« Le cas Céline, coupable, mais de quoi ? » Drôle de question. C’est pourtant celle que pose Philippe Pichon. La liste est tellement longue qu’elle déborde, qu’elle dégueule, qu’elle se répand hors de la page, que l’on ne sait pas par quoi commencer. Tout le monde y trouvera son compte. Céline, antisémite assumé jusqu’à la mort. Taxé par certains de collaboration. Fuyard, il est à Sigmaringen avec Vichy. Misanthrope. Céline n’est jamais innocent. Jamais.
Chaque fois qu’il agit, Louis Ferdinand Destouches, le vrai nom de Céline, choisit le mauvais camp. Il est toujours coupable. Toujours, sans exception. Il est coupable de tout, rien ne lui échappe. L’homme a du génie. Il faudrait plus d’un livre pour recenser les actes d’accusation. Pichon s’y attelle.
Nous voilà plongé dans les tristes moments de l’histoire de France. Celle de l’occupation. L’analyse est systématique. Tout le monde y passe, personne n’y échappe. Si vous ne connaissez pas Robert Brasillach, Drieu la Rochelle, vous y découvrirez leur bibliographie. Si vous ne sous souvenez pas de l’entrisme de Jean Paul Sartre à cette époque, Pichon vous rappelle, que l’auteur de la Nausée avait invité celui du Voyage à la première des Mouches. Céline refuse. Il n’a pas encore écrit « l’agité du bocal », mais déja, le normalien, fort en thème, n’est pas la tasse de thé du marginal. Car Céline est en marge. Il n’est pas nazi, ne soutient pas Pétain. Il n’est pas grand-chose, seulement le plus violent des antisémites. Les pamphlets sont accablants. Le prix Renaudot déraille, agresse, insulte, plus fort et plus violemment que tous les autres, mais pour le reste ?
Pour le reste, Céline est un génie, un homme d’exception. Pichon a un lien généreux avec l’écrivain, presque amoureux, donc violent, agressif, brouillon, sympathique. Des adjectifs qui ne luttent pas entre eux, tout au contraire. Des analyses qui se répondent, qui se télescopent. La biographie du réprouvé de Meudon se télescope avec celle du flic. Car pour perdre sa vie, Pichon est Commandant de Police. Flic.
Il y a l’admiration de Pichon pour Céline, et la hargne du flic pour Angelo Rinaldi du Figaro Littéraire. Et là, ça devient saignant, du Céline sans la petite musique. Cela commence par une déception amoureuse, « la déception est à la mesure de l’estime qu’on aimerait continuer à lui porter ». Des références intimes : « … Lorsque Rinaldi flagelle.., la bandaison est molle », et ça se termine mal.
On lit, on s’instruit et on s’amuse.
« Le cas Céline. Coupable, mais de quoi ? » Philippe Pichon, Dualpha Editions. 26 euros.