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Coup de pédale sur les « Forçats de la route »

Un peu d’histoire / dimanche 11 mai 2008 par Dr Jean-Pierre de Mondenard
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La saison cycliste bat son plein. Le tour d’Italie, que les spécialistes appellent Giro, a démarré hier, samedi 10 mai. L’occasion de mettre un bon coup de pédale sur l’expression « les forçats de la route », qui va être rabâchée pendant tout l’été. Hé bien cette expression, ce n’est pas Albert Londres qui l’a inventée. Voilà c’est dit !

Contrairement à la légende, Albert Londres, le modèle du journalisme français, présent sur le Tour de France 1924 pour le compte du Petit Parisien, n’a jamais, dans ses reportages, qualifié les coureurs de « Forçats de la route ». En réalité, l’inventeur de la célèbre métaphore est Maurice Génin, un autre journaliste, collaborateur de la Revue de l’Automobile Club du Rhône. Tout cela publié en 1906. C’est bête de mourir idiot.

Au départ de la troisième étape du Tour, à Cherbourg, le 26 juin 1924, Henri Pelissier, qui a gagné la grande boucle l’année précédente, se fait alpaguer par un commissaire de course tatillon, qui lui reproche de porter deux maillots superposés ce que le règlement interdit.

Quand on part la nuit, il fait froid. Henri met donc deux maillots. Le jour, il fait chaud. Henri s’arrête donc vers huit heures et jette l’une de ses tuniques. La discussion, au sujet du maillot en trop s’envenime. Henri veut qu’on lui précise le règlement. On lui promet la réponse pour l’arrivée, à Brest. Dégoûté par des règles faites à la gueule du client, Henri avertit son frère Francis qu’il va abandonner à la prochaine gare. L’aîné des Pélissier se justifie : « Soulever le maillot sans me prévenir, dans mon dos, écarter la culotte pour voir comment j’étais vêtu, c’était un geste de négrier et je ne suis pas un esclave, que je sache… J’ai levé le poing. Heureusement, il n’est pas retombé sur sa figure car c’eût été envenimer plus encore une situation qui l’était déjà suffisamment. »

Un chemin de croix, un calvaire…

Albert Londres, cherchant les Pélissier sur le parcours, apprend leur abandon et les retrouve au Café de la Gare à Coutances. Les deux Pélissier sont là, en effet, et exhalent leur rancœur. Que, le soir même, le journaliste traduit dans un papier. Henri, toujours très remonté raconte : « Vous n’avez pas idée de ce qu’est le Tour de France. C’est un calvaire. Et encore, le chemin de croix n’avait que quatorze stations tandis que le nôtre en compte quinze. Nous souffrons sur la route, mais voulez-vous savoir comment nous marchons ? Tenez… » De son sac, il sort une fiole : « ça, c’est de la cocaïne pour les yeux et ça, du chloroforme pour les gencives. Et des pilules, voulez-vous des pilules ? » Les frères en sortent trois boîtes chacun. « Bref, dit Francis, nous marchons à la dynamite ».

Plus tard, Francis Pélissier, devenu directeur sportif de l’équipe « La Perle », rigolera des petits secrets confiés à Londres : « Nous l’avons un peu bluffé avec notre cocaïne et nos pilules ! Ça nous amusait d’emmerder Desgrange, le directeur de la course. Cela dit, le Tour de France, en 1924, c’était pas de la tarte ! » On croit volontiers Francis pour ce qui est de chatouiller Henri Desgrange et pour la tarte aussi. Mais nous sommes plus dubitatifs sur les pilules qui, elles, pourraient bien avoir existé. Bilan de la course, jamais Albert Londres du Petit Parisien n’a, dans l’un de ces douze « câbles », dictés lors du Tour de France 1924, utilisé l’expression « Forçats de la route ». Et que l’article du 27 juin relatif aux avatars des deux frères était titré : « L’abandon des Pélissier ou les martyrs de la route. »

Mais, péché véniel, l’ensemble des experts de la chose cycliste et ses biographes, font d’Albert Londres le père de la célèbre formule, celle des « forçats » devenu un clicheton ? Notre ami de chaîne Internet, Pierre Assouline, aussi biographe et journaliste à Lire, collaborateur de l’Histoire et de France Inter se fait, comme beaucoup d’autres, l’aveugle complice du mythe, dans son bouquin sur Londres il écrit : « Car le défenseur des opprimés, le héraut des bagnards et des périgots, lance une expression qui fait florès : « les Forçats de la route ». Elle restera. C’est du Londres, grand reporter des îles et correspondant de guerre égaré dans la meute des as de la pédale. »

Difficile d’écrire un livre d’histoire en roulant sur deux roues ? Tais-toi et pédale !

PS : Je vous épargne les 18 références bibliographiques qui documentent ma capitale recherche, ainsi qu’écrites en petites lettres, les 5 pages de sources et autres références. Le lecteur n’est-il pas soigné. Comme le dirait Virenque ?

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2 MESSAGES

Forum

  • Coup de pédale sur les « Forçats de la route »
    le dimanche 11 mai 2008 à 22:28, lelong a dit :

    Effectivement ; le nez dans le guidon des recherches biblio.. vous avez du écrire votre article il y a un mois Sûrement du journalisme d’anticipation , mais le Giro n’a démarré qu’hier 10 mai 2008 . Sauf erreur de ma part .

    L’histoire de la poutre et la paille ;-)

    • Coup de pédale sur les « Forçats de la route »
      le lundi 12 mai 2008 à 09:58, JM Bourget a dit :
      Pas sûr que la mauvaise foi aide à pédaler. La coquille, aurait pu le dire Marcel Cerdan, la coquille ! Elle fait passer le 10 mai au 10 avril. Ben Oui. Et l’auteur n’a rien à voir dans tout cela, seulement "l’éditeur". Et en guise de punition il devra lire l’Equipe pendant une semaine.
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