« Les Coloniaux », d’Aziz Chouaki, est actuellement joué à Nanterre. Peu convaincant.
Théâtre des Amandiers, Nanterre : grand réceptacle pour le théâtre « subventionné ». Pourquoi pas, la « création » en France ne peut pas exister qu’avec des financements privés et grâce à la symphonie des marchandises qui régente l’offre et la demande culturelle. L’Etat et les collectivités territoriales ont le droit de jouer aux mécènes.
« Les Coloniaux », d’Aziz Chouaki. Le titre sonne bien. Le texte à la lecture est un peu verbeux, souvent lourd, mais servi par un bon acteur, ça peut avoir du souffle. Je me lance, RER A. Je tombe sur une bande lycéens dans le grand hall du théâtre. Ils doivent écrire une bafouille à leurs profs de lettre et d’histoire : « on est sur le devoir de mémoire, c’est clair, faut se souvenir, mais là… ». « Mais là ? » « Le texte est assez moyen ». Je m’installe avec eux.
Un plantage total. On passera sur la mise en scène minimaliste, la scénographie suggérée par une caisse habillant un espace vide, l’unique acteur qui n’aurait pas passé le test d’entrée dans un de ces faux cours parisiens organisés pour plumer la petite bourgeoisie ne sachant que faire de ses rejetons en échec scolaire… Et la présence de l’auteur dans un coin de la scène qui est là pour « relancer ? » l’acteur ? Car il y a de l’idée dans ce texte ! La grande trouvaille narrative est de raconter trois fois la même chose avec à chaque fois une approche différente. Une première à la gloire de la France, une seconde à sa charge et une troisième à sa décharge, censée être le regard « objectif » sur l’Histoire avec un H. Tout ceci laisse profondément perplexe.
Renaud, vous n’épargnez guère Chouaki et pour tout dire vous le fumez en plein vol. Je peux vous dire que vous vous trompez gravement sur trois sujets. On peut tout dire de Chouaki sauf qu’il est verbeux. La langue de cet auteur est l’une des plus modernes de la francophonie. Sa syntaxe ne vient pas des arcanes littéraires mais de la rue. Zapping, multicuturalisme, argot d’Alger, de Paris ou d’ailleurs, les mots sont des notes de musique et les phrases des partitions de l’imaginaire. Guitare en main comme à l’époque où il jouait dans les cabarets et les clubs d’Alger, Chouaki se lance au cours de la pièce dans une Marseillaise dissonante, à la Hendrix. « Les Coloniaux », c’est un peu une Marseillaise méconnaissable, envoûtante jusqu’au larsen. Les voix de ces soldats de l’autre continent sont comme un son perdu qui crisse quelque part au loin. Et tout le mérite de Chouaki est de ne pas faire de morale. Certes, « il demande juste un peu de mémoire », mais jamais de pardon. On rencontre ses personnages, des soldats des colonies, avec leur fantaisie, les petites choses de la vie qui donnent de la chair.
Insinuer que Chouaki est aux bottes d’on ne sait quelle institution, est mal le connaître. Il est parti d’Algérie en 1991 parce qu’il risquait sa vie pour ses écrits. Quel reproche lui faites-vous ? Certainement pas celui d’avoir essayé de montrer une autre histoire. Il n’allait pas faire du sentimentalisme et se faire le porte-parole de la guerre des mémoires. Il déteste cela. Il n’envie d’ailleurs pas le bordel algérien de l’après 62. Non, description vite faite, il a essayé de mélanger les Pieds Nickelés avec Pétain sur un fond de « jazz d’obus » et de goût d’harissa. Essai. Réussi pour qui veut. Et puis il faut rire, la salle riait quand j’y étais.
Du Chouaki, ça se mûrit aussi. Comme pour « Une virée l’année dernière », les dernières représentations étaient les meilleures. Je ne dis pas que la pièce était bonne du début à la fin, certainement que l’acteur ou la mise en scène doit gagner en énergie ou en rythme, certainement que des petites trouvailles sont encore à trouver mais fustiger ainsi Hammou Graïa, l’acteur, non seulement ne sert à rien, mais est aussi totalement gratuit. Il était formidable dans « Une virée ». Dans « Les Coloniaux », il réussit à donner de la poésie au personnage principal. Héros-anti-héros, on retrouve du Céline, dans ce voyage au bout de la Françalgérie. Jouer un monologue sur un récit aussi dense mérite quelques jours de mise en jambes. Et je suis certain que Graïa va réussir ce pari, à moins qu’il ne l’aie déjà fait.
Anthony Lesme
Une commande du conseil général de la Meuse sur les tirailleurs algériens pendant la bataille de Verdun. Une oeuvre moraliste à souhait. Une pièce « éducative » qui se veut sans parti-pris et tombe dans le bien-pensant… L’intention était sans doute bonne. L’auteur n’a voulu diaboliser personne, attaquer personne mais faire un travail de mémoire en mettant en avant un parcours individuel, en faisant de la micro-histoire « objective ».
L’acteur narrateur raconte l’engagement d’un pauvre type qui voulait libérer Douaumont, comme les Pieds Nickelés, la fameuse BD qui fut mise à contribution du « bourrage de crâne ». Ses camarades algériens sont eux aussi dans l’enfer des tranchées pour des raisons strictement individuelles. Joli message, mais qui sonne faux. La pièce sombre dans le descriptif, le propos dans le « message » flou. On ressort de là et on n’a pas appris grand chose. Passe encore pour ceux qui connaissent bien ces événements, mais pour les lycéens, les premiers destinataires de ce type de pièce ? Je les invite à boire un verre en sortant. « La pièce est fidèle au texte, même Pétain a l’air sympa. C’est quand même des gens à qui on a volé leur territoire qui sont morts pour libérer un territoire qu’on nous avait volé et qu’on a massacré quand ils ont voulu qu’on leur laisse leur propre territoire. Chouaki, il ne dit rien de ça, au contraire, on a l’impression qu’il nous prend pour des cons. » Grégory ne s’y est pas laissé prendre, il mériterait un prix de la critique du haut de ses seize ans.
En voulant éviter les écueils de la « pièce critique à message », Chouaki nous livre une vision de l’objectivité historique qui consiste à se souvenir du superficiel, et c’est tout. A vouloir trop éviter l’idéologie, il finit par ne plus défendre aucune idée. Le business du devoir de mémoire ou les limites du théâtre de commande en somme.
chouaki quand il pond ses nanards theatreux sur le bled, et les bledards est encensé par la critique
quand il pointe (très) timidementle doigt sur le systeme colonial, il se fait allumer (non sans raisons d’ailleurs)
sa carte de sejour il l’a reçu en echange d’une critique plus ou moins constructive de l’algerie, et donc des algeriens
pas pour autre chose
il l’a oublié semble t il, on est en train de le lui rappeler
bien fait pour lui, à bon chat, bon rat