Le journaliste Laïd Samari draguait les Colonna pour obtenir la lettre de justification de leur fugitif de fils.
Il n’y a pas que les oreilles des flics qui risquent de siffler à l’ouverture prochaine du procès Colonna. Certains journalistes vont également se faire un peu secouer à l’audience. Si les avocats du meurtrier présumé du préfet Erignac comptent en effet mettre en cause les méthodes d’investigation particulières de la police anti-terroriste, les juges d’instruction, ont eux déjà mis sur la sellette les procédés pour le moins curieux de certains plumitifs, au premier rang duquel se distingue particulièrement Laïd Samari, le journaliste-vedette de l’Est Républicain.
Le 3 janvier 2001, Samari avait été le premier à publier la lettre de justification écrite par Colonna depuis sa cavale dans le maquis corse. Et ce avant même que la feuille nationaliste U Ribombu, destinataire du courrier du fugitif, ne l’ait réellement authentifié. Comment Laïd Samari a-t-il eu connaissance avant tout le monde de la seule manifestation écrite de Colonna pendant toute sa cavale, se demande en substance la juge anti-terroriste Laurence Le Vert dans l’épais acte d’accusation qui servira de base au procès, dès le 12 novembre prochain ? Comme le révèlent les écoutes téléphoniques versées au dossier, le scoop a en fait été le fruit de plusieurs mois de cour particulièrement assidu du clan Colonna par Samari. Une cour agrémentée au demeurant de quelques flagrantes contre-vérités.
Premier temps, Samari témoigne en décembre 1999 devant une commission d’enquête parlementaire sur la sécurité en Corse où il démolit les investigations policières en Corse. À la grande joie du clan Colonna qui verse même, comme une grande victoire, l’audition du journaliste au dossier judiciaire sur le meurtre du préfet. « Laïd Samari soucieux d’obtenir à tout prix l’exclusivité d’une interview d’Yvan Colonna souhaitait s’attirer les faveurs des proches du fugitif », analyse aujourd’hui la juge Le Vert en remarquant les incohérences des propos de Samari devant les députés.
La star de l’Est Républicain continue sa drague effrénée, cette fois-ci à destination du père du fugitif, l’ancien député socialiste Jean-Hugues Colonna. Selon les écoutes téléphoniques, Samari échafaude à son intention « quelques théories fantaisistes sur l’existence d’un “cagoulard” “tueur à gages” inconnu de tous les membres du commando, arrivé au dernier moment et chargé par de mystérieux commanditaires d’abattre le préfet »… Des calembredaines auxquelles il ne croit sans doute pas. Mais tout est bon pour amadouer le clan Colonna, y compris lui faire croire que le « patriote recherché » pourrait bien être innocent. Le prix du scoop sans doute. Et en la matière, Samari sait exactement ce qu’il veut : « Pourquoi Yvan n’écrit pas ? », lance-t-il à plusieurs reprises dans une conversation téléphonique avec le clan corse le 7 novembre 2 000. « Plus le temps passe, moins je comprends l’attitude de votre fils, insiste-il encore. On ne peut pas laisser entendre qu’on est pas responsable de la mort du préfet et ne pas s’expliquer ». Deux mois plus tard, Laïd Samari avait son scoop, en publiant la lettre d’Yvan Colonna. Belle leçon de journalisme d’abnégation !