La cavale façon Bonnie and Clyde d’un couple qui a arnaqué banques, organismes de crédit, opérateurs de téléphonie et concessionnaires automobiles…
Salon de l’hôtel Lutetia, à Saint-Germain-des-Prés. Ambiance tamisée et lustre colonial suranné. Une petite blonde, la soixantaine énergique, bondit sur ses talons aiguilles. « Vous voyez Jackie Sardou en blonde survitaminée ? C’est elle. » La description correspond. Jackie* embrasse au premier regard, vous appelle « mon fils » à la deuxième phrase, déballe sa vie dans l’heure qui suit. Et s’enthousiasme pour Bakchich, « qui, heureusement, existe ». Au point de vouloir le financer !
Pas sûr que la méthode de la dame pour lever des fonds soit longtemps efficace. Ni très convenable. Pas moins de onze procédures pour escroquerie en bande organisée, 5 millions d’euros détournés, les services de police judiciaire et de gendarmerie mobilisés sur tout le territoire, de 2003 à 2006, date de l’arrestation de Jackie. Qui cumule une quinzaine de fausses identités. « Même mon chien a des faux papiers », hurlera-t-elle en 2007 à un juge parisien qui aura fini par centraliser tous ses dossiers. Dossiers qui dessinent la longue fuite, façon Bonnie and Clyde, de la blonde et de son compagnon. Grand, brun, vingt ans de moins et le teint andalou. Avec lui, Jackie n’ibère pas au change. Miguel a pris d’assaut un commissariat espagnol où elle était détenue. Dans son élan, l’assaillant s’était trompé d’adresse. « De toute façon, nous n’avons jamais pris de l’argent qu’à des enc… » Après un verre de rouge, les mots saignent aussi vite que la côte de boeuf. Arnaqués, des organismes de crédit (Sofinco, Cetelem), des banques (BNP, Revillon), des concessionnaires (DaimlerChrysler) ou des sociétés de téléphonie (Neuf Télécom, Cegetel, Coriolis Télécom).
Le scénario était bien rodé. D’abord, reprendre une société perdue dans les limbes des greffes des tribunaux de commerce, en truandant les extraits Kbis. L’itinéraire des escrocs gâtés naviguera de Communication Land (2003-2004) à ECRTP (2004-2005), API-Import Export (2005-2006) ou encore Multi-media organisation (2006). Des sociétés dûment immatriculées mais reprises sous de faux noms : douze pour madame, deux pour monsieur.
Habiles à s’intercaler dans les zones grises de l’administration française, les tourtereaux s’étaient spécialisés dans l’obtention de vrais-faux passeports : de fausses identités mais validées par l’État français. « Dans les petites préfectures, aucune vérification des papiers n’est faite », se sont-ils amusés. Les enquêteurs, fascinés par cette épopée, noteront aussi la bienveillance de la Banque de France, qui a accordé à Jackie une cotation G3++ à l’issue d’un simple stage payant. Retour sur investissement garanti puisque la cotation magique « est réputée garantir une capacité d’engagement de 360 000 euros ».
Ne restait plus qu’à siphonner les fonds et à décamper. Le modus operandi s’appliquait à la téléphonie, à l’achat de voitures ou de matériel de chantier. Par exemple, Cegetel. De novembre 2005 à février 2006, l’une des sociétés du couple souscrit un abonnement « Dialog entreprise ». Bilan pour Cegetel, après trois mois, 1 945 370 euros de factures impayées et un demi-million d’appels passés chaque mois vers la Roumanie, le Sénégal ou la Bulgarie. En 2005, France Télécom avait ainsi perdu 500 000 euros.
Autre spécialité du couple, l’achat à crédit d’engins de chantier revendus à prix fort. Comme cette tractopelle envoyée en Corse et destinée « à l’organisation de l’évasion d’un détenu de la prison de Borgho », selon les enquêteurs. « Ce qui perd les délinquants, c’est la répétition des infractions », tonne un juge marseillais. L’adage a valu pour le couple. Après quatre ans d’instruction, son renvoi en correctionnelle a été tamponné le 20 avril dernier. Avec ce petit mot enjoignant les amoureux à se signaler auprès du procureur de la République. En vain. Aux dernières nouvelles, nos Bonnie and Clyde ont repris leur cavale.
Voilà des gens formidables.
Juste un bémol : les tarifs de toutes les sociétés arnaquées ont augmenté pour compenser les pertes …
Mais bon, on s’en fout si des cons continuent à aller chez eux au lieu de les arnaquer au risque de voir les tarifs encore augmenter.
Mais bon, en s’en fout ….