Pas de referendum pour la nouvelle mouture de la constitution européenne que les 27 pays viennent de signer. Mais on peut se consoler : la démocratie progresse grâce aux états d’âme des “bénis oui-oui-stes” de 2005.
« Je ne vous engage pas à lire le texte de la constitution européenne. C’est un exercice redoutable. Il vous pousserait à moins de conviction si vous êtes partisan de l’Europe. En tout cas, il ne faut pas l’appeler « traité simplifié » car il ne rendra pas le fonctionnement des institutions plus simple ». Eh ben ! De qui peuvent bien venir ces propos corrosifs sur la resucée du fameux traité constitutionnel européen retoqué en 2005 par les Français et les Hollandais ? Du plus virulent des « nonistes » de l’époque ? Ou d’un de ces parlementaires hexagonaux qui ont l’outrecuidance – c’est du moins le jugement définitif du spécialiste de Bruxelles au quotidien Libération – de réclamer un referendum pour la ratification de cette nouvelle version de la constitution ? Laquelle vient d’être adoptée le 17 décembre dernier par les 27 chefs d’Etat européens. Oh que non…
Cet aveu tonique émane de la bouche d’une ancienne championne du traité européen, celui qui a valu à Chirac la mémorable claque du 29 avril 2005 : son ancienne ministre déléguée aux affaires européennes, Catherine Colonna en personne. Si on peut louer sa franchise, l’exercice n’était guère périlleux. L’ex-porte-parole de l’Élysée s’exprimait devant un public très haut de gamme. C’était en septembre lors d’un colloque organisé par le conseil général des Ponts-et-Chaussées, la tête pensante de l’ex-ministère des Transports. Et dans la mesure où il n’est pas prévu de demander au bon peuple son avis, il n’y a pas beaucoup de risque à proférer quelques belles vérités, n’est-ce pas ?
Tout de même, voir se lâcher quelqu’un qui a été aux affaires est toujours émouvant. « Tant mieux si la future constitution permet de trouver comment fonctionner à 27. Mais ce n’est qu’une boîte à outil, pas un but en soi, a ainsi lancé l’ex-ministre. Le problème c’est que l’Europe ne sait pas où elle va. Elle devrait passer moins de temps à réglementer la forme des paquets de pâtes ou le niveau sonore des tondeuses à gazon et engager des choix sur les grands sujets stratégiques : environnement, défense, politique étrangère… » Dommage que Chirac ne soit pas resté au pouvoir une treizième année de plus…
Les oui-ouistes de droite ne sont pas les seuls à être gagnés par le pessimisme. Au PS aussi l’évolution de l’Europe fait des déçus. L’eurodéputé Gilles Savary, sporadique porte-parole de Ségolène Royal pendant la présidentielle, est parti en guerre contre la « crispation idéologique » de la Commission qui ne connaît qu’une loi, celle du marché.
Même le secteur public dont elle nie la spécificité doit s’y soumettre. Et le futur traité n’y changera pas grand-chose déplore Savary sur son blog. Bruxelles entend en effet imposer la révolution dans nos campagnes en bouleversant les rapports entre les communes et les communautés de communes qui, par exemple, organisent pour celles-ci le ramassage des ordures, gèrent les écoles ou les crèches… Il faut tout changer et mettre en concurrence avec des boîtes privées les services fournis par ces regroupements aux communes ! Prière de ne pas rire.
Cet été, la Commission a émis un « avis motivé » contre la France – dans le jargon, il s’agit d’un coup de règle sur les doigts – et pourrait saisir la Cour de justice des communautés européennes pour la faire condamner. Du coup l’eurodéputé PS et quelques collègues européens viennent de lancer une pétition destinée à Barroso, le président de la Commission. Mais celle-ci a un peu de mal à prendre. Pour le parler vrai, Savary devrait s’adresser à Colonna.