Dominique Venturi, dit « Nick », figure légendaire des parrains corso-marseillais, est décédé le 6 avril. Ce vieil homme honorable, proche de l’ex-maire de Marseille, Gaston Defferre, avait vécu mille vies, flirtant avec les figures du milieu, les hommes à borsalinos et la justice, qui l’a rarement condamné. « Bakchich » vous raconte son histoire : aujourd’hui, le sulfureux porte-flingues de Gaston…
Il y avait une foule de manteaux longs, de costumes noirs tirés à quatre épingles, rosettes en boutonnière, de visages oblongs cherchant la discrétion, pour rendre un dernier hommage à Nick Venturi, mercredi 9 avril, en l’église du Sacré-Cœur de Marseille. Une armada de 4X4, de Mercedes et de BMW s’entassaient anarchiquement sur les trottoirs de cette église chic du Prado, qui jouait à guichets fermés. Des avocats connus, des élus grisonnants, des médecins affables, des chauffeurs de taxis et d’anciennes figures du milieu marseillais se côtoyaient en silence, un peu gênés aux entournures, échangeant simplement quelques murmures, sous l’œil vigilant de quelques policiers venus repérer d’anciens « clients ».
Le curé de la paroisse ouvrit la cérémonie en accueillant feu « notre frère Dominique » avant de la conclure avec le Dio Vi Savo Regina. Drôle d’enterrement pour l’une des ex-figures légendaires de la pègre corso-marseillaise, décédée le 6 avril, à son domicile, avenue du Prado, à l’âge de 84 ans.
Il était calme, élégant, discret. Pas bavard. Aux importuns qui tentaient de lui soutirer quelques anecdotes enfouies de sa mémoire, il ne répondait pas. Dominique Venturi était, disait-on, « rangé des voitures », même si des rumeurs policières lui conféraient encore, ces dernières années, un éternel rôle de « juge de paix » habitué à donner des conseils. Il laissait filer les commérages comme de l’eau sur les plumes d’un canard, préférant donner l’image d’un vieil homme d’affaires honorable, prospère et bourgeois, se consacrant à ses proches. Son visage lisse ne laissait plus rien filtrer de ses aventures passées.
Et pourtant, il a vécu, Nick ! Il y aurait eu de quoi remplir avec ses confidences quelques tomes du grand feuilleton de la vie marseillaise des soixante dernières années, où se mêlent souvent, comme dans une délicieuse bouillabaisse, toutes sortes de poissons étranges.
Il était né le 24 juin 1923, à Marseille, de Jacques Venturi et Catherine Paccini, dans le quartier bigarré du Panier, où habitaient alors nombre de corses exilés et des foules d’immigrés venus de toutes les rives de la Méditerranée. Dans ce quartier chaud, l’école de la rue valait bien mieux que celle des préaux. C’était le fief, avant-guerre, des grands truands, tels que Carbone et Spirito, avant de devenir celui des stars montantes, les frères Mémé et Antoine Guérini.
Durant la guerre, le jeune Nick, qui a un peu travaillé dans la marine marchande, se rapproche de la résistance, notamment du réseau des « milices socialistes » du jeune avocat Gaston Defferre, composé d’environ 300 militants, principalement des gros bras recrutés dans le Panier, les Guérini en tête. Ils sont dirigés par Horace Manicacci, ancien fonctionnaire du port, et Louis Rossi, un bastiais analphabète surnommé « Le Commandant », oncle de Nick, qui seront des fidèles de Defferre à la mairie de Marseille.
Carte de la SFIO (nom de l’ancien parti socialiste) en poche, Nick Venturi devient l’un des porte-flingues de Gaston. Le 22 août 1944, Marseille à peine libérée, il débarque avec ses amis, pistolet-mitrailleurs en main, au siège du journal Le Petit Provençal. Les locaux sont envahis, le journal rebaptisé Le Provençal, « organe des patriotes socialistes et républicains ». Gaston Defferre tient son quotidien, première étape avant de conquérir la mairie de Marseille en 1953 pour un règne de trois décennies, entouré de sa garde rapprochée.
Parallèlement à ses activités « politiques », Nick Venturi, décoré d’une Croix de guerre pour ses faits de résistance, fréquente le beau linge du milieu. A ses risques et périls. En juillet 1946, avec trois de ses amis, il échappe de peu à une rafale de tirs vengeurs au bar le Hollandais, dans le quartier de Pigalle, à Paris. L’attaque est attribuée à Ange Salicetti, dit « le Séminariste », un truand corse, un brin vindicatif, assez peu porté sur l’absolution des péchés. La vendetta qui suit est sanglante, laissant près de 40 cadavres sur le tapis, jusqu’au décès non accidentel de Salicetti, le 3 décembre 1950.
On ne prête qu’aux riches. Le nom de Nick Venturi apparaît ensuite, de manière régulière, aux côtés de ceux de grandes figures comme les Guérini, Jo Renucci ou Marcel Francisci, dans des dossiers de contrebande de cigarettes, organisée entre Tanger et les côtes françaises.
La précieuse cargaison d’un bateau de pêche néerlandais, le Combinatie, fait l’objet d’âpres convoitises, en octobre 1952. L’un des associés présumés du clan Venturi-Francisci-Guérini, Antoine Paolini, dit « Planche » à cause de sa maigreur (par ailleurs membre des gardes du corps de Defferre) veut détourner les 2 700 caisses de cigarettes. Pataquès ! Une nouvelle vendetta fratricide saigne le milieu corso-marseillais durant plusieurs années. Le gêneur « Planche » finit truffé de 20 balles en novembre 1955 dans le quartier du Panier. Pace et salute.
Indemne et à peine condamné dans l’affaire du Combinatie, Nick Venturi peut continuer d’officier dans « les affaires », tout en faisant le coup de main lors des campagnes électorales pour son mentor socialiste, Gaston. Mais les soupçons reviennent, côté américain cette fois. Des truands corses ont investi dans le trafic d’héroïne. Ils font venir l’opium de Turquie, le transforment dans des laboratoires clandestins autour de Marseille, avant de livrer la « blanche » à leurs « cousins » de la mafia sicilo-américaine aux États-Unis. Le commerce de cette « French Connection » rapporte des fortunes aux parrains, qui dominent le milieu français.
Dans un rapport de renseignement confidentiel, daté du 6 février 1962, un agent américain du Bureau des Narcotics, cite nommément Dominique Venturi, comme l’un des chefs présumés d’une des organisation des trafiquants (voir sur le doc 1, la ligne f du premier groupe).
Cette thèse est reprise en détail, en 1964, par un rapport du Congrès américain sur « le crime organisé et le trafic illicite de drogues ». Des fiches détaillées des présumés chefs de réseaux français sont publiées, comprenant notamment Dominique Venturi et aussi son frère Jean, tous deux suspectés de trafic vers l’Amérique du Nord (voir doc 2).
Mais les faits précis et les preuves font défaut. Les deux frères, longtemps sous surveillance, ne seront jamais poursuivis, ni condamnés dans une affaire de trafic de stupéfiants. Blanc comme neige, Nick demeure.
Mais il va tomber plus tard pour d’autres sombres histoires, un peu à cause de son ami Gaston
Très impressionnant mais force est de remarquer :
A son enterrement : Que des gens respectables.( Respectables,avec ou sans guillemets ?) Celà a dû être une occasion aux RG et autres Services + ou moins officiels et à titre privés de remettre leurs fiches à jour…
Un coté civique du défun.
Je trouve le portrait assez intéressant, cet homme a eu une vie hors du commun, mais l’aspect crapulerie est très atténuée, sauf à travers le dessin explicite.
J’aimerai comprendre la raison pour laquelle les journalistes sont-ils si prolixes, à l’égard de certains voyous, et si "romantiques" avec les gros, les pires , ceux qui meurt dans leurs lits, comme par hasard sans avoir fait un jour de prison, ou à peine !
Des commentaires intéressants, sous le sujet de la Provence
http://www.laprovence.com/articles/2008/04/08/381971-MARSEILLE-Nick-Venturi-la-mort-d-un-des-derniers-parrains-corses.php ?n=1
J’ai lu, relu pour être certaine… et je ne peux m’empêcher d’avoir un singulier goût de bile dans la gorge.
Comme le feuilleton est prévu en 3 épisodes annonçés, je ne dresserai pas de procès en sorcellerie mais je trouve plus que troublant, voire obscène, cette façon de présenter un type qui a bâti sa vie sur le crime, la prostitution, la drogue et j’en passe…
Trop romantique, le portrait. Beaucoup trop. Vous auriez du interviewer les gamines mises sur le trottoir, les gamins pourris par les drogues coupées et polluées du dit-Venturi. Les hommes ou les femmes passés à tabac jusqu’à ce que mort s’en suive.
Entre autres…
C’est comme ça qu’on se retrouve avec des millions de pékins fascinés par un Tapie hier… un Sarkozy aujourd’hui.
Que vous puissiez avoir un penchant coupable pour les escrocs et les bateleurs d’estrade entourloupeurs de vieilles dames face à la dernière encyclopédie en 568 volumes, c’est déjà pénible.
Que vous leur fassiez une pub déguisée façon "On se refait Borsalino avec Bébel et le Delon", j’achète pas.
OK. Je peux me tromper. Votre article peut être écrit au 36ème degré et je vois le mal partout (c’est exactement ce que le Petit Timonier me dit à chaque minute). N’empêche… J’ai du mal, là.
Prouvez-moi dans les deux prochains épisodes que vous n’excusez pas un parrain assassin, un boucher, alors que vous hurlez sur les m3 de Fadela Amara. Sinon, Backchich sentira plus le poisson que l’étal du mari de Yellowsubmarine.