Alors que le nouveau brûlot du célébrissime Bob Woodward sort la semaine prochaine, un autre bouquin majeur pointe son nez. « Profession fouille-merde », publié aux éditions du Seuil, nous plonge dans les dessous des grandes magouilles françaises des années 70 et 80. Son auteur, le journaliste Georges Marion, nous livre pudiquement son parcours, et contribue à renouveler le mythe de ce métier si nébuleux.
Georges Marion n’est pas une figure inconnue dans le monde du journalisme. Son nom ne vous dit presque rien, et pourtant. Georges Marion a participé à la mise au jour d’affaires telles que les « Irlandais de Vincennes », le « Rainbow Warrior » ou encore les « écoutes de l’Élysée », pour ne citer qu’elles. Bercé dans sa tendre et communiste enfance par l’absence d’un père qu’ « on disait » journaliste, il fit partie de l’aventure de Rouge, le journal de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), de sa création en 1976, jusqu’en 1978. S’occupant rapidement des affaires troubles, son expérience dans ce canard lui laissa un goût d’inachevé : « J’avais envie d’être journaliste et de ne plus être militant ».
Sa plus grande histoire d’amour démarra presque immédiatement après Rouge, en 1978 avec son entrée au Canard Enchaîné. Où il rencontra Claude Angeli, déjà à l’époque une figure éminente du titre, qui « avait coutume de dire que l’investigation n’était pas une catégorie particulière du journalisme mais constituait "le" journalisme ». Au Canard, le goût pour Georges Marion des affaires troubles put prendre son essor, sa carrière aussi. L’affaire des « Irlandais de Vincennes » fut certainement son plus beau « coup », avec celle du « Carrefour du Développement ».
La véritable pépite de ce livre ne se résume pas à la seule autobiographie de l’auteur, aussi intéressante soit-elle. Son intérêt se trouve surtout dans l’immersion que Georges Marion propose au lecteur. On y découvre la vraie vie, quasi quotidienne, d’un journaliste d’investigation talentueux. Le voir naviguer en « eaux troubles », le sentir douter, constamment se remettre en question, subtilement cultiver ses contacts, mettre à l’épreuve sa déontologie (il apprit en septembre 1981 l’existence de Mazarine, « dont il ne me vint pas à l’idée d’en faire une seule ligne »), est un pur enseignement pour quiconque s’intéresse à ce corps de métier si particulier.
Le voir évoluer dans sa gestion de carrière est également un élément fondamental du livre. D’abord à Rouge, puis au Canard, et au Monde, l’auteur nous livre une vision très réaliste du métier, tout en confessant que « le journaliste d’investigation fait beaucoup de bruit mais, finalement, peu de dégâts ». A méditer !