Le monde entier est le bienvenu quand il donne son opinion sur Angkor ou les Pyramides et il devrait rester muet dès que le débat porte sur ce qui se passe dans la belle vallée du Mont Blanc ?
Imaginons que le merveilleux Bertrand « Bébert » Delanoë ait la rentable idée de raser le Louvre, pour planter à sa place une jolie grappe d’immeubles chics, permettant enfin à des Liliane Bettencourt de vivre en centre ville dans des conditions décentes, avec gazon, arbres, spa, piscine et jacuzzi. Dans ce cas de figure, il n’est pas impossible que même venues de Chamonix, des protestations s’élèvent contre le massacre.
En revanche, imaginons, chose incroyable, que les édiles chamoniards bousillent un site, celui du Mont Blanc, qui appartient tout autant que le Louvre à l’humanité ? Là, sauf à posséder un certificat de résidence permanente dans cette si belle vallée, on a obligation de se taire. Le monde entier est le bienvenu quand il donne son opinion sur Angkor ou les Pyramides, il doit rester muet dès que le débat porte sur ce qui se passe entre Vaudagne et Vallorcine. Là, seuls les « Chamoniards » ont la parole, et le pouvoir qui va avec, dès qu’il s’agit de transformer un morceau du patrimoine mondial en Luna Park.
Ce particularisme, le refus de réfléchir à un point de vue donné de « l’extérieur » et l’application, trop souvent, d’un droit coutumier, ne se rencontre qu’en Corse. Sans doute parce que Chamonix, comme Ajaccio, n’est française que depuis 150 ans ?
Le 18 septembre dernier, dans Bakchich Hebdo, pour avoir évoqué quelques petits saccages, liste non exhaustives, qui esquintent la vallée de Chamonix, je ne vous parle pas de la volée de bois sec recue. « Qui c’est, celui-là ? Et pis t’es d’où, toi T’es le gars à qui ? ». Ne croyez pas que cette défense soit le réflexe d’une tribu jalouse de préserver son habitus, ses coutumes, le noyau dur de ce qui la constitue. Le refus d’entendre toute voix qui vient du dehors n’a que deux raisons, faire sauvagement prospérer le capital et jouir sans entrave d’un terrain de jeu exclusif, sans souci d’un développement durable.
Nos confrères du Dauphiné Libéré, grand journal qui structure la pensée de Carpentras au Pays de Gex, se sont étonnés de ce que nous publiions un article sur Chamonix, posant la question « qui est derrière ce papier » ? Personne, camarade, nos amis doivent savoir que le droit de publier, sans le feu vert d’un parrain, est encore libre.
D’ailleurs, cette semaine, l’excellent Philippe Cortay, plume du Dauphiné, gratte là où Bakchich a déjà mis son nez, les conditions de construction de l’immeuble Astoria au centre « de la capitale mondiale de l’alpinisme ». Un bâtiment édifié sans parking dans une ville que les bagnoles étouffent.
A leur tour, nos confrères pourraient se pencher sur ce qui se passe sur les rives de l’Arve, à Argentière. Ici, au croisement du torrent des Posettes, on a construit à très grands frais une énorme digue.
Si, par accident, le glacier lâche les milliers de mètres cube d’une poche d’eau, la muraille a pour but de protéger le village d’Argentière. Empêché de sortir de son lit, le flot meurtrier est alors dirigé vers le bas de la vallée. Manque de chance, sur son chemin, le tsunami va dévaster des zones habitées, comme un parking régulièrement occupé, un emplacement de camping et un immeuble en cours de construction entre la gare des Grands Montets, la forêt et le lit de l’Arve. Compliqué ? Un peu, mais rassurez-vous, au bon moment il suffira de nager.
La question posée est simple. Ou l’énorme muraille de rochers maçonnés ne sert à rien, ou elle attend, comme Godot, le moment où le glacier va faire sous lui. Et alors le danger existe sur tout le passage putatif de sa colossale pisse. Demandez à ceux qui, naguère, campaient dans le lit du Bornand, l’effet produit quand, en pleine nuit, ils se sont retrouvés à bord d’une caravane flottante, en route vers le lac Léman (23 morts en juillet 1987).
Un autre sujet d’enquête pourrait profitablement conduire mes confrères plus bas dans la vallée, entre les Bossons et Taconnaz. Ici a été construite, avec permis, une maison qui n’existe officiellement pas puisqu’édifiée dans une « zone verte ». Clé du mystère ? Ce terrain « protégé » était la propriété d’une cousine d’un puissant élu local.
Oublions, parmi les excentricités locales, ce pare avalanche qui a jadis coûté plus de vingt millions de francs et, surtout, opportunément permis à la famille d’un élu local de construire de beaux chalets dans une zone miraculeusement rendue constructible. Là, il y a prescription et Le Canard Enchaîné a déjà tout dévoilé. Bonne enquête, mes frères.
M. Bourget,
Votre incorrection est sans nom, vous ne m’avez toujours pas répondu sur votre précédent article de mirliton sur Chamonix, je suis le fameux "anonyme" vous vous souvenez ? Peut être n’y a-t-il plus rien à répondre…
Au passage je dois admettre que cet article me semble plus juste et légitime que l’ancien.
Cher amis bétonneurs et autres riches propriétaires qui défigurez et polluez Chamonix. Bien sûr, un jour une catastrophe écologique de grande ampleur viendra endeuiller cette vallée à cause de votre cupidité et de votre inconscience. Mais ne vous inquiétez surtout pas. L’affaire de l’incendie du Tunnel en 1999 que vous connaissez si bien, n’a absolument pas inquiété Edouard Balladur Président de l’ATMB.
Alors, après cette catastrophe majeure, on créera une commission d’enquête qui rendra son avis au mieux 5 à 7 ans après. Puis après de multiples procès en appel par les familles de centaines de victimes, la justice passera 20 ans plus tard et condamnera au mieux des lampistes à du sursis… ou à rien !