Malgré le report, sine die, de l’examen du projet de loi sur la protection des sources journalistiques qui devait être présenté par la ministre de la Justice, Rachida Dati, ce mardi, à l’Assemblée nationale, le principe devrait bientôt être inscrit dans la loi sur la liberté de la presse de 1881. Une bonne nouvelle ? Pas si sûr.
De façon quasi-unanime, la profession s’élève contre ce projet de loi qui, sous-couvert d’une belle annonce du président en janvier suivie d’une jolie phrase d’introduction – « Le secret des sources est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général. » – prétend garantir la protection des sources journalistiques. Principe absolu ? Non, malheureusement. Et c’est là que le bât blesse.
Le texte prévoyait initialement qu’ « il ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu’un intérêt impérieux s’impose ». Face à la fronde des syndicats de journalistes, qui ont tout de suite soulevé l’imprécision de la formule, le passage a été amendé par son rapporteur, le député UMP Etienne Blanc. Désormais, « il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie. Au cours d’une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. »
« Impératif prépondérant d’intérêt public », voilà une notion bien subjective et plutôt changeante. Un jour la pédophilie, un autre le terrorisme, le lendemain les infractions financières… Le juge d’instruction tranchera. Et tant pis pour les perquisitions (près d’une dizaine ces cinq dernières années), et autre garde à vue (Guillaume Dasquié en décembre 2007).
Pourtant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait montré, il y a 12 ans, une voie plutôt claire : « Le secret des sources est la pierre angulaire de la liberté de la presse », avait-t-elle ainsi affirmé dans l’arrêt Goodwin du 27 mars 1996. Un principe réaffirmé en particulier dans l’arrêt Roemen et Schmit du 25 février 2003. La France est donc à la traîne. Le forum des Sociétés de journalistes n’hésite pas à parler à propos du projet de loi de « régression par rapport aux textes existants ».
Comme le souligne le SNJ dans sa proposition de loi sur la protection des sources, d’autres pays, comme la Belgique, ont déjà pris de l’avance, et cela, dès 2005, pour se mettre en conformité avec la norme européenne.
Si le texte de Rachida Dati apporte de minces progrès, comme (le renforcement des garanties en cas de perquisition au domicile d’un journaliste, par exemple), il traduit, en revanche, selon les syndicats, une vraie méconnaissance des réalités du travail de journaliste aujourd’hui.
Gageons qu’en amoureux de la presse qu’il est, Nicolas Sarkozy, qui prendra la présidence de l’Union européenne le 1er juillet 2008, décidera d’envoyer un message symbolique pour la liberté de la presse. Parce qu’une source, rappelons-le, ça se tarit.
Bienvenue dans le nouveaux journalisme français. Celle ou on demandera la source d’un journaliste parce que la source a dit qu’il y a 15% de sucre en plus dans un yaourt.
Conseil au journalistes allez travailler en Belgique.