À nouveau media, nouvelles luttes d’influence. Et quand la chaîne s’appelle France 24 et a une ambition mondiale, les services secrets entrent en scène.
« C’est une histoire corne-cul qui tombe plutôt mal », confie l’un des responsables de la télévision France 24, visiblement très inquiet. En effet, cette nouvelle chaîne mal nommée « CNN à la française » et dont Bernadette Chirac a personnellement adoubé l’engagement de chaque collaborateur, devrait faire office de « vaisseau amiral » pour conduire la réforme en cours de ce que les penseurs de la technostructure appellent le « pôle audiovisuel extérieur ». Cette appellation contrôlée recouvre TV5 (la chaîne francophone), Radio France Internationale (RFI), CFI – Canal France International, l’acteur français de coopération internationale en matière de télévision – et la petite dernière donc… France 24 dont les scores d’audience très confidentiels relèvent des secrets les mieux gardés de la République.
Quoiqu’il en soit, les héros chargés de mener cette réforme au pas de charge, puisqu’elle devrait être pliée pour janvier 2008, ont décidé de créer une espèce de holding qui s’articulerait autour de la dite France 24, précise la presse. En bout de course, il reviendra au nouveau philosophe George-Marc Benamou – conseiller audiovisuel de l’Elysée – de faire des propositions concrètes à Nicolas Sarkozy afin de nommer un président ou une présidente transversale pour diriger le tout qui aura un nouveau nom, genre « France mondiale » ou « France Interplanétaire »… Certainement très compétent pour confesser un Michel Rocard vieillissant, Benamou ne semble guère enthousiasmé par cette mission d’autant qu’il ne cesse de répéter à ses proches que « ça l’emmerde de regarder ces télévisions et, encore plus, d’écouter la radio du monde ». En voilà une réforme qu’elle est bien partie…
Mais comme si cela ne suffisait pas, voilà que nos anges gardiens des services extérieurs et domestiques pondent une note de synthèse pour l’Élysée où il est décrit, par le menu, comment des barbouzes syriennes ont pris, à l’abordage, le « vaisseau amiral » France 24. Le chef des pirates – Imad E.K, ressortissant libanais né à Beyrouth le 3 mai 1963 – est parvenu à se faire proclamer grand-vizir et principal opérateur de la chaîne française au Proche et Moyen Orient. Ce dernier qui se prévaut de contacts privilégiés et amicaux avec le chef des services de renseignement militaire syrien Assef Chawkat entend exercer le monopole et le contrôle éditorial. Il aurait ainsi fait le tour des correspondants de presse installés à Damas pour leur signifier que, dorénavant, leurs productions respectives, devraient transiter par sa propre société (Immédiat), vitrine à Beyrouth de deux autres entités Isol et Newstime.
Et la note d’ajouter qu’à France 24, c’est la directrice du service arabe, Agnès Levallois, qualifiée de « libanophobe » par ses collègues, qui serait la grande protectrice des étranges sociétés libano-syriennes. Ses mêmes collègues précisent qu’elle ne s’est jamais remise des sévices que lui ont fait endurer les journalistes libanais de RMC-Moyen-Orient, la filiale arabe de RFI où la dame officia dans le passé. L’autre parrain des pirates barbaresques ne serait autre que le présentateur vedette Ulysse Gosset, spécialiste, dit-on, dans ce genre de stratégie maritime.
Là où l’histoire devient franchement « corne-cul » pour reprendre l’émotion du début, c’est que le Imad E.K. se gonfle aussi d’une amitié de proximité avec Jeffrey Feltman, le pro-consul américain de Beyrouth qui y exerce les fonctions d’ambassadeur. Fichtre, une barbouze double… Ca fait beaucoup… même pour le vaisseau amiral. Si avec tout ça l’Élysée ne se réconcilie pas en même temps avec Damas et Washington, c’est à ni rien comprendre d’autant que la note précise encore qu’Imad E.K. a recruté une journaliste – Sophie A. – afin de couvrir spécialement pour France 24 les combats de Nahr el Bared (banlieue de Tripoli au nord du Liban), avec une approche et des envolées profondément pro-syriennes, bien-sûr. Circonstance aggravante – (la note ne le précise pas) – dans le courant du mois de juin dernier, les services de renseignement militaire syrien ont joyeusement invité les différents correspondants de presse, travaillant pour des médias étrangers depuis Damas, de se rapprocher des sociétés d’Imad E.K. recrutant à tour de bras afin d’effectuer correspondances et documentaires sur l’actualité syro-libanaise et régionale.
Avec un « vaisseau amiral » qui a, ainsi résolument mis le cap sur la Syrie, on s’attend à ce que Georges-Marc Benamou fasse, lui-aussi, le voyage de Damas pour conclure positivement la grande réforme de l’audio-visuel public extérieur français.