Notre chroniqueur part cette semaine en guerre contre les bouchons en plastiques, qui remplacent subrepticement le liège, pour éviter le goût de bouchon. Halte au zéro défaut !
Amateurs et professionnels du vin le redoutent. Le goût de bouchon est, en effet, l’ennemi le plus sournois des accros du goulot. L’expérience, récemment vécue avec une bouteille - normalement excellentissime - de Ducru-Beaucaillou 1985, Grand Cru Classé de Saint-Julien, plonge dans la plus grande détresse l’hôte enthousiaste à l’idée d’ouvrir une bonne bouteille pour ses copains. Mais elle fait aussi enrager le restaurateur ou le caviste et figure parmi les principaux casse-tête du vigneron.
Ce défaut, qui s’explique par la trop grande présence d’une molécule (la trichloroanisol : TCA) dans les bouchons de liège, a longtemps fait partie du folklore. Aujourd’hui, dans l’univers du zéro défaut et du principe de précaution, c’est fini. Plus possible d’accepter un goût de bouchon, qu’il s’agisse de bouteilles à des prix exceptionnels ou pas. Comme le Coca-Cola, l’Orangina ou le Perrier (qui ne risquent pas - eux - d’être bouchonnés), le vin doit se plier à certaines normes de qualité. Qui accepterait en effet que 5 à 10% de la production mondiale de lait présente un défaut olfactif et gustatif ?
C’est pourtant ce qui se passe pour le vin. En France, nombre de cavistes se plaignent - eux - d’avoir de plus en plus souvent 1 bouteille bouchonnée par caisse de 12. Conséquence logique - et un peu dure à avaler - le bouchon de liège se voit doubler, doucement mais sûrement, par son cousin en synthétique et … par la très peu poétique capsule à vis.
Certes, le liège représente encore 66 % des flacons commercialisés sur l’ensemble de la planète. Aux Etats-Unis, le synthétique bouche déjà une bouteille sur deux et la capsule a gagné la partie sur les vins blancs australien et néo-zélandais. En France, quelques grosses maisons, comme Laroche à Chablis, l’ont aussi adopté. Plus cher (jusqu’à 10 centimes contre 7 pour le synthétique et 5 pour la capsule), le bouchon de liège est, en revanche, plus écologique que ses rivaux.
Mais, les fabricants de bouchons en liège n’ont pas dit leur dernier mot. Depuis des années, ils travaillent d’arrache-pied pour éradiquer le TCA, notamment grâce à un traitement au gaz carbonique.
Attaché au gouleyant « plop » qui accompagne l’ouverture de mes flacons préférés, et soucieux de pouvoir reboucher mes bouteilles avec le bouchon d’origine (ce qui relève de l’épreuve sportive avec l’ersatz en synthétique), je suis - il faut l’avouer - à la solde de ce puissant lobby du liège. Sans pour autant accepter des pots-de-vin non bouchonnés des (gentils !) fabricants.
J’ai du mal à comprendre ceux qui défendent le bouchon liège sur le terrain d’une supposé "poésie" attachée, par le poids d’un passé récent (200 ans environ), à cette mode de fermeture. Il me semble qu’il y a ici une confusion totale entre fond et forme, et que, pour ce qui est de la forme, les modes changent, et changeront encore. Franchement, le moyen d’obturer un flacon de vin m’est totalement égal, du moment où ce vin m’est restitué en parfait état, en tout cas dans le meilleur état possible vu sa naissance et son âge. Je n’attache aucune valeur précise à la forme du flacon, au dessin de l’étiquette, ni au mode de bouchage, même si je ne nie pas l’attraction des aspects physiques d’un habillage. En tout cas, le plaisir d’une bouteille de vin se trouve dans son contenu, pas dans son contenant. Croire que la qualité d’un vin se trouve altéré parce que la fermeture ne fait plus "plop" lorsqu’on la retire me semble d’un conservatisme ridicule, et même d’une absence de bon sens. L’attrait "romantique" d’un vin, s’il faut passer par là, se trouve plus sûrement ailleurs ; dans son histoire, son lieu de production, et dans la personnailité de son producteur. Il faudrait trouver d’autres arguments pour défendre les consommateurs qui se sentent volés (ou simplement décus) parce que leur bouteille, qu’elle coûte 5 ou 500 euros, ne soit pas bonne à cause d’un petit morceau de liège défectueux. Ce n’est surement pas un bruit de "plop" qui va les consoler !
David Cobbold