Il n’y a rien de changé sous le soleil, ou plutôt à l’ombre ; ce qui était vrai sous Louis XVI (1754-1793) ne l’est pas moins sous Nicolas Sarkozy : l’état déplorable des prisons françaises, qu’il s’agisse des bâtiments ou du sort de leurs habitants obligés.
Louis XVI, roi méconnu s’il en fut, avait chargé ce personnage remarquable qu’était Malesherbes (1721-1794) d’un rapport sur le sujet. Les conclusions furent catégoriques. « Sire, dit son futur défenseur devant la Convention qui le condamnera à mort (décembre 1792-janvier 1793), les prisons du royaume ne sont pas dignes de Votre Majesté. »
Pourtant, à cette époque, elles ne sont pas le droit commun des sanctions pénales qui font largement appel aux punitions physiques, comme le marquage au fer rouge, le fouet, le pilori, sans oublier la pendaison, la décapitation, le bûcher, etc. La Révolution ayant changé cela, la prison seule (et l’amende) sanctionna désormais les auteurs d’actes délictueux. Et la loi du 9 octobre 1981 sonna la fin de la peine de mort, que Jacques Chirac, son adversaire de toujours, fit inscrire dans la Constitution (article 66-1) ; grâce lui en soit rendue. Au chapitre des prisons, en revanche, c’est à si peu de choses près, le morne et affligeant statu quo.
En prison, tout est faux. C’est, comme on le disait couramment naguère, une « zone de non-droit ». Au point qu’il serait interdit de dire mot de ce qui s’y passe, sous le règne de la loi du plus fort, faut-il le préciser ? Atteste apparemment de cette interdiction le procès en diffamation intenté au journal Le Parisien par 339 surveillants (pas un de moins !) de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne) parce que le quotidien a eu l’audace de donner la parole à l’un de ses anciens pensionnaires pour en décrire la vie de tous les jours. On aurait pourtant cru que son statut passé d’usager, fût-il contraint, lui donnait des titres à s’exprimer. Eh bien non !
Selon ce que rapporte Le Monde, le représentant du procureur de la République est convenu que « la situation dans nos prisons n’est pas acceptable dans un pays démocratique » ; qu’ « il y a des trafics, des actes de violences, des abus sexuels ». Mais aussi qu’un ex-détenu (qui a pu en être victime) ne saurait en porter témoignage et que, par conséquent, il fallait condamner Le Parisien ! Compte tenu qu’au 1er juin 2008 la population carcérale montait à 63 838 individus, cela ferait autant de muets par décisions de justice, auxquels, bien sûr, devraient s’ajouter les détenus qui les ont précédés.
Une thèse aussi sotte sera-t-elle avalisée par le tribunal d’Evry, saisi du dossier ? Pour le savoir, il va falloir s’armer de patience. L’audience a eu lieu le (mardi) 10 juin ; le jugement sera rendu le… (mardi) 9 septembre. Qui a reproché à la Justice d’être expéditive ?