Comment tuer le marché des pièces détachées d’occasion ? Vavavoum ! Citroën vient de trouver la solution. Pas très recommandable, pas très Grenelle de l’environnement, mais très efficace et surtout… très lucratif.
Qu’est-ce qui différencie depuis quelques semaines une voiture du groupe PSA de celle d’une autre marque ? Très simple. Sa fin de vie. Si vous avez planté votre Peugeot ou votre Citroën contre un arbre et qu’un concessionnaire Citroën la récupère, elle ne finira pas forcément comme les autres.
On n’a qu’une vague idée de ce que deviennent nos bagnoles en fin de course, qu’elles soient salement accidentées ou simplement reprises par un concessionnaire contre une neuve. En fait, le chemin vers le cimetière est très balisé, depuis l’entrée en vigueur d’une directive européenne qui évite que les carcasses finissent dans la nature.
Première étape, les VHU, véhicules hors d’usage – c’est le terme consacré – passent par la case des démolisseurs. Rien à voir avec Max et ses ferrailleurs, même s’ils restent des artisans. Leur travail consiste à débarrasser la carcasse de ce qui est récupérable : phare, pare brise, rétroviseur, boîte de vitesse, aile, portière, siège, frein…
Autre mission, retirer toutes les cochonneries qu’elles soient liquides ou solides : carburant, huile, liquide de frein, liquide de refroidissement, lave-vitre, et surtout batterie, pot catalytique, pneu. Ce qu’il reste du VHU passe ensuite à la case suivante.
C’est là qu’interviennent les broyeurs qui découpent en morceau les carcasses, pour en retirer d’un côté les métaux revendables et de l’autre les plastiques non recyclables. Tout ce qui ne l’est pas finit sous forme de bloc infâme. Direction finale, la décharge.
Or voilà que depuis le 15 janvier, sans doute inspiré par son pilote Sébastien Loeb, Citroën a décidé de couper au plus court sur ce parcours. En catimini, après un test limité l’an passé, le constructeur a passé ses instructions à la filière du recyclage. Plus question de désosser menu les voitures du groupe PSA qui leur sont envoyées par les concessionnaires Citroën. À la louche, certains estiment que cette décision devrait toucher 20 000 véhicules par an. On s’en tient à une dépollution minimale.
Au moment où M’sieur Borloo – qui est aussi élu du Nord, terre riche en industrie automobile – encense les constructeurs tricolores pour leur volonté d’être les bons élèves du Grenelle de l’environnement, on comprend que Citroën fasse profil bas.
Car c’est comme si la marque au chevron franchissait la ligne blanche et roulait allègrement sur la transcription de la directive européenne, que les constructeurs ont d’ailleurs beaucoup freiné. Laquelle prévoit que 85 % des bagnoles doivent être recyclées. Exigence qui passera à 95 % en 2015.
La semaine passée, Borloo, le ministre de l’écologie, a donné sa bénédiction à un mariage entre Renault et Sita, filiale de Suez. Les deux groupes se sont associés dans une boîte, Indra, spécialisée dans le broyage high tech et qui va ouvrir plusieurs centres en France. Une alliance que les démolisseurs voient d’un mauvais œil. « Les broyeurs veulent broyer de plus en plus au détriment du recyclage. Et les constructeurs tout contrôler », indique un grincheux. C’est que le secteur intéresse, puisqu’avec Suez, c’est la première fois que ce gros du déchet s’intéresse à la bagnole. Jusqu’à présent, le marché de la destruction et de la revente de métaux se répartissait essentiellement entre deux boîtes. D’un côté : Derichebourg, ex CFF qui a racheté Penauille, liée aux Chodron de Courcelle, la famille de Bernadette Chirac. De l’autre, Groupe Dauphin environnement, dont le patron s’est retrouvé impliqué, à travers une autre boîte, dans la triste affaire de pollution mortelle en Côte d’Ivoire.
Surtout, la fameuse directive précise que la récupération constitue la première du recyclage. Alors comment expliquer ce revirement ? « Une affaire de gros sous », estime le Conseil national de la profession de l’automobile ( CNPA) qui regroupe les indépendants. Pour lui, Citroën veut remettre la main sur le circuit des pièces détachées. La revente des pièces des voitures désossées constitue une partie du gagne-pain des démolisseurs et représente selon le CNPA un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros par an !
Le particulier y trouve aussi son compte puisqu’un rétroviseur ou un phare d’occasion peut valoir jusqu’à 70 %, moins cher qu’une pièce neuve sortie d’usine. Sacrée concurrence pour le constructeur…
L’ennui c’est que les services de com’ de Citroën n’ont pas beaucoup éclairé la lanterne de Bakchich. Pas au courant de cette histoire de recyclage, disent-ils, ils ont promis il y a quelques semaines de rappeler pour des explications. Depuis, leur pied doit prendre la pédale de frein pour celle de l’embrayage…
À relire sur Bakchich.info :