Notre sommelier et notre Vieux Con s’allient pour vous suggérer, chaque vendredi, le meilleur du goût.
Chronique Vin du vendredi
Dans Bakchich, il y a beaucoup de Bacchus, mais nous n’écrivions pas en vins ! C’est fini, coude levé de conserve, nous avons décidé de partager les nectars hallucinogènes avec nos internautes tant aimés. Bien sûr, ce sera parfois iconoclaste, voire un peu le bordel. Pas le genre Hachette ou Michelin. Plutôt « Insurrection qui Vient »…. Premier essai et polémique, Jean-Moïse, notre sommelier, et notre Vieux Con se disputent le goulot des bouteilles d’Anjou ! Ca commence bien…
Jean-Moïse Braitberg, camarade buveur, a parfaitement raison, ce salon des vins de Loire, tenu à Angers, a montré que trop de viticulteurs produisent du vin comme TF1 des émissions : pour vendre de l’espace papillaire, tous les moyens sont bons. A quand le vin mondial, le coca-vin ?
Pourtant, en tant que leader et unique militant du Mouvement Révolutionnaire pour l’indépendance de l’Anjou, je trouve que ceux qui n’ont pas péché en allant s’exhiber à la foire ne méritent pas d’être jetés avec l’eau du bébé.
Après des années de pesticides et de production boostée à la chimie, bon nombre de jeunes vignerons (et même en saumur-champigny), ont adopté les standard prônés depuis 30 ans par Nicolas Joly, ce génial homme des ceps qui faisait naguère figure de fou.
Théosophe, c’est-à-dire convaincu que chaque morceau de religion contient sa vérité, Nicolas est un sage qui ne veut pas déranger la nature. Quand il creuse une cave, il replace les pierres dans le fils de la veine. Quand il fait de la vigne, il applique la « biodynamique », technique ancienne, ultra écolo, mais qui est maintenant à la mode. Avec sa biodynamique, Joly produit depuis des années un des meilleurs vins du monde, la « Coulée de Serrant » à Savennières.
Donc, dans les vignes d’Anjou, on peut voir maintenant des types, disciples de Nicolas, laisser pousser l’herbe entre les rangs, planter des haies, amender au crottin ou à la corne façon druides. Et ça fonctionne. Les vins sont entre bons et excellents et jamais très chers.
Depuis Louis XI, le vin des rois en Anjou c’est le liquoreux, comme le coteau de layon et son « Quart de Chaume », et autres bonnezeaux. Mais ici, nous abordons un terrain très difficile, genre 4X4 obligatoire pour s’en sortir. A partir d’une interprétation libre des textes qu’il a mis en ligne sur son site, je donne la parole à Patrick Baudoin, jeune vigneron et génie en herbe de Chaudefonds-sur-Layon (49). Un Saint Just du cru qui abonde dans le sens du sucré cher à Jean-Moïse Braitberg :
LA PLAIE DES LIQUOREUX EN FRANCE, C’EST LA CHAPTALISATION !
Je crois que la France (exceptées les Vendanges Tardives et Sélections de Grains Nobles d’Alsace), qui se veut le phare des grands vins dans le monde, est un des seuls pays où la chaptalisation des liquoreux est permise, depuis les années 20. Les conséquences sont multiples, catastrophiques, et largement sous-estimées par les consommateurs. Ce que nous recherchons par la concentration naturelle, ce n’est pas ce que donnent des sucres exogènes de la chaptalisation. Notre but, c’est de fournir plus de matière, des arômes confits qui évoluent merveilleusement avec le temps, en particulier ceux dus au botrytis. En général, un vin issu de botrytis va se stabiliser plus facilement seul qu’un vin fabriqué : donc moins de soufre. Mais les liquoreux chaptalisés dominent le marché. Conséquences, on trouve trois familles de consommateurs de ces vins : ceux qui ne veulent plus entendre parler des liquoreux (trop d’alcool, pâteux, soufrés) ; ceux qui s’y font… et ceux qui boivent les moins mauvais des fabriqués.
Quand on sait que le vigneron qui ne « sucre » pas son vin perd la moitié du volume, vous aurez compris que chaptaliser est un moyen de « gagner plus ». Pour le Layon, nous sommes tombés très bas tant en qualité qu’en notoriété. Ce qui nous met dans une spirale infernale : l’exigence qualitative n’est pas tenable à terme si on ne peut valoriser ces vins, financer les mauvaises années avec les bonnes, en vivre. Il est heureusement exact que, depuis une quinzaine d’années, sous l’impulsion d’une trentaine de vignerons, le niveau tend à s’améliorer.
Avant d’investir vos jolis euros dans du layon ou autre liquoreux, à priori si magnifiques, je vous conseille donc de toquer à la porte du gars Baudouin.
Je récapitule. Les vins d’Anjou ne sont pas morts aux appels des rayons de la grande distribution qui veut du liquoreux à 3 euros. Mais ces crus sont devenus des vins de « récompense », je veux dire que, comme dans une brocante ou à la chasse à l’émeraude, avant de trouver il faut fouiner, fouiller. Quoiqu’il arrive, en ce qui concerne le savennières, autrement dit « le vin de ceux qui aiment le vin », Nicolas Joly reste le phare, le maître étalon, l’Acropole (02 41 72 28 20). Faute d’euros, on peut aussi faire confiance à Jo Pinthon, qui lui fait dans le « bio » sans dynamique (02 41 78 40 01). Pour le rouge, genre champigny ou le rosé (je sais qu’un vigneron continue d’en faire un si rare qu’il coûte un lingot), je reviendrai en deuxième semaine. J’attends qu’une bouteille chambre et que l’autre refroidisse.
Jacques-Marie Bourget
Les vins de Loire…. Quand on a dit ça, on n’a encore rien dit. Du moins si l’on a encore rien bu. Les vins de Loire, ça peut être aussi bien la côte Roannaise que les coteaux du Giennois, le vouvray, le muscadet, les touraines, sancerre, le quincy, le saumur-champigny et j’en passe.
Leurs seuls points commun, est de trimbaler une image de vins de copains, de vins de comptoir, de vins de bistro qu’on s’envoyait jadis sur le coin du zinc. Vous vous souvenez. C’était l’époque où tous les vignerons ne se prenaient pas pour des artistes et les auvergnats pour des encyclopédies vivantes. Il y a tout de même un point commun entre ces régions. Du moins devrait-il y en avoir un : l’envie de produire de bons vins de terroirs inimitables, pas chers et faciles à boire. Bref de « lotentique », comme disait Jean Giono.
Seulement, c’est là justement que le bât blesse. Je n’étais pas retourné depuis longtemps au salon des vins de Loire qui s’est tenu début février à Angers, et le souvenir que j’en avais gardé s’en est trouvé un peu bousculé.
Ces vins de sève, ces vins de soif, ces vins de nulle part ailleurs que j’avais tant plaisir à déguster, j’en ai retrouvé pas mal bien sûr. Et fort heureusement, les bons vignerons ne manquent pas dans ces régions. Mais la mondialisation du goût est passée par là. Aussi. Et certains vins, surtout ceux qui ont été primés lors du concours des Liger, s’en ressentent. Alors j’ai trouvé ceux-ci, Comment dire ? Un peu trop beaux pour être vrais.
La dégustation de l’ensemble des Liger, de bronze, d’argent ou d’or, les vins médaillés du salon des Vons de Loire, m’a en effet laissé un drôle de goût, et même d’arrière-goût. Les vins sélectionnés, pour la plupart des 2007 et 2008, se caractérisent pratiquement tous, par un excès de sucrosité pour les blancs et une forte présence boisée, tant sur les blancs que sur les rouges. Exactement ce que recherchent les nouveaux consommateurs des marchés émergents des ex pays communistes ou d’Asie qui ont souvent découvert le vin dans des bouteilles du « Nouveau Monde » venant d’Australie ou du Chili. Bon, on trouvera peut-être des exceptions. Mais enfin, des quincy ou des sancerres avec 7 à 8 grammes de sucre résiduel, est-ce bien raisonnable ? Faut-il, pour trouver qu’un vin soit bon, qu’on ait systématiquement la langue empesée au sucre ?
Le sucre, c’est bien connu, exalte le goût. C’est pour cela qu’il y en a dans les hamburger. Le bois aussi, bien qu’il n’y en ait pas dans les hamburger. Mais de l’exhausteur de goût au cache misère, il y a parfois un pas que certains vignerons franchissent sans vergogne, surtout quand le sucre permet en plus de relever le degré.
Car il ne faut se faire aucune illusion. Tant que l’on ne verra pas inscrit sur les étiquettes « vin non chaptalisé », comme ont osés le faire une toute petite poignée de vignerons courageux, on ne pourra qu’en déduire que la betterave demeure pour l’immense majorité des producteurs, le meilleur complément de la vigne.
Même constat pour le boisage. Pourquoi faut-il systématiquement que l’ébénisterie – quand il ne s’agit pas de vulgaire menuiserie – vienne au secours de vins, plutôt bons, mais dont on se plaît à tuer la qualité naturelle, comme si l’accent du terroir était une tare qu’il fallait à tout prix masquer. « La barrique est le cercueil du vin », me suis-je dit en goûtant certains chinons ou vouvrays dont l’élevage confine parfois à la mise au tombeau. Cette tendance à vouloir à tout prix ressembler à ce qu’on n’est pas, à sucrer ou à boiser plus haut que le cul de sa bouteille n’est certes pas propre aux vins de Loire. On la retrouve à peu près partout. Est-ce une raison pour s’y complaire ?
Où sont donc passés les muscadets qui faisaient l’amour aux huîtres avec toute la vigueur de leur acidité, les sancerres dont le goût de pierre à fusil vous faisait péter de joie les gencives, les chinons giboyeux comme des lièvres mortifiés, les aubances dont le volatil vous donnait des ailes, les pineau d’Aunis poivrés à faire éternuer Dionysos en personne, les layons mi-iode mi raison qui vous faisaient si bien parler d’un goût dont on n’a jamais su vraiment se souvenir… Réflexions d’un vieux con qui aimait le vin ? Et pourquoi pas ?
Jean-Moïse Braitberg
Quelques bonnes adresses… tout de même :
Domaine des Sablonnettes
Christine et Joël Ménard
49750-Rablay-sur-Layon
Tél. : 02 41 78 40 49
De 5,80 à 25,90€
Un gars des coteaux du Layon qui ose mettre « vin non chaptalisé sur ses étiquettes ».
Château La Tour Grise
1, rue des Ducs d’Aquitaine, 49260- Le Puy-Notre-Dame
Tél. : 02 41 38 82 42, www.latourgrise.com
De 9 à 22€
Philippe Gourdon est nature jusque dans son caractère. Goûtez à son incroyable saumur brut effervescent qu’il a fait patienter 8 ans en cave.
Michel Boulay
La Perrière 72250-Parigne L’Evêque
Tél 0243758222 jasnieres-mnoulay@orange.fr
De 5 à 21 €
Ce gaillard, par ailleurs pharmacien de son état, soigne bien ses vins et propose plein de vieux millésimes à prix très abordables.
Mais pourquoi n y aurait il pas obligation d’écrire sur l étiquette arrière dela bouteille, le contenu et la fabrication exacts ? Au lieu des données inutiles, pompeuses et nimportequoitesques sur le bouquet, la couleur etc … qu’on peut trouver sur certaines des étiquettes.
Merci pour cet article goûteux et qui signale, chose rare, des gammes qui commencent à 5 euros, il y a aussi des fauchés qui aiment le bon vin.