À la fin du mois d’août 2005, le Katrina s’abat sur La Nouvelle-Orléans. Jeff Humphries décide de l’affronter dans sa maison du Vieux Carré, le quartier le plus ancien de la ville. « Katrina, Mon amour », sorti en librairie le 5 juin, est un récit de l’ouragan et de ses conséquences qui se double d’un chant d’amour pour la cité détruite.
Trois ans après, personne n’a oublié Katrina, l’ouragan qui a réussi à transformer une ville de la première puissance mondiale en champ de ruines livré au chaos. Comment ? Très simple : « un système de levées inadéquat, des digues mal construites, une administration fort satisfaite de ne rien faire, une pauvreté endémique, l’absence de tout plan permettant de réagir rapidement en cas de catastrophe, sans compter les maux que déclencha celle-ci : pillages, meurtres, viols, explosions de colère ». Jeff Humphries et sa compagne Julie ont décidé d’essuyer la tempête en ville, mais ils n’avaient aucun moyen de prévoir que l’État les laisserait « privés de nourriture et d’eau pendant des semaines, ni que l’ordre public s’effondrerait de façon aussi spectaculaire ». Alors ils se débrouillent avec leurs voisins, vident le congélateur et regardent les pillards opérer.
Le récit de Jeff Humphries est émaillé de rumeurs et il est difficile de faire la part des choses entre réalité et légendes urbaines. Lorsque Julie et Jeff croisent deux policiers, ceux-ci leur affirment que des bandes sillonnent la ville la nuit et cherchent les maisons habitées : « Quand ils voyaient un signe de vie, ils entraient de force. Les femmes étaient violées, les hommes tués. [Les policiers] nous conseillèrent de nous regrouper pendant la nuit, de nous armer du mieux que nous pouvions et de ne pas allumer de bougies ni de laisser de volets ouverts. Et ceci se passait dans les États-Unis d’Amérique, pas en Bosnie, au Liban ou à Haïti ». Pour Jeff et Julie, il est temps de partir. Ils abandonnent le Vieux Carré pour se réfugier à Pineville, à 200 kilomètres au nord.
Mais dans ce livre, Katrina n’est qu’un prétexte, et l’ouragan, si meurtrier soit-il, n’est pas le personnage central. C’est La Nouvelle-Orléans, cette ville unique en Amérique qu’il ne peut comparer qu’à Venise : « Venise, porte ouverte sur l’Orient, sur l’Asie. La Nouvelle-Orléans, capitale septentrionale des Caraïbes, île antillaise, franco-espagnole, au sein du continent nord-américain ». Réfugié, Humphries souffre avant tout de l’image de sa ville telle qu’elle est montrée par les médias : « Les reporters brossaient le tableau à grands traits, ne connaissant pratiquement rien de la ville, de sa culture, de son histoire ou de sa topographie […]. Des experts pompeux se lançaient dans des débats animés pour savoir si cela valait la peine de sauver la ville ou de la reconstruire. Peut-être était-elle trop décadente, trop vieille, trop noire, trop raciste, trop pauvre, trop en-dessous du niveau de la mer, trop encline aux excès, trop différente du reste des États-Unis d’Amérique ». Pour Humphries, Katrina a fourni à la ville une occasion de se réinventer. Comment ? Cela dépend de ceux qui sont restés et de la façon dont ils vont rassembler les morceaux de la ville. « Pas le bois de charpente ou les briques, mais le cœur véritable de la ville, celui que nous devons reconstruire mentalement ».
Si l’on veut comprendre ce qui s’est passé à La Nouvelle-Orléans, avant, pendant et après Katrina, il faut absolument voir le documentaire de Spike Lee, tourné pour la HBO (il est disponible en DVD).
Ca a pour titre "When the levees broke : A Requiem in Four Acts".
4h16 durant lesquelles on est scotché devant l’écran et dont on sort dans un drôle d’état… incrédulité, colère, abasourdissement, révolte et malgré tout, tout au fond, un fol espoir qui ressemble fort à la musique de là-bas.