Benoît XVI est un pape épatant. Dans une Église catholique dont la doctrine ne bouge pas d’un poil depuis un siècle, il continue de rouler avec le frein à main. Il est même assis dessus. Je m’explique. Si vous regardez les fesses de votre voisine, de votre voisin, c’est toujours et encore un petit péché. Si vous passez la main sur la rondeur c’est un moyen péché. Si vous couchez avec votre voisine, avec laquelle, par définition vous n’êtes pas marié, c’est un gros péché.
Que l’Église continue d’appeler « mortel » (pourtant pas trop mortel si vous utilisez un préservatif que le pape réprouve). Si vous êtes divorcé, vous êtes, à vie, un banni de la communauté. Pas de nouveau mariage possible sous la voûte de la chapelle. Vous êtes catholiquement mort. Si vous êtes prêtre et que le froc vous pesant, vous êtes parti avec une ouaille, vous êtes tout autant condamné à vie. Pas de curés mariés, pas de femmes curées. Sur le fond, rien ne bouge depuis les avancées ouvriéristes du Vatican au passage du XIXe au XXe siècle.
Vous allez dire : « Et Vatican II. Bordel ! ». Le bon Jean XXIII et le petit cycliste Paul VI ont fait du réajustement parce que la tunique mondiale catholique craquait aux coutures. On a enlevé de la poussière, viré le latin pour que le fidèle comprenne ce qu’il récite, fermé l’œil sur les pionniers du genre « Église de la libération » et l’activisme des « curés de gauche ». C’est tout. En ce qui concerne les fesses de la voisine, la relégation des divorcés et prêtres déserteurs, rien. Jean XXIII c’était du Canada Dry, un vent de Réforme en forme de vent. La preuve, je n’ai pas entendu dire que les églises avaient refusé du monde après le passage du saint homme sur le trône de Pierre.
Là, vous allez reprendre la parole : « Mais, alors, comment expliquer que le fidèle ne se révolte pas ? ». Non, il ne se rebelle pas, le fidèle devient infidèle, surtout en Occident où les critères d’une vie « libérée » ne passe pas par le chas d’une aiguille. L’édifice ne tient que par la soupape (si je peux utiliser ce mot dans un article papal), de la confession. Pour la petite affaire avec la voisine, on peut lessiver le cas avec la confesse. Et même si vous la tuez, la voisine. Si j’ai bien compris, la confesse, maintenant, ce n’est plus comme dans le passé. On ne s’agenouille plus dans un édicule en bois pour dire au curé derrière le guichet : « Pardonnez moi mon père parce que j’ai péché… ». La confession moderne se fait en direct avec Dieu, comme avec Internet. Sauf que les défroqués et divorcés sont toujours interdits de pardon.
Les catholiques de nos contrées « développées », aux mœurs tout aussi développées, vivent soit dans l’hypocrisie, soit dans la supercherie. On les laisse vivre comme ils l’entendent et se cuisiner une pratique religieuse, à la carte, qui leur convient. Cela permet à celui que la transcendance titille de se proclamer « croyant » alors que ne pas aller à la messe le samedi ou le dimanche est toujours un gros péché, et que lui n’y va pas. On assiste donc à la création d’une communauté virtuelle de catholiques, semblable à un type qui porte l’écharpe de l’OM sans jamais assister à un match. Si, au lieu de titrer « Génération Benoît XVI », les attrapeurs de nigauds du Parisien avaient tout simplement recopié dans ses pages la doctrine toujours en cours de l’Église catholique, et le tarif des péchés, le lecteur aurait été défrisé. Prenez l’Islam, la charia est rarement appliquée mais on en parle beaucoup. Pourquoi ce silence sur le châtiment du pécheur catho sous prétexte qu’on ne lui coupe pas la main ?
Le chanteur moustachu qui aimait les chats l’a bien dit : « Sans le latin la messe nous emmerde… » Ici, donc, un grand bravo au frère pape Benoît qui remet du « In manus tuas domine » dans l’office. Enterrer un ami en latin c’est moins dur que face aux rafales des cantiques signés Gélineau et de « Tu es mon berger ô Seigneur ».
Pour le reste, j’adore ce pape et veux prendre sa défense. Il n’est pas réac : il veut tout simplement appliquer la doctrine (oubliée mais toujours en vigueur) de son Église. La preuve, il a réactivé l’antique prière « pour la conversion des juifs ! » Avec un homme comme lui aux manettes, un bon laïc positif se sent à l’abri du retour du catholicisme triomphant : le fossé entre les réalités sociales et la rigueur de la doctrine va continuer de se creuser. Les églises vont rester vides, animées par des diaconesses d’âge canonique. C’est tout cela qui me fait voter Benoît.
Cher Jacques-Marie Bourget,
L’Eglise ne peut décliner puisque, comme vous le faite si justement remarquer, elle est immuable.
C’est au contraire l"Occident" qui décline.
Je vous rassure, les justes seront tout de même sauvés. Je vous souhaite dans faire partie.
SJA
EQUIVOQUE Aux Flambeaux
Chantant a capella dans un pèlerinage, A Lourdes ou à Lisieux, peut-être à Nevers. Des ave à Maria dans de curieux verbiages Lus sur un coupe-vent tenu par un convers ; J’aperçus des dévots. … La chose n’est étrange Ici, que parce qu’ils allaient, avec une jument. Je me dis in petto, cet animal dérange Ce pluvieux décorum dans ce grand déploiement. Mais tziganes ils erraient, opiniâtres en phalange Retournant bien trempés, las, vers leur campement.
Ils fredonnaient têtus, lorsque nous nous croisâmes, Un tango argentin du plus curieux fausset. Vieux succès de Gardel. ô Dieu, paix à son âme ! C’était bien « Caminito » et non pas un verset.
Les pèlerins marris, lorsqu’ils étaient croisés, Subjugués, lisant bien malgré la paraffine, Reprenaient tous en chœur, paroles apprivoisées : « Un jour Napoléon, disait à Joséphine.
Sous des dais de damas parmi l’or qui reluit Les grands prêtres officiants obséquieux musiciens, Haranguaient les marcheurs, « Oui ! Chantons sous la pluie ! » Et « Singin’s in the rain » swinguaient ces paroissiens. Du grand balcon du ciel, Dieu, son aréopage, Lassés des facéties de ce mauvais clergé, Décide derechef et en grand équipage D’accentuer la pluie, sans aucun préjugé. Contrits dans leurs ébats, les fidèles entonnèrent « Plus prés de toi mon Dieu », croyant au Titanic. Le créateur fâché fit donner le tonnerre Et les curés soucieux pensèrent,…à leur fric. Dieu voyant qu’il fallait sans se joindre aux prélats, Mettre enfin un peu d’ordre à cette procession Dans un arc de lumière s’en vint donner le « La ». Aux novices et aux fats croyant intercession. Les fidèles exaltés par « Over the rainbow » Swinguant avec des noirs fiers dans leurs beaux costumes Aux sœurs de charité faisaient chanter Rimbaud Par ce fait aux ferveurs ramenant la coutume.
Çà et là on clamait de forts « Alléluié ». Certains, moins timorés, ne voyant pas Marie Tout en se déhanchant twistaient « Y.M.C.A. » Les curés se pâmaient , « Dieu quel amphigouri » .
Ainsi interpellé « Il va bien nous falloir,
Ange Gabriel, dit Dieu, orchestrer ces musiques.
N’est-ce point trop paraître ? –Non ! Modeste à-valoir ,
Tentez donc d’unifier ces chants peu liturgiques.
En costume de cuir allez à Massabielle,
Paraissez et prêchez . Notre foi desservie ….
Mais tous , je dis bien tous, vous chanteront :…. Gabrielle,
Tu brûles mon esprit, ton amour étrangle ma vie.
Charles sabatier