Stéphane Hessel, qui a choisi contre Hitler la camp de la Résistance, résiste toujours aujourd’hui. Comme son "homologue" Walter Bassan dans le film "Walter, retour en résistance", il encourage les jeunes générations à se battre contre la perte des valeurs républicaines.
Pendant la seconde guerre mondiale, résister « s’imposait comme une évidence », à en croire Stéphane Hessel du haut de ses 90 ans vigoureux. « Nous savions contre qui et quoi nous résistions : le danger venait d’une Allemagne manipulée par un dictateur épouvantable ». Facile à dire…
Aujourd’hui, « en quasi démocratie, le danger est moins évident ». Pas une raison pour que l’ancien prisonnier de la Gestapo plie pour la première fois de son existence. Résister en 2009, c’est lutter contre les mortelles dérives du capitalisme barbare, qui aggrave les injustices sociales, tue des milliers d’hommes sur la planète et aggrave l’état de la terre, du ciel et de l’eau. C’est manifester contre l’opération « Plomb durci » durant les bombardements sur Gaza…
Ou plus prosaïquement grogner contre ce café, « trop chic » du XIVe où il rencontre Bakchich, à l’occasion de la sortie du film « Walter, retour en résistance » qui fait le lien entre l’esprit de la Résistance et les combats d’aujourd’hui. Hessel, qui a participé à la rédaction de la Charte universelle des droits de l’Homme, c’est un inguérissable penchant pour les damnés de la terre et l’aversion de la bêtise. Par exemple celle du président de la République.
Retour au film, sur un plan séquence filmé le 13 mai 2007 en Haute Savoie. Au plateau des Glières, à l’occasion des 60 ans du Conseil National de la Résistance (CNR). Nicolas Sarkozy caquette son admiration pour une cascade ou délire sur sa préférence pour les femmes italiennes. Incongruités dans ce lieu où sont morts, et reposent aujourd’hui, des centaines tués par l’armée allemande et les GMR français. Le film veut démontrer qu’on peut faire lire la lettre de Guy Môcquet dans les écoles tout en mettant en l’air le statut social des français, celui défini par le CNR.
« La politique actuelle, conduite par Sarkozy, est en train de détruire le programme issu de la Résistance : la sécurité sociale, les caisses de retraite, les services publiques, une scolarisation pour tous, ou encore l’indépendance de la presse », trépigne Hessel. Lui aussi choqué de la « récupération » du passé de la France Libre : « Rappelons-nous que ce chef-là n’a pas hésité à utiliser les symboles les plus forts de la Résistance, simplement pour se faire bien voir à quelques jours des élections présidentielles ». Voilà exactement le propos de « Walter ». Conscient du dommage des images, Bernard Accoyer, cacique haut savoyard et Président de l’Assemblée nationale, a tenté de faire saboter le tournage du film.
Protéger les valeurs du CNR ? Stéphane Hessel liste les motifs qui font, aujourd’hui, de la résistance un passage obligé : « Nous sommes dans un gouvernement qui se comporte de manière inacceptable. Vis-à-vis des prisonniers, de certains malades pour lesquels il n’y a pas un système de santé assez solide, vis-à-vis des jeunes aussi, qu’on abandonne sans formation utile leur permettant d’arriver jusqu’à des emplois qui existent », tempête Hessel. « Pis encore est la façon dont nous accueillons en France ceux qui veulent immigrer », décrit l’émigré juif né à Berlin. « Voilà des domaines où il est tout à fait naturel que nous résistions, par des réseaux, des associations et organisations comme Réseaux Education Sans Frontières (RESF) ou l’Organisation des Nations Unies ».
Joli à dire, mais existe-t-il une relève pour l’esprit de résistance ? Une scène du film “Walter”, étonne ou inquiète. Dans un bus, de retour d’une visite d’un camp de concentration, de jeunes élèves écoutent un discours qui paraît très réfléchi. Dans le même temps, on leur demande pour qui ils auraient voté aux dernières élections présidentielles. Neuf sur dix répondent… Sarkozy.
Pas suffisant pour entamer le survivant de Buchenwald : « Je pense qu’il s’agit de très jeunes gens, qui n’ont pas encore fait l’apprentissage de la démocratie, et impressionnés par un homme politique qui a beaucoup de bagout ». Hessel se lève, on l’attend pour un nouveau coup de gueule : « Le problème vient aussi de la gauche, qui a contribué à privatiser les services publics et qui n’a pas de programme clair ». Difficile, pour l’ancien membre de l’armée de l’ombre, de se coltiner une armée de zombies.
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