Depuis que la chancellière allemande avait reçu le Dalaï Lama en septembre, Pékin boudait Berlin. Jusqu’à ce que les autorités chinoises décident de se rabibocher avec l’Allemagne. Pour des raisons économiques bien entendu.
Après quatre mois d’un « je t’aime moi non plus » diplomatique, un retour au calme entre la Chine et l’Allemagne se dessine. L’idylle avait en effet connu des heurts. Après Washington et Ottawa, le 23 septembre dernier, la chancelière allemande, Angela Merkel, invitait puis recevait pendant un peu moins d’une heure le Dalaï Lama, chef spirituel du bouddhisme tibétain en exil en Inde. Lors de ce bref entretien « privé et informel » – une première pour un chef de gouvernement allemand – elle l’avait assuré de son soutien pour sa politique « non violente visant à une autonomie religieuse et culturelle ». Et non politique de la province chinoise du Tibet, comme l’avait confirmé son porte-parole Ulrich Wilhem. Respectueuse des libertés humaines, largement oubliées à l’ouest du Rhin et à l’est du fleuve Jaune, Angela Merkel avait alors affronté les foudres assassines ainsi que la très ferme désapprobation de principe de Pékin.
De remontrances véhémentes en annulations de visites officielles, en passant par la convocation immédiate de l’ambassadeur d’Allemagne à Pékin au ministère des Affaires Étrangères, les autorités chinoises s’étaient fâchées tout rouge. Les vilaines ! Il faut dire que depuis l’annexion du Tibet en 1953 puis sa colonisation, le gouvernement central chinois s’oppose à tout contact entre le Dalaï Lama, qu’il considère comme un dangereux « séparatiste », perturbateur devant l’Éternel de l’ordre public, et des États étrangers.
Mais, vraisemblablement, de basses considérations économiques ont eu raison de cette saute d’humeur. Pékin, en la personne du ministre des Affaires Étrangères, Yang Jiechi, s’est finalement incliné devant la fermeté de la ligne politique chinoise de la chancelière. Présent à Berlin le 22 janvier dernier, lors du sommet des ministres des Affaires Étrangères du groupe dit « E3+3 » (Chine, Russie, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne), le ministre chinois a réaffirmé avec insistance et à plusieurs reprises l’importance de relations cordiales entre les deux pays et au retour à un dialogue à « coeur ouvert ». « P5+1 » ou « G7-1 », maudites formules physiquo-politiques, cette concertation devait statuer sur la marche à suivre dans la « crise nucléaire » avec l’Iran.
Elle restera davantage dans les annales comme le symbole d’un partenariat stratégique et pragmatique retrouvé et surtout comme la résignation face à des impératifs économiques d’un géant en mal d’affirmation. Et oui, en Chine, le laisser faire économique sauvage n’implique pas automatiquement un laisser aller des principes à l’égard des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.