Bilan de l’audition du chef d’Etat-major des armées : de mornes perspectives en Afrique, pas d’enthousiasmes au Liban, le tout avec un matériel aux limites de ses capacités. Haut les coeurs
Les autorités françaises aiment se moquer du bourbier militaire dans lequel les Américains sont empêtrés en Irak. Mais nos braves soldats tricolores sont à peine mieux lotis, si l’on en croit le chef d’état-major des armées, Jean-Louis Georgelin. Auditionné le 10 octobre par les députés de la Commission de la défense, le patron des armées a dressé un sombre panorama des opérations extérieures (les « Opex » en langage militaire) qui mobilisent actuellement 14 500 militaires français : « sur la plupart des théâtres, la situation politico-militaire tend à se durcir » a expliqué le général. La revue de détail valait le détour.
En Côte d’Ivoire, « la communauté internationale poursuit ses efforts, avec malheureusement peu de succès ». Le dispositif militaire français Licorne (3 800 hommes) y conduit sa mission avec « sang-froid », mais il coûte en moyenne 200 millions d’euros par an. En Afghanistan, selon le général, « la situation se dégrade, tant à l’est qu’au sud, malgré quelques succès locaux ». Au Tchad, « en dépit des victoires politiques, diplomatiques et militaires du président Idriss Déby, la situation n’est pas stabilisée, loin s’en faut ». Le dispositif Épervier (un millier d’hommes) guette « la résurgence d’éléments rebelles significatifs, toujours possible à l’est et au sud du pays ». En République démocratique du Congo, à la veille des élections « les risques de provocations des partisans de tel ou tel candidat demeurent ». Au Kosovo, le calme actuel ne doit pas faire illusion : « l’adoption prochaine d’un statut final pour la région est porteuse de risques sérieux de troubles, par impatience ou par refus de la solution qui s’imposera ». Quant au déploiement français dans le cadre de la Force intérimaire des Nations-Unies au Liban, le général Georgelin a jugé qu’il se déroulait bien « sans qu’on puisse se départir d’une certaine prudence ». Et l’idée d’envoyer au Liban un deuxième bataillon français au bout de six mois lui paraît d’ores et déjà déraisonnable. Le chef d’état-major des armées a conclu en invitant les décideurs politiques à « peser soigneusement le niveau d’engagement de la France » dans les opérations militaires extérieures. Traduction : on a assez de problèmes comme cela ! De plus, les hommes et les matériels (notamment les avions et hélicoptères) sont aux limites de leurs capacités. Sans parler des factures qui flambent : l’enveloppe des surcoûts des Opex est passée de 100 millions d’euros en 2005 à 175 millions en 2006 et elle est déjà prévue à 375 millions d’euros en 2007, la seule opération au Liban pompant 120 millions d’euros de crédits. Les militaires ne veulent pas être à la fois embourbés et ruinés. Vincent Nouzille