Mais où va CNN ?

Est-ce que la décision la semaine dernière de virer le président de CNN, Jon Klein, signale le triomphe de la télévision populiste ? Il y a toutes les raisons de le craindre.

Aux États-Unis, il existe trois principales chaînes câblées d’infos 24 heures sur 24, et selon un récent sondage pour le magazine Politico, c’’est sur ces chaînes que 81% des Américains s’’informent pour les élections. CNN, la première chaîne exclusivement d’’infos, a révolutionné les news télévisées lors de sa création par l’’entrepreneur Ted Turner en 1980, mais son audimat décline constamment depuis que le baron de presse archi-conservateur Rupert Murdoch a lancé Fox News en 1996 comme la voix de la droite populiste, une formule qui l’’a fait roi incontesté du taux d’’écoute.

En 2007, la troisième chaîne d’infos, MSNBC (dont le nom est le sigle du partenariat entre le Microsoft de Bill Gates et la chaîne hertzienne NBC) a décidé de suivre la voie idéologique et de concurrencer Fox avec une chaîne ancrée légèrement à gauche. Depuis, MSNBC, dont le slogan est « le lieu de la politique, » devance CNN au rang de numéro 2 du prime-time. Ainsi, la CNN américaine perd beaucoup d’’argent, et c’’est seulement grâce a CNN International que la chaîne enregistre des bénéfices.

CNN sous Klein, comme l’’a écrit récemment Michael Wolff, le critique des médias du magazine Vanity Fair, a été l’’exemple «  d’’une mauvaise gestion déconcertante et d’’un vide moral où les meilleurs manquent de conviction et où les pires sont remplis d’’une intensité passionnée. »

Il y a quelques semaines, Klein a vainement tenté de sauver son job avec deux embauches populistes, vivement contestées au sein de Time Warner, actuel proprio de CNN. Il a tenté d’’imiter Fox News en virant le vétéran intervieweur vedette du talk-show le plus populaire de CNN, Larry King, pour le remplacer par un Britannique, Piers Morgan, ancien rédacteur en chef des quotidiens londoniens bas de gamme de Murdoch, The Sun et The News of the World (un portrait de Morgan par le quotidien The Guardian l’’avait qualifié de « racaille tabloïd. »)

Et, bien plus bizarre encore, Klein a décidé de lancer un nouveau talk-show dont l’’animateur sera l’’ancien gouverneur de New York Eliott Spitzer, contraint à la démission en 2008 après les révélations par le New York Times qu’’il avait dépensé une petite fortune à fréquenter des «  call-girls » tarifées à 1000 dollars l’’heure ! L’embauche du libertin Spitzer devenu symbole national de l’’hypocrisie politique, c’’en était trop pour la hiérarchie de Time Warner, et peu après Klein était limogé.

Mais son remplaçant à la tête de CNN, Ken Jautz, est connu comme un maître de la télévision populiste, ainsi qu’’il l’a démontré à la tête de HLN, la chaîne soeœur de CNN, où il a lancé la carrière à la télé de Glenn Beck, le démagogue de la droite dure devenu depuis le héros des Tea Party et qui aujourd’’hui assène ses bigoteries sur Fox News (Beck qualifie Barack Obama de «  raciste qui n’’aime pas les blancs » !) Ses plans pour CNN ? Jautz dit que la chaîne a besoin de « plus d’’opinion » et d’’être « marrante ».

Avec Jautz à la tête de CNN, la fin des « news » et le triomphe de l’’ « infotainment » sont bien prévisibles.