Le New York Times vient de révéler que le tabloïd britannique News of the World, propriété du magnat Rupert Murdoch, écoutait illégalement des centaines de personnalités. Un scandale sur fond de guerre entre journaux.
On ne présente plus Rupert Murdoch. L’homme est à la tête d’un empire médiatique qui sert avant tout son idéologie ultra-conservatrice. Cible de longue date de ce prédateur hors pair : le vénérable New York Times qui bat de l’aile.
En juillet 2007, Murdoch a avalé le Wall Street Journal pour 5 milliards de dollars. Un événement que le très sérieux magazine Columbia Journalism Review (chien de garde de la déontologie journalistique publié par l’université de Columbia) a alors qualifié de « début de la fin de ce qui a fait du Wall Street Journal un quotidien exceptionnel ». Mais aussi, selon Newsweek « Une déclaration de guerre formelle contre la plus vénérable institution du journalisme américain, le New York Times ». Et c’était effectivement l’intention de Rupert Murdoch qui a mis au point une stratégie d’étouffement publicitaire du New York Times pour mettre la main dessus à terme et à moindre coût.
Rupert Murdoch est un conservateur pur et dur n’hésite pas à instrumentaliser son empire médiatique News Corp pour tirer l’Amérique vers la droite. Sans surprise, il avait apporté un soutien sans failles à George W. Bush qu’il a loué comme « un homme de grande moralité et d’humilité profonde ». Pour Murdoch, ses titres de presse sont autant d’armes destinées à servir ses points de vue ultra-conservateurs comme ses intérêts commerciaux. Aussi bien dans les colonnes de « news » que dans les éditoriaux de ses médias.
Murdoch est originaire d’Australie et a bâti son conglomérat à partir de deux quotidiens hérités de son père, Sir Keith Murdoch. Quand il est devenu citoyen des Etats-Unis pour contourner les lois américaines interdisant à un étranger de posséder des chaînes de télévision, il avait déjà acheté le New York Post, fondé en 1803, qui avait alors la réputation d’être le quotidien le plus progressiste des Etats-Unis. Hélas, Murdoch en a fait un journal à sensations et de combat conservateur calqué sur ses quotidiens australiens où les politiques que Murdoch n’aimait pas étaient flingués régulièrement dans ses colonnes via des « reportages » souvent douteux. En enflammant de façon ignoble les tensions raciales, surtout entre les communautés juive et noire, le New York Post de Murdoch, sous la direction de rédacteurs-guerriers importés d’Australie, a joué un rôle clef dans l’élection de Rudy Giuliani, le premier maire républicain de New York City depuis des lustres qui a basé sa campagne sur l’hystérie sécuritaire. Notons au passage que par la suite Giuliani, qui sait remercier ses amis, a accordé une exonération d’impôts de 20 millions de dollars à Murdoch pour la construction du luxueux QG de son empire à New York.
Lorsque Rupert Murdoch a lancé la chaîne d’infos en continu Fox News en 1996, il a choisi, pour la créer et la diriger, le très conservateur Roger Ailes, ancien publicitaire et stratège médiatique pugnace de Richard Nixon, Ronald Reagan et de George Bush père. L’homme est en outre connu aux Etats-Unis pour avoir été l’auteur de spots publicitaires républicains maniant les peurs raciales. Sur Fox News, les commentateurs et présentateurs de « news » n’arrêtent pas de tirer à boulets rouge sur le Parti Démocrate, sur « la menace de l’ultragauche » et sur les prétendus « ennemis » de l’Amérique (l’islamophobie y est galopante). Et assure la promotion des « valeurs familiales », les homosexuels et les supporteurs du droit à l’avortement constituant des cibles privilégiées.
Murdoch a aussi largement contribué a la montée en puissance des néo-conservateurs en les dotant en 1995 de leur propre hebdomadaire, le Weekly Standard. Depuis, cette publication n’a eu de cesse de militer pour une guerre contre l’Irak et réclame aujourd’hui une attaque contre l’Iran.
Pendant ce temps, la cible de Murdoch, le New York Times, licencie, en proie à des difficultés financières. De son côté, Murdoch peut se frotter les mains. Avec Newsday, le WSJ et le New York Post, ainsi que deux télévisions locales, il a de quoi étouffer le concurrent. Mais le papivore australo-américain pourra-t-il forcer les propriétaires historiques du New York Times depuis le 19e siècle, la famille Sulzberger, de le vendre avant de subir des pertes trop importantes ?
La guerre ne fait que commencer. Acculé par Murdoch, le New York Times rend coup sur coup et vient de révéler que le tabloïd britannique News of the World, propriété du magnat, écoutait illégalement des centaines de personnalités.
To be continued… in Bakchich Hebdo n°37 daté du 11 septembre 2010.
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