Depuis la loi Fillon de 2003, l’épargne retraite se porte bien, merci. En sus des cotisations obligatoires à la retraite complémentaire, des dispositifs pour épargner davantage font florès.
Par la grâce de la loi Fillon de 2003 sur les régimes de retraite complémentaire, un juteux business est né. À cause de l’illisibilité du système – pas moins de 30 régimes différents coexistent – et des multiples rafistolages pratiqués depuis 2003 s’est installée l’idée – à propos de laquelle l’économiste Thomas Piketty n’hésite pas à parler de stratégie politique – que le système par répartition ne va faire que se détériorer. Et que, par conséquent, le recours à l’épargne individuelle est la seule solution pour se garantir un revenu décent pour ses vieux jours. En d’autres termes, le « marché de la peur » est en plein boom.
Pas besoin d’être surdiplômé pour comprendre que banques et assureurs ont depuis longtemps saisi l’enjeu de l’affaire. Et, croyez-en Guillaume Sarkozy, le patron de Malakoff Médéric (une des premières caisses de protection sociale de France), y a du pognon à se faire.
Trois ans après la mise en place d’un plan d’épargne entreprise classique, toute boîte doit proposer un plan d’épargne pour la retraite collectif : c’est le Perco. Logiquement, ce sont d’abord les grosses sociétés qui ont proposé des Perco. Mais, à la fin 2009, on trouvait déjà le dispositif dans plus de 100 000 entreprises françaises, invitant les salariés à épargner toujours plus. Épargner, oui, mais pas touche au grisbi avant la quille ! Résultat : environ 3 milliards d’euros d’encours à la fin de l’année dernière, soit une hausse de 60 % en un an. Un bond de 60 %, en période de crise. ça lui plaît, à Guillaume Sarkozy. Son groupe a encaissé cette année 8,9 milliards d’euros de cotisations retraite ; ses concurrents Aprionis ou AG2R, respectivement 5,7 et 6,1 milliards.
Il y a mieux. Pour les cadres et les salariés méritants, il existe la troisième couche, par-delà la retraite de base et la complémentaire. C’est la facultative « retraite supplémentaire », parfois appelée par les amis de la poésie technocratique « retraite surcomplémentaire ». Représentant un encours du privé de… 75 milliards d’euros à la fin 2008. Une paille !
Ah oui, il faut aussi penser à placer tout ce pognon. On le confie donc à une supposée très sérieuse « société de gestion de portefeuilles ». Pour Malakoff Médéric, elle s’appelle Fédéris gestion d’actifs et s’occupe de quelque 19 milliards d’euros à travers des portefeuilles sous mandat, de Sicav et de fonds communs de placement. Pour son concurrent AG2R, l’équivalent s’appelle Agicam : 8 milliards d’engagements retraite placés.
Et ce n’est pas fini. Selon un sondage Ifop de janvier 2010, 76 % des Français craignent de ne pas toucher une retraite satisfaisante. Fait notable, les plus inquiets sont les 25-34 ans. Or les moins de 30 ans sont justement ceux qui ne souscrivent pas encore aux produits de retraite complémentaire facultative type Perco. Guillaume Sarkozy s’en frotte déjà les mains.
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En fait, depuis 20 ans, la droite s’efforce de mettre fin à la retraite par répartition tout en prétendant la sauver. La contre-réforme de Balladur en 1993 visait sous couvert d’allongement (déjà !) de la durée de cotisation à baisser en fait le montant des pensions, par le biais d’un changement du système d’indexation des salaires pris en compte pour le calcul.
Depuis la contre-réforme Fillon, de plus en plus de retraités n’ont plus les annuités nécessaires (la France est championne d’Europe avec ses 41 ans, là où l’Espagne ou l’Allemagne n’exigent que 35 ans de cotisation).
Evidemment, le but est d’inciter à la capitalisation, les requins sont nombreux et leurs dents pointues, à commencer par le frangin Guillaume Sarkozy…