Le « Kamasutra arabe » de Malek Chebel est un manuel de galipettes exotiques sur fond de fantasmes et de phobies orientalistes.
« Je suis le premier à appeler un chat un chat et une chatte une chatte ». Malek Chebel, docteur en psychanalyse et en anthropologie (entre autres), est l’homme de la situation. En 452 pages et pour la modique somme de 22 €, son Kama-Sutra arabe dit tout sur l’érotisme arabe. Pour un peu, on croirait que Les Mille et Une Nuits, c’est de lui. Il nous sert un manuel à destination des puceaux baveux et des vieillards encore-verts-mais-qui-ont-besoin-de-chlorophylle. Une compil des plus belles pages traduites de l’arabe classique en poésie et en prose, et savamment orchestrée : le plan est « une métaphore de la jouissance sexuelle ».
On commence par l’amitié amoureuse (ben voyons, on n’est pas des sauvages), puis on en vient à l’amour courtois, le libertinage, la beauté, les aphrodisiaques (on se demande comment appliquer les recettes parce que les produits ne sont plus très courants…). Puis on passe au matériel : la vulve et le pénis et leur tonne de noms rigolos. Avant de décrire le coït par le menu, on a droit aux extras : la sodomie, le lesbianisme, la zoologie. On finit sur des anecdotes sur « l’origine de l’expression « faire la queue » », « l’homme aux mille phallus », « poils indésirables », « gay pride » etc.
Pour un « livre à lire d’une seule main », comme dirait Rousseau, on pourrait être gâtés. Sauf que le brave professeur Malek se prend à disserter. Et alors là rien ne va plus. Il "kamasutraïse" verbeusement sur ce bon vieux harem, ces « Don Juan arabes » comme on n’en fait plus, et ces femmes si délicieusement pernicieuses. Le seul problème, c’est qu’il parle de tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi, et que son Kama-Sutra n’est arabe que comme l’entendent les pires amalgames (vous savez, Arabe = musulman, voire barbu, voire terroriste). Là, on a des « Arabes » gentils, civilisés, qui n’aiment pas les poils et qui savent baiser. Comme on les aime, quoi. Avec une indécrottable nostalgie sur le harem, géniale source des ruses féminines : « Aujourd’hui, les SMS ont remplacé ces véhicules (les lettres transmises par les esclaves), tandis que le téléphone portable a brisé l’échine dorsale de toute la phallocratie arabe ». Tout fout le camp. Le mieux, c’est que l’auteur, qui a déjà à son actif une Psychanalyse des Mille et Une Nuits et une Encyclopédie de l’amour en Islam, remet le couvert pour nous expliquer comment ça marche chez ces gens-là. Comme les Abu Nuwas et consorts ne sont pas clairs (selon lui), il va nous citer du Stendhal et du Voltaire. Le seul texte arabe qui n’a pas besoin de garant, c’est le Coran, semble-t-il.
Avec ce Kama-Sutra arabe, on se vautre en plein orientalisme, dans un érotisme spécialisé, digne des vidéothèques des bons sex shops et des sites ad-hoc, où il a d’ailleurs reçu un accueil aussi chaleureux qu’idéologique…
Le Kamasutra arabe, de Malek Chebel, Pauvert, 22 euros