Secrétaire d’État chez Kouchner, l’ex-Jospiniste Jean-Pierre Jouyet défend âprement le monopole de la Française des jeux, contrairement à l’année derrière…
À défaut d’être prophète, Jean-Pierre Jouyet peut bien être considéré comme le grand maître de l’Inspection des Finances. Homme de conviction, il fut très proche de Lionel Jospin avant de rallier tout récemment Nicolas Sarkozy, ce qui lui a valu en retour d’être nommé Secrétaire d’État « d’ouverture » auprès du ministre des Affaires étrangères Kouchner. C’est dans le cadre de ses nouvelles fonctions que Jouyet est intervenu vigoureusement pour défendre le monopole d’État sur les jeux en France. Monopole vivement contesté par Bruxelles et en particulier par son commissaire au Marché intérieur, Charlie Mc Creevy. Ce dernier vient de menacer la France de sanctions judiciaires. Réaction immédiate de Jouyet sur France 2 « On ne se laissera pas faire » et d’ajouter « Les jeux et notamment (…) le PMU, cela fait partie de notre tradition culturelle. Je crois qu’il est bon aussi que l’Europe sache concilier ce que sont les traditions culturelles, les traditions d’organisation de jeux et le fonctionnement du marché intérieur ».
De fortes paroles donc. Le problème, c’est qu’il y a six mois seulement, notre haut fonctionnaire professait avec des accents de convictions identiques exactement le contraire. On en trouve trace dans le rapport dit « Lévy-Jouyet sur l’économie de l’immatériel » que le patron de Publicis Maurice Lévy et Jouyet ont présenté alors à Thierry Breton, ministre des finances. C’était le 4 décembre dernier… pas de mots assez durs alors pour fustiger le monopole des jeux en France. Ainsi la recommandation n°7 figurant en page 121 du rapport vise à l’« ouverture encadrée du marché des jeux en ligne, fondée sur l’attribution d’un nombre déterminé de licences, accompagnées d’un strict cahier des charges ». Il s’agit notamment d’« apprécier si une stratégie de libéralisation encadrée ne serait pas économiquement plus favorable que le maintien des monopoles publics actuels ». Le rapport Lévy-Jouyet détaille très précisément ses recommandations :
« — un nombre déterminé de licences pourrait être mis sur le marché, sur la base d’un cahier des charges garantissant notamment la protection du joueur (suivi des comportements à risque, financement des associations, etc.) et la traçabilité des flux financiers ;
— la détermination du prix des licences devrait faire l’objet d’une réflexion d’experts destinée à identifier le mode d’attribution le plus pertinent (soumission comparative, enchères, type d’enchères le cas échéant) ;
— une taxe sur le produit des jeux serait par ailleurs instituée, comme c’est le cas dans tous les pays qui ont libéralisé l’activité de jeux en ligne ;
— les sites dépourvus de licence devraient être en contrepartie fermés et faire l’objet de poursuites ».
Certes, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Rares sont ceux à le faire si brutalement que Jean-Pierre Jouyet.