » : OPHLM, OPAC et consorts. Questions posées, d’entrée de jeu : « des doutes quant à la pertinence du système français d’opérateurs du logement social ont pu être exprimés. Sont-ils des éléments adéquats pour satisfaire aux besoins en matière de logement social ? Sont-ils les mieux à même de répondre aux objectifs ambitieux de production ? »
Les conclusions, elles, n’ont pas, mais alors pas du tout fait plaisir à l’USH, Union Sociale pour l’Habitat, qui fédère le petit monde des HLM et dont le Président n’est autre qu’un certain Michel Delebarre, l’ancien ministre socialiste. Qui ne s’est pas fait prier pour se fendre d’une lettre scandalisée, adressée au Directeur de l’ENA, M. Durrleman, et à nos pauvres élèves, puis boycotter le colloque sur le logement qui s’est tenu fin novembre, à Strasbourg. Objet majeur du litige : le groupe incriminé était encadré par Sabine Baietto Beysson, qui dans le civil, exerce les fonctions de Chef de la Mission Interministérielle d’inspection du Logement social, la Miilos, l’organe de contrôle des HLM ! « Un seul des groupes de travail n’était pas confié à un référent de la profession, mais à son instance de contrôle, s’offusque Delebarre. Cela laissait supposer une défiance à notre égard, mais de plus induisait un risque de mélange des genres non conforme à la tradition française, qui veut qu’une instance de contrôle ne propose pas les règles qu’elle applique ». Une approche inquisitoriale plus que critique, donc…
Plus gênant, Delebarre relève, parmi une myriade d’autres conclusions et propositions, « la transformation de la Miilos en autorité de régulation du secteur ». Le rapport de nos honnêtes énarques rejoindrait-il, par le plus grand des hasards, les ambitions personnelles de Mme Baietto-Beysson ? À l’USH, l’on ne semble pas en douter. Machination politico-scolaire ou gros coup de parano ? La hache de guerre des vieilles rancoeurs politiques a tout à coup repris du service. Manipulés, nos énarques ? Les élèves pris entre ces tirs croisés, n’ont pas vraiment apprécié de se voir si « pantins » en ce miroir.
L’ENA a volé à leur secours et « garantit l’esprit d’équilibre, l’objectivité » de ses élèves, qui écrivent, « non pour un maître de conférences, mais pour un jury dont ils ne connaissent pas à l’avance, la composition. On ne peut pas laisser passer une telle mise en cause », tranche le responsable des études. Sabine Baietto Beysson relativise « une affaire totalement disproportionnée : j’étais là pour les aider à construire leur raisonnement, rencontrer les personnes compétentes, rien de plus ». Pour elle c’est déjà de l’histoire ancienne. Cette année, elle aide les élèves des Ponts et Chaussées qui planchent sur les « organes de contrôle des opérateurs du logement social en Europe », à « construire leur raisonnement »…