Xiao He, Cui jian, ou encore « glorious phamacy » : la scène rock chinoise mène la vie dure au pouvoir. Le régime vient d’interdire leur grand rendez-vous annuel, le « Midi Festival ». Nos envoyés spéciaux en Backstage.
Le Midi Festival, organisé tous les ans depuis 2000 pendant le pont du 1er mai, a cette année purement et simplement été supprimé. Pas de concerts en plein air en cette période pré-Jeux olympiques, ont décrété les édiles pékinoises. Pas de rassemblements de foule non plus. Ou plutôt, pas de contestations à ciel ouvert. En effet, les jeunes générations de musiciens chinois qui se produisent chaque année au Midi Festival n’ont pas leur langue dans la poche et entraînent dans leur sillage une population de plus en plus importante.
Xiao He, Wan Xiaoli, Wang Lei, MeiHao Yaodian (glorious pharmacy), AK-47, PK-14 ou encore Nao Chong (brain failure)… Ces noms sont inconnus en Europe ? Il s’agit pourtant des groupes les plus populaires en Chine. Pop, rock, punk ou musique électronique, ils jonglent avec les styles pour faire passer leurs messages. Des messages sociaux pour Wan Xiaoli, seul sur scène avec sa guitare, et sa chanson « je suis devenu chômeur » à la prose fleurie : « dans notre société civilisée (slogan du pouvoir chinois), il est possible de ne rien posséder. Mais il est impossible de ne pas avoir d’argent. Et si tu n’as pas d’argent, tu n’es rien d’autre qu’un con. » Tout aussi décapantes les paroles du groupe PK 14 et de leur chanson « Sais-tu ? ». Ceux là dénoncent les nombreux morts inconnus du développement et de la croissance économique chinoise, comme on peut l’entendre en cliquant ci dessus.
Autre genre, autre message, plus musical cette fois. Ainsi, Xiao He et MeiHao Yaodian réhabilitent avec force tambourins et dialectes, la musique des minorités ethniques du nord de la Chine (ouïghour, kazakh et kirghize).
Tous ces groupes sont les dignes successeurs de Cui Jian, considéré comme le « père du rock chinois ». Né en 1961, ce vétéran a formé son premier groupe de rock en 1984 et demeure immensément célèbre en Chine malgré le fait qu’il ait été interdit de scène pendant douze ans. Réputé particulièrement rancunier, le régime chinois a en effet mis du temps à digérer le fait que Cui Jian ait chanté un certain 2 juin 1989 au soir sur la place Tian’anmen, alors tenue par les étudiants contestataires. C’était à la veille des massacres perpétrés par l’armée dans la nuit du 3 au 4 juin 1989.
Pourtant, si les textes de Cui Jian ne sont pas définis comme « engagés », les paroles qu’il lâche le sont davantage. Il est navré par « le manque de colère dans le coeur des gens », notamment quand il constate que les quadragénaires chinois de sa génération refusent désormais de s’impliquer en politique. « Soit on estime que la liberté, c’est de faire du fric ; soit on pense que la liberté, c’est la possibilité de s’exprimer. » Cui Jian fustige aussi le Parti communiste, car « la règle du parti unique est la pire ennemie de la Chine, elle favorise la corruption ». Ses thèmes de prédilection restent toutefois sociaux. Ainsi, l’un de ses titres phares, « Les villes encerclent les campagnes », reprend l’un des slogans du maoïsme et raconte le dur sort fait aux quelques 120 millions de travailleurs-migrants venus en ville chercher du travail. Autant de thèmes plus que jamais d’actualité aujourd’hui en Chine.
Le meilleur du rock chinois
Bakchich vous propose une sélection de vidéos des groupes qui cartonnent en Chine (pour les visionner, cliquez sur les noms) :
Cui Jian, le père du rock chinois :