Simple hebdomadaire, le journal dominical de Lagardère doit mettre le paquet pour faire preuve de son allégence.
Si ça continue, le JDD va pouvoir concurrencer Le Point pour le titre de journal officiel de la Sarkozie triomphante. Le dernier numéro de l’hebdomadaire appartenant à Lagardère (un ami, pardon, un « frère » de Super-Sarko) est exemplaire. Dès l’éditorial, le directeur de la rédaction, Jacques Espérandieu, qui était menacé ces derniers mois mais qui grâce à quelques petites attentions en direction du Château a réussi à sauver son poste, se félicite de la reprise en main de l’UMP (un dangereux mouvement extrémiste) par notre timonier. « Il était temps », écrit-il. Non mais qu’est-ce que c’est ces parlementaires qui osent critiquer le chef ? Merci Espé de rappeler à l’ordre ces chenapans.
En pages intérieures, la victoire inespérée de la France sur la Nouvelle-Zélande en quart de finale de la Coupe du monde de rugby, donne l’occasion d’un numéro de cirage de pompes exceptionnel. Pas moins de trois photos de Super Sarko. Avec Laporte. Avec Laporte et Rachida Dati (notre intrépide ministre de la Justice qui adore le sport et les sportifs) dans les vestiaires. Et puis ce cliché où l’on voit notre héros assis sur un banc et « qui refait le match » avec deux joueur (Cédric Heymans et David Marty, ce dernier se demandant ce que fait là ce petit homme qui pérore sans fin). Selon le JDD donc, notre bien aimé président est à même de discuter des subtilités d’un match de rugby avec les pros. Or, l’intéressé lui-même expliquait il y a quelques semaines qu’il n’y connaissait rien et qu’il voulait juste surfer sur la compétition pour doper sa cote de popularité comme l’avait fait Chirac lors de la Coupe du monde de football en 1998. Bah, il apprend vite et il pourrait même remplacer un jour Bernard Laporte, son futur secrétaire d’Etat aux sports, à la tête des Bleus.
Passons sur l’article complaisant du JDD sur BHL, qui, soit dit en passant, est un ponte de Grasset, qui comme l’hebdo, fait partie de l’empire de Lagardère. Le JDD oublie de le préciser. Sans doute cette pression de l’actu sarkozienne qui empêche les journalistes d’analyser et d’expertiser, selon l’expression du sarkozyste de choc du Monde Philippe Ridet. Non, le vrai morceau de bravoure de l’hebdo concerne EADS. « L’affaire EADS éclabousse l’État », titre le JDD qui ajoute en surtitre : « Le gouvernement ouvre une enquête sur le rôle de Bercy ». Pauvre de nous qui croyions bêtement que le rapport préliminaire de l’AMF (le gendarme de la bourse) adressé au parquet pointait un délit d’initiés de la part de ceux qui avaient vendu des actions EADS au printemps 2006 en empochant de solides plus-values : le groupe allemand Daimler, une tripotée de dirigeants et le groupe Lagardère. Ce dernier avait vendu pour 2 milliards d’euros d’actions réussissant à en fourguer pour 600 millions à la Caisse des dépôts et consignations (la fameuse CDC), qui, misère, a perdu 200 millions dans cette affaire.
Donc, pour le JDD, les coupables ne sont pas ceux qui ont vendu au bon moment (la justice dira s’ils ont bénéficié d’informations privilégiées sur les problèmes de l’A380, qui ont plombé le cours de bourse à partir de juin) mais l’État. Le journal de Lagardère a tout compris de cette ténébreuse affaire.