Un courageux collaborateur de Bakchich a pris du temps à la veille des fêtes pour lire les 254 articles de la loi de « simplification du droit ». Inventaire à la Prévert des abrogations législatives
On se demandait pourquoi le gouvernement tarde à mettre en œuvre de vraies réformes. On sait désormais qu’il était occupé jusqu’à présent à des sujets très urgents. Une loi publiée le 20 décembre sous la signature de Nicolas Sarkozy, François Fillon, Jean-Louis Borloo, Michèle Alliot-Marie, Christine Lagarde, Rachida Dati, Eric Woerth et Christian Estrosi, se préoccupe, en 254 articles et sous articles, de la « simplification du droit ». Une lecture attentive montre qu’il était en effet urgent d’intervenir. Le texte confirme l’abrogation des lois ouvrant des crédits pour les années 1880, 1882, 1900, 1905, 1898, 1899, 1909, 1910, 1911, 1922 (dans cet ordre). Restait-il des reliquats non dépensés ? Si c’est le cas, c’est scandaleux : demandons que chaque année une loi confirme que l’année précédente s’est bien terminée à la fin de l’année précédente. Avec l’abrogation de la loi de 1922 « supprimant dans les actes de naissance des enfants naturels les mentions relatives au père ou à la mère lorsque ceux-ci sont inconnus », les mairies se demandent s’il faudra désormais inscrire le nom des parents inconnus dans les actes de naissance. La loi de 1960 « fixant les conditions dans lesquelles les mineurs de fond des mines de combustibles minéraux solides accompliront leurs obligations militaires » est aussi abrogée. Les mères des intéressés sont rassurées, depuis le temps qu’elles se demandaient si leur fils mineur allait partir à la guerre.
La loi de 1851 sur « les ventes publiques, volontaires, de fruits et de récoltes pendants par racines » est abrogée (enfin !), mais qu’en est-il du régime des ventes involontaires de fruits pendant par les racines ? La loi de 1905 « supprimant l’autorisation nécessaire aux communes pour ester en justice » étant aussi supprimée, la suppression de la suppression vaut-elle restauration ? Et est-ce lié aux prochaines municipales ? Mystère. De même, la loi du 28 décembre 1904 « portant abrogation des lois conférant aux fabriques des églises et aux consistoires le monopole des inhumations » est supprimée. Les fabriques des églises retrouvent-elles ainsi le monopole des inhumations ? Ce serait un geste bienvenu d’un Chanoine envers son Pape. De nombreuses lois concernant les femmes, les Belges, les aérotrains ou encore les « camions-bazars » sont aussi supprimées, ce qui est bizarre, quand on sait que les Belges ne sont pas électeurs et que les conducteurs d’aérotrains ne sont pas spécialement de droite. La loi confirme en outre que le tribunal de cassation, disparu depuis deux siècles, n’existe plus - sans doute une idée de Rachida Dati. Au passage, la loi de 1945 nationalisant les usines Renault est aussi abrogée, de même que la loi instituant le Conseil national du travail (la concertation avec les travailleurs mérite bien une petite simplification du droit). Mais il est vrai que la nouvelle loi comporte aussi des dispositions utiles, par exemple pour savoir que faire en cas de « vacance de poste du président du tribunal de première instance de Mata-Utu ».
Précisons enfin que l’article 27-II-22 de ce texte confirme l’abrogation de la loi de 1935 tendant à la répression des fraudes sur le guignolet. Rien n’est dit sur le guignolet-kirsch ni sur le picon-bière. Heureusement, l’article 30-IX-1 précise que la loi est applicable dans les Terres australes et antarctiques. Moralité : comme disent les Inuits, « si tu acceptes d’être pris pour un pingouin, ne t’étonne pas d’être gouverné par des manchots ».