Un ambitieux journaliste camerounais a trouvé comment booster ses ventes : faire un tour en cabane.
Reporters sans frontières (RSF) et les associations de journalistes camerounaises se sont élevés la semaine dernière contre l’arrestation, le 3 septembre, par la sécurité militaire (Semil) à Yaoundé, de Duke Atangana Etotogo. Il était reproché au directeur de publication du tout nouveau mensuel privé L’Afrique centrale un dossier sur l’armée camerounaise qui distribue bons et mauvais points à diverses personnalités politiques et militaires.
Une affaire qui s’est soldée par la libération du journaliste, quatre jours plus tard, après que ce dernier se soit fendu d’une « lettre d’excuse » à Son Excellence Paul Biya, en sa qualité de chef de l’État et des Armées.
Sur place, les avis des journalistes qui ont eu en main le mensuel sont plus partagés. S’ils affichent leur solidarité avec leur confrère, dans un pays où les médias sont souvent maltraités par les autorités, ils remarquent tout de même que le sujet, très sensible, qu’a choisi Duke Atangana pour le lancement du premier numéro de son magazine ressemble fort à une opération de communication. Une opération qui lui permet au passage de jouer aux confrères l’air du martyr incorruptible.
Aussi certains observateurs soulignent-ils la démarche ambiguë de RSF. Déterminée à défendre les journalistes contre les abus de pouvoir, l’organisation cautionne du même coup une double pratique trop répandue dans la presse camerounaise : le lynchage et le « kilavage » (cirage de pompe) financièrement motivés.
Reste à savoir par qui « l’enquête » de L’Afrique Centrale a été suscitée. Par ceux auxquels Duke Atangana tresse des lauriers ou par ceux qui au contraire se font taper sur les doigts ? Au royaume de Paul Biya, où le Prince sanctionne immédiatement les ambitions trop ostentatoires de ses subordonnés, le jeu de la presse et du pouvoir est un billard à plusieurs bandes.