Les fonds spéculatifs ou d’investissement ont discrètement avancé leurs pions sur la scène financière mondiale. En France, ils contrôlent déjà 5 000 entreprises, qui emploient plus de monde que toutes les boîtes du CAC 40. Deux journalistes des « Échos » ont mené l’enquête sur ces « pirates du capitalisme » déjà très puissants, dans un livre qui vient de paraître, où l’on en apprend de belles sur cette jungle bigarrée.
Vous ne connaissez pas leurs noms. Ils s’appellent KKR, Blackstone, Colony Capital, Centaurus, Texas Pacific Group, Sebastian Holdings ou même Pirate Capital… Dotés de milliards de dollars provenant des retraités de Californie ou des spéculateurs de New York, ces fonds interviennent aux quatre coins de la planète financière, bousculent les marchés, prennent le contrôle des sociétés, les dopent ou les démembrent et repartent souvent, plus-value en poche, en quête de nouvelles proies, au risque de détruire toute faune aux alentours.
Ces nouveaux « pirates du capitalisme » [1], font l’objet d’une enquête minutieuse et très vivante, menée par deux journalistes des Échos, Solveig Godeluck et Philippe Escande. Leur voyage est instructif à plus d’un titre.
Tout d’abord, on y apprend que ces fonds ont déjà envahi la France. Jugez plutôt : le fonds américain Colony Capital, par exemple, est actionnaire de tours d’immeubles à la Défense et sur le front de Seine, des bâtiments industriels d’Alcatel, de la chaîne de restauration Buffalo Grill, de 10% du groupe d’hôtellerie Accor, du club de foot PSG. Il vient d’annoncer, en début de semaine, qu’il a franchi le seuil de 10 % dans le capital de Carrefour, aux côtés du milliardaire Bernard Arnault.
La liste des emplettes de tous les fonds, ces dernières années, est impressionnante, si l’on en croit les auteurs : sont ainsi tombés dans leur escarcelle Les Pages Jaunes, l’ancienne Télédiffusion de France, la marque de vêtement Kookaï, les chaussures André, le loueur Europcar, les surgelés Picard, le lunettier Alain Afflelou, les collants Dim, les yaourts Yoplait, la cristallerie de Baccarat. La liste est loin d’être exhaustive…
En réalité, il y a tellement de PME françaises à vendre (les fondateurs partent à la retraite) que les chasseurs ont l’embarras des proies. Au total, les fonds contrôlent 5 000 entreprises en France, font bosser 1,5 million de salariés, soit plus que tous les patrons du CAC 40. Et personne ne les avait remarqués…
Deuxième découverte : certains sont très malins. Par exemple, pour mettre la main en 2003 sur le fabricant de petit matériel électrique Legrand, Henry Kravis, boss du sulfureux fonds new-yorkais KKR, qui gagne 51 369 dollars par jour selon le site www.warongreed.com, s’est allié à l’une des plus anciennes familles capitalistes françaises, le groupe Wendel, dirigé par le baron Ernest-Antoine Seillière, ancien président du Medef. Kravis, à la carrière très controversée, avait besoin, pour se faire accepter par l’establishment français, d’un « passeport d’honorabilité », disent les auteurs. « Il en a trouvé un et de première classe ».
L’opération sur Legrand, de 5 milliards d’euros, a été rondement menée par le tandem KKR-Wendel, sans trop de polémique. Le milliardaire Henry Kravis, – dont l’épouse préside le Museum of Modern Arts de New York – s’est même payé le luxe d’arriver bien avant Seillière, retardé par du mauvais temps, à la réunion de présentation de son offre, à Limoges, siège de Legrand, en janvier 2003. Kravis avait pris soin de prendre une chambre au Royal Limousin, hôtel chic de la ville, propriété d’un des fils du fondateur de Legrand…
Mais tous les gestionnaires de fonds ne sont pas diplomates, au contraire. La plupart exigent des rendements financiers supérieurs aux placements de père de famille, au risque de saigner les entreprises qu’ils convoitent. Les méthodes d’éviction peuvent être brutales. Les pressions menées sur les groupes, comme sur Vivendi ces dernières années (le livre détaille cette histoire méconnue), très machiavéliques. Les nationalités et les cultures sont souvent malmenées. Il y des raiders et des maîtres-chanteurs dans cette « jungle bigarrée » où, disent les auteurs, on croise « des tigres, des éléphants, des singes, des serpents et des gazelles ».
C’est le troisième enseignement du livre : Solveig Godeluck et Philippe Escande nous aident à nous y retrouver dans ce bestiaire. Il faut distinguer, grosso modo, les fonds spéculatifs (on en compte 10 000), véritable casse-cous qui parient en permanence sur les marchés boursiers ; les fonds d’investissement qui avalent des entreprises, avec des stratégies et des comportements très variés ; et les fonds de pension qui dispersent leurs mises, a priori plus prudents parce qu’ils gèrent à long terme les milliards d’économies des retraités.
Pour le moment, la plupart ont la gueule de bois à cause de la débandade boursière, après des années de profits faciles, grâce au crédit bon marché. Mais ils n’en restent pas moins redoutables, toujours prêts à poursuivre leur discrète expansion. Jusqu’au prochain dérapage.
Pour découvrir les immenses richesses et les méthodes d’Henry Kravis, le patron de KKR, l’un des fonds d’investissements les plus puissants et controversés, regardez cette vidéo (en anglais certes, mais très parlante)
[1] Les pirates du capitalisme, comment les fonds d’investissement bousculent les marchés, Solveig Godeluck et Philippe Escande, Albin Michel, mars 2008
"L’Art de la guerre est basé sur la duperie" écrivait Sun Tzu" dans le plus ancien texte de doctrine militaire, daté d’environ 500 ans avant JC. Et vous ne vous reveillez qu’aujourd’hui Messieurs ?
John Perkins dans ses "confessions d’un assassin financier", qui a été lui même l’un de ces "hommes en noir", va beaucoup plus loin dans les explications fouillées :
les fonds souverains comme le Carlyle group (actionnaire de Marianne au côté de Yves de Chaisemartin), on pour objectif de contrôler les économies des pays cibles, au profit d’une puissance étrangère. Et pas uniquement pour de pures questions de rendements financiers capitalistiques. L’affaire "Gemplus" en ce domaine fut un cas d’école ! Capté par un fond-souverain proche de la CIA, l’entreprise a été vidé de sa substance.
C’est l’arme économique dans toute sa splendeur !
Les entreprises de cotations qui sont toutes américaines ou sous contrôle US, ont le même objectif : définir qui est au top ou non en fonction des intérêts de puissance associers du moment ! être vainqueurs, voila l’unique objectifs ! Il existe des effets de modes, même dans le domaines "pseudo-objectifs" de la finance mondiale !
… Pour l’instant, notre état n’est pas stratège et le "monitoring" extérieur est flagrant !
Bon Dieu mais relisez donc le rapport enterré par Balladur (alors Président de la commission des affaires étrangères) de Jacque Myard (député des Yvelines est diplomate de carrière) pour ne pas déplaire à l’ami américain :
"La désinformation affecte tout autant les états que les entreprises, et donc la vie quotidienne de tout un chacun. La guerre, les vraies fausses dépêches, les manipulations boursières, les opérations de destabilisation ou de pseudo révélation". C’est un manuel type expliquant les techniques modernes utilisables par les états démocratiques concurrents pour parvenir à leurs fins.
Résultat : Balladur a finalement estimé que cette analyse, qu’il ne contestait pas sur le fond, stigmatisait l’administration américaine et qu’elle ne pouvait être publiée sous le timbtre de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale….. (sic)…. !
En somme, il n’était pas convenable de dénoncer ainsi les méthodes d’un pays allié de la France, mieux valait s’en tenir à des rapports insipides et lisses qui ne fâchent personne…… (re-sic)…… !
Alain Juppé et Lionel Jospin au pouvoir n’avaient-ils pas répondu en coeur il y a quelques années déja : "L’intelligence économique ????… Mais qu’est ce que c’est que ce machin inutile ?????"
Résultat : 12 ans de retard supplémentaire dans nos réactions. Aujourd’hui, nous le payons en pertes sêches d’emplois… Merci Messieurs !
"La France a t’elle encore une stratégie de puissance ?" écrivait Christian Harbulot de l’Ecole de Guerre Economique…. La réponse est manifestement "non" !
Bill Clinton a été le premier à réorienter ses agences de renseignements sur le secteur économique après la chûte du mur pour "GAGNER" sur l’adversité ! La création de "l’Advocacy Center" (organisme de liaison) lui assurait une suprématie remarquable dans la gestion des opérations économiques offensives concertés.
Et nous ? Ou en sommes nous 20 ans après ?????
Vincent Nouzille, après votre très sympathique "Députés sous influence" dénonçant le principe des actions de lobbying, et les livres "L’Amérique à Bruxelle" de Florence Autret et "La CIA en France, 60 d’ingérence dans les affaires française", de Frédérique Charpier….
….. Vous tenez le titre de votre prochain ouvrage : "L’Economie sous influence, 50 de révélations sur les manipulations de l’économie mondiale " !
Chiche ?!
Un grand Fan ;)