Bakchich : Comment te sens-tu Leïla ? Sais-tu qu’après ton aveu sur la violence de ton mari, personne n’a eu la moindre compassion pour toi ?
Leïla Ben Ali : Ah bon ? Je ne comprends pas pourquoi tant de haine contre moi. Et, puis c’est un peu ta faute. Tu n’avais pas à l’écrire dans la presse. Car c’est ma vie privée après tout…
Bakchich : Je voulais simplement que les gens sachent à quel tyran tu avais affaire. Brutaliser une femme, et même sa propre femme, cela relève du pénal. Moi, je ne cherchais qu’à te rendre justice.
Leïla Ben Ali : N’exagérons rien. Il faut dire aussi que j’en fais trop. La famille Trabelsi dépasse toutes les bornes et profite du fait que je sois la préférée du Harem. Mes sœurs, frères, neveux et nièces n’en font qu’à leurs têtes et interviennent dans des décisions graves. Quant à ma mère, Hajja Nana, elle fait la pluie et le beau temps avec les membres du gouvernement. Et les Pdg d’entreprises publiques tremblent lorsqu’elle les convoque pour une raison ou une autre. Alors, parfois Zinou pète les plombs. Il y a de quoi. Carthage ressemble à la cour du roi Pétaud ; c’est l’anarchie…
Bakchich : Et c’est toi qui en fais les frais ?
Leïla Ben Ali : Évidemment, j’ai acquis la sagesse. Je joue le rôle de modératrice dans les conflits. Même Zinou ne comprend pas comment je peux trouver autant de ressources. Et avoir toujours la forme et le sourire.
Bakchich : Il en est jaloux ?
Leïla Ben Ali : Oh oui ! Il faut le comprendre ; il est malade. Tiens, je vais te faire une confidence : s’il ne voyage que rarement et a tendance à boycotter les réunions internationales, c’est à cause de sa jambe qui flanche. Et il ne veut rien montrer. C’est que mon Zinou est demeuré…
Bakchich : Tu dis que c’est un demeuré ?
Leïla Ben Ali : Non !!! Je voulais dire que mon Zinou est demeuré très pudique. Zut alors ! Tu ne me laisses pas finir ma phrase…
Bakchich : C’est si grave cette maladie ?
Leïla Ben Ali : Oui. Et je ne l’avais jamais vu autant vieilli, usé, aigri. Tout ça compte. Et ça a des répercussions sur le mental. Mon mari est certes un policier génial. Il est remarquable quand il espionne au téléphone, quand il ordonne des représailles ou organise une agression d’opposants. Mais pas plus que ça. Mon Zinou adoré est humain, trop humain…