Heureux, qui, comme le nouveau M. Afrique de l’Elysée, s’embarque pour une long voyage, et laisse derrière lui d’étranges nominations
« En fait, l’immigration choisie (et non subie) n’est pas une nouvelle chose en soi. Bien d’autres pays la pratiquent déjà depuis des années avec d’ailleurs beaucoup de bonheur, tant pour eux-mêmes, leurs compatriotes, que pour les candidats à l’émigration ainsi que leur pays de provenance. Chaque année en effet, le Canada lance une vaste opération d’immigration sur son territoire. Cela se passe de manière très formelle, avec une sélection rigoureuse et prometteuse pour les " élus ". Car, ces derniers, une fois admis, avec parfois toute leur famille, sont aussitôt intégrés, avec boulot à la clé. Ceci réduit d’ailleurs le risque d’insécurité pour ce pays, car, un immigré qui a du travail est un malfrat en moins, toute chose qui concourt à la sécurité sur le territoire. Cette formule est comme une loterie visa, comparable à celle que pratiquent aussi les Etats-Unis avec beaucoup d’heureux gagnants tous les ans. La France peut faire de même. Et Nicolas Sarkozy gagnerait à présenter son option sous cette forme qui consiste à faire voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Il lui suffit juste de positiver la présentation. ».
Tel est l’éditorial de commentaire fait par le journal béninois Fraternité Info sur l’élection présidentielle française. Il y a certes une nouvelle présentation à faire de la politique étrangère française. Une rupture avec la « Françafrique » traditionnelle s’impose et Nicolas Sarkozy se veut l’homme de la situation. C’est du moins le message qui a entouré la nomination de Bruno Joubert, le nouveau « monsieur Afrique » de l’Elysée. C’est un spécialiste du continent : il a en effet été directeur d’Afrique au Quai d’Orsay sous Villepin. Et il a également travaillé à la DGSE : tout un programme. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne se précipite pour réclamer un secrétaire d’Etat à la Coopération. Brigitte Girardin a disparu sans avoir qui que ce soit à qui transmettre son bureau et ses dossiers et on parle d’une vaste opération immobilière de restructuration des implantations parisiennes du ministère des Affaires étrangères dans laquelle la rue Monsieur serait vendue. Fin d’une époque.
Avant de rejoindre l’Elysée, Bruno Joubert était secrétaire général adjoint du Quai. Il n’est pas parti sans prendre soin de transmettre les consignes à Jean-Loup Kuhn, son successeur qui arrive de l’Ofpra, le célèbre organisme en charge de la gestion des demandes d’asile politique. Et Joubert ne le lui a pas caché : il n’était pas mécontent d’échapper à une étrange corvée : la rencontre au cours de laquelle le tout nouvel ambassadeur de France au Honduras devait recevoir ses instructions. Il faut dire que l’ambassadeur en question est le jeune Dominati, ainsi recasé loin de Paris par la volonté chiraquienne. Beaucoup l’ont cru nommé au Panama et lui-même n’avait pas très bien compris où on lui proposait de partir lorsqu’un émissaire de Chirac lui avait parlé de Tegucigalpa…Le besoin de partir était si fort. La rencontre entre le nouveau secrétaire général adjoint et le nouvel ambassadeur a quand même duré une heure et tous les présents ont loué la maîtrise de Kuhn qui a su éviter de trop montrer son mépris. Malgré les demandes insistantes de ne pas poursuivre cette nomination, l’Elysée, décidément très attaché à l’héritage chiraquien, a fait savoir que cette nomination n’était plus négociable. Dans l’affaire, celui qui évite le discrédit, c’est Kouchner, puisque personne n’a cru bon de lui en parler.
On va finir par regretter des Michel Jobert, soit ce genre de haut fonctionnaire servant les pouvoirs du moment et passant par la politique pour exister davantage mais en conservant un peu de sens de l’Etat ou des intérêts nationaux (aux dépens d’autres intérêts nationaux contraires, aux dépens des intérêts des simples gens, car le culte des intérêts supérieurs fait toujours admettre que la fin justifie les moyens). Le message que le Sarkozisme fait passer à tous est celui de Thiers : " enrichissez-vous ! " (et tant qu’à faire, que moi, Sarko, en profite…). De là à énoncer " ce qui m’enrichit enrichit tout le monde, et tous ceux qui m’enrichissent, quels qu’ils soient, doivent pouvoir s’enrichir davantage ", il y a peu.
La rupture, si rupture il y avait, ne serait pas entre la Françafrique et des pratiques éprouvées au profit de partenariats élargis (avec les Etats-Unis, par exemple, pour contrer l’influence chinoise), mais entre les mêmes pratiques aux profit d’intérêts français et les mêmes au profit d’un seul. S’il y avait eu volonté de rupture, ce n’est pas Kouchner qui aurait été sollicité, mais Jean-Pierre Cot (et non Hubert Védrine, un moment pressenti). Mais l’esbrouffe s’accompagne de discours un peu plus modernes. Le discours de Dakar, c’est un peu l’équivalent de la " fracture sociale " chiraquienne : un baratin destiné à faire passer la pilule. Et on nommera n’importe qui n’importe où du moment qu’il soit servile et comprenne le message : favoriser l’enrichissement de qui vous nomme est essentiel pour s’enrichir un peu (mais pas trop) soi-même.