Les 6 000 morts du tabagisme passif : un chiffre choc à l’appui de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Mais cette évaluation se fonde, selon l’enquête de « Bakchich », sur des données scientifiques assez peu fiables.
Mettre les fumeurs sur le trottoir permettra d’épargner 6 000 vies chaque année. Six mille morts par an de la fumée des autres, c’était l’argument choc de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, lorsqu’il a annoncé fin 2006 sa décision d’interdire de fumer dans les lieux publics. Et l’antienne a été reprise début janvier dernier, lorsque les bars et restaurants se sont pliés à cette règle, après onze mois de délais d’adaptation. Répété par les médias, les personnalités politiques, le tout venant, ce chiffre a fini par s’imposer dans les esprits. En 2002, l’Académie nationale de médecine avait parlé de 2500 à 3000 morts par an, soit deux fois moins. Mais d’où proviennent tous ces chiffres ?
En réalité, aucune étude digne de ce nom n’a jamais été menée en France sur le sujet. L’Académie de médecine se basait sur des données internationales. Le chiffre de 6 000 morts (5 863 morts) pour la France provient d’une publication européenne de 2004, « Lifting the smokescreen » (Lever le rideau de fumée). Il ne s’agit pas d’observations réalisées sur la population, mais d’extrapolations statistiques (voir encadré ci-dessous). Mais curieusement, sur ces 5 863 victimes, seuls 1 114 sont des non-fumeurs. Le chiffre a donc été gonflé par l’ajout de plus de 4 000 fumeurs victimes de leur propre fumée passive… puisqu’il est difficile de ne pas respirer l’air de la pièce que l’on est entrain d’enfumer.
Et encore, les « non-fumeurs » recensés ne sont pas tous au dessus de tout soupçon. « Le risque supplémentaire dû à un tabagisme antérieur a été ignoré […] faute de données disponibles », peut-on lire ainsi. Traduction : pour les besoins de l’étude, tous les anciens fumeurs ont été assimilés à des non-fumeurs… alors que l’on sait que les ravages du tabac sur la santé perdurent bien après l’arrêt. Un biais non négligeable. Des précisions que se gardent bien de relayer les défenseurs de la loi anti-tabac.
Autre information de taille, selon cette même étude une écrasante majorité (90%) des victimes du tabagisme passif souffre d’une exposition au domicile, c’est-à-dire à la fumée du conjoint. La règlementation sur les lieux publics ne change donc rien pour eux. Quant aux employés de l’hôtellerie-restauration, ils ne représenteraient, selon les auteurs de l’étude, que 6 victimes non-fumeuses par an en France. Avec une marge d’erreur qui interdit de chiffrer à l’unité près, on n’a donc aucune idée du nombre de vies que la loi pourrait permettre de sauver. Bien loin, en tout cas, des 6 000 annoncés.
Mais comment produit-on tous ces chiffres ? La recette est simple : pour obtenir le nombre de victimes présumées d’un facteur donné, on détermine d’abord un coefficient d’augmentation du risque (+ 25% pour le cancer du poumon, +20% pour les maladies cardiaques, etc.). Bien souvent, comme dans l’étude européenne « Lifting the smokescreen » ou celle de l’Académie de médecine, ce chiffre est obtenu en faisant la synthèse des résultats d’études antérieures. C’est ce que l’on appelle une « méta-étude ». Une méthode risquée, car il suffit d’omettre une seule étude pour changer le résultat de manière significative.
On applique ensuite ce taux à la partie de la population qu’on estime concernée par l’exposition à fumée passive (conjoints et collègues de fumeurs, employés de l’hôtellerie restauration, etc.). Des chiffres qui reposent, ici encore, sur des estimations. Et on obtient le nombre de morts. « C’est assez pifométrique », reconnaît Catherine Hill, statisticienne à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, elle-même auteur de nombreuses études. « La marge d’erreur est importante. D’où l’intérêt de toujours donner la fourchette la plus basse. » Mais bien sûr, c’est moins impressionnant.
C’est pourtant sur la base de cette étude européenne que s’est tenue, en juin 2005, au Luxembourg, une conférence sans précédent réunissant les ministres de la Santé des Etats membres, les représentants de la Commission, les syndicats et chercheurs pour débattre d’une législation anti-tabac. Une conférence sponsorisée par… les laboratoires pharmaceutiques Pfizer (Nicorette et Champix) et GlaxoSmithKline (Niquitin) (Voir encadré). Depuis, les règlementations anti-tabac se sont succédées en Espagne, au Royaume-Uni, en France, en Belgique et au Luxembourg en 2006, en Allemagne en 2007.
Faut-il le regretter ? Qu’on ne se méprenne pas : les dangers de la fumée passive sont bien réels (voir encadré Et pourtant, le tabagisme passif est bien nocif), notamment sur les systèmes respiratoire et cardiaque, comme le confirme Catherine Hill, épidémiologiste spécialiste des cancers, à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif. « Aujourd’hui, on peut affirmer que le tabagisme passif tue et cause de nombreuses pathologies. Il est difficile d’évaluer précisément l’ampleur. Mais qu’il y ait 10 morts ou qu’il y en ait 1 000, cela reste des morts de trop ». C’est aussi l’avis du Professeur Robert Molimard, tabacologue et chercheur à l’Institut Paul Guiraud de Villejuif : « La réalité est déjà lourde, il ne sert à rien d’en rajoute, dit-il. A se laisser entraîner dans une surenchère sans bases scientifiques solides, on décrédibilise toute action », déplore-t-il.
Brandies par les associations anti-tabac, des affirmations alarmistes continuent pourtant à se propager, reprises par les politiques et les médias. « Ce n’est plus la science qui dicte l’agenda, mais l’agenda des lobbies anti-tabac qui dicte leur interprétation des preuves scientifiques », regrette le chercheur américain Michael Siegel. Lui-même militant de l’interdiction de fumer dans les bars et restaurants, il vient de créer un site web pour démentir les informations erronées qui risquent de discréditer le mouvement. Comme cette campagne choc outre-Atlantique qui affirme que trente minutes d’exposition à la fumée passive peuvent suffire à causer un infarctus ou une sclérose des artères chez un non-fumeur en bonne santé… alors qu’il faut des années à un fumeur régulier pour développer ces pathologies.
Un monde où tout le monde arrêterait de fumer, c’est leur rêve. C’est aussi celui des laboratoires pharmaceutiques, préoccupés d’écouler gommes, patches et médicaments miracles. Un intérêt commun bien compris qui peut conduire à des relations discrètes.
Ainsi, le premier congrès la Société française de Tabacologie, en octobre dernier, était placé sous le haut patronage de Roselyne Bachelot… et le sponsoring des laboratoires Pfizer (Champix) et Pierre Fabre Santé (Nicopatch).
Quand les entreprises du médicament ne décident pas de créer elles même leur association, en toute transparence. Sur le site web de l’association Tabac & Liberté, on lit ainsi que « Les Laboratoires Pierre Fabre Santé ont jugé que la démarche de Tabac & Liberté allait dans le sens de leurs actions prévention santé et ont décidé d’accompagner cette démarche dans un partenariat qui se poursuit depuis la création de l’association en 1994 et qui se poursuit depuis dans les meilleures conditions. » On n’en doute pas.
Dérive typiquement américaine ? Pas si sûr. On apprend ainsi sur le site web du Comité national contre le tabagisme (CNCT), l’une des principales associations anti-tabac subventionnées par l’Etat, que le risque cardiovasculaire du tabagisme passif « est à ce point élevé, que certains auteurs l’estiment assez proche (80 à 90 %) de celui présenté par les fumeurs actifs […] De plus, et ceci est important, ce risque survient pour des durées courtes d’exposition à la fumée environnementale, de l’ordre de quelques minutes à heures. Le résultat de cette exposition se traduit par la survenue de crises d’angines de poitrine et d’infarctus, avec leurs conséquences souvent dramatiques. »
Une affirmation qui fait froid dans le dos… sauf que, à y regarder de plus près, selon l’étude citée, ce sont les conséquences à court terme de l’exposition au tabagisme passif qui sont similaires à celles du tabagisme actif. La même réaction qui se produit lorsqu’on mange un plat riche en graisses et qui ne présente, à court terme, aucun danger sérieux pour la santé. L’augmentation du risque existe bien sur le long terme mais elle n’est « que » de 30%, selon l’étude citée.
S’il est difficile de donner des chiffres, aucun chercheur sérieux ne conteste la réalité des effets délétères du tabagisme passif. Il est prouvé qu’une exposition régulière (conjoint de fumeur, non-fumeur partageant le bureau d’un fumeur, personnel des bars et restaurants, etc.) à la fumée passive :
augmente le risque de cancers du poumon et de maladies cardiovasculaires
peut aggraver l’asthme et provoquer des infections respiratoires
peut provoquer des rhinopharyngites et des otites chez l’enfant
est responsable d’une partie des morts subites du nourrisson
peut avoir des conséquences sur le fœtus si une femme enceinte est exposée.
Sur le court terme, un environnement enfumé constitue une gêne pour de nombreux non-fumeurs et peut provoquer une irritation des yeux et de la gorge.
Autre « preuve » citée par le CNCT des ravages cardiovasculaires de la fumée passive : les chiffres impressionnants relevés dans deux villages américains. À Helena (Montana) et Pueblo (Colorado), le passage d’une législation anti-tabac aurait conduit à une baisse respectivement de 40% et 27% des infarctus dans les mois suivant l’interdiction. « Une magnifique démonstration » de l’efficacité de la loi, selon le médiatique Professeur Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT).
Pourtant, des voix se sont élevées jusque dans la prestigieuse revue Nature pour contester la valeur de ces études, réalisées sur un très petit nombre de personnes et sans tenir compte des biais possibles. « Aucune des études ne précise si le changement intervient chez les fumeurs ou chez les non-fumeurs » pointe Michael Siegel, de l’Université de Boston. « Il est donc probable que, si baisse il y a, elle correspond en fait aux fumeurs actifs qui ont réduit leur consommation suite au passage de la loi, et non aux victimes de tabagisme passif. »
Surtout, ces conclusions ne se vérifient pas à plus grande échelle. La Floride, l’Oregon ou l’état de New-York se sont dotés de législations similaires, et aucune baisse du nombre d’infarctus n’a été constatée, une légère hausse ayant même été observée dans les deux derniers cas. Le débat vient de revenir sur le devant de la scène avec la publication d’une étude italienne qui relève une baisse de 11 % des maladies cardiaques en 2005, année d’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans le pays. Problème : les affections cardio-vasculaires avaient déjà baissé dans la même proportion l’année précédente.
Des données qui auraient dû modérer les certitudes de certains militants. « Mais franchement, je ne pense pas que les activistes anti-tabac s’en soucient réellement », déplore Michael Siegel. « Tant que leurs objectifs politiques sont atteints, je ne pense pas que l’intégrité scientifique ait vraiment droit de cité ». Vu comme ça, une Europe sans fumée est leur plus belle réussite.
Mouais, mouais… tous ces chiffres, ça conforte ce que je pense des statistiques : un bon moyen de manipuler les opinions et rien de plus. Mais dans ces études est-il tenu compte une seule fois de l’amiante ? Eh non ! L’amiante n’est recherché dans les radios des poumons que depuis peu… Mais bon cette histoire sur le tabagisme prouve qu’on peut faire faire ce qu’on veut aux moutons que nous sommes… pendant ce temps-là des millions de tonnes de pesticides sont déversés sur notre nourriture, des centaines de milliers de logements sont bourrés d’amiante etc… Mais le tabac fait suffisamment de fumée pour camoufler le reste…
Ah ! Les stats ! Le Français ne dépense que 14 % de ses revenus pour la nourriture… Donc trois baguettes par jour pour un foyer RMIste (attention pas le beurre dessus ! C’est une loi statistique !…) heureuses personnes qui arrivent à vivre d’écran plat et d’eau fraiche !
Tiens, par contre il est un chiffre qu’on obtient facilement avec une division : 2500 euros ! C’est quoi ce truc ? C’est le PIB de la France en 2006 divisé par le nombre d’habitant : ce que chaque habitant (bébés compris) toucherait par mois si on partageait vraiment les richesses… Eh bien ce chiffre on ne nous le dit pas… C’est vrai ça, ça ne veut rien dire : ce n’est après tout qu’une moyenne…
Rien à voir avec le tabagisme passif ? Non, rien. Si, tout ! C’est la manipulation des chiffres qui fait mal à notre société (pas à leur dirigeants, rassurons nous)… Les stats sont les péripatéticiennes des maths qui servent enfin à quelque chose : gruger la majorité pour la bonne vie de certains…
Bien à vous
Yannick
Quand je vois l’intolérance de beaucoup de non-fumeurs, j’ai envie d’arrêter de me retenir de rejeter la fumée que je viens d’aspirer jusqu’à ce que cette personne soit passée et ça me donne envie de rester près des non-fumeurs pendant que je fume…plutôt que de m’éloigner,mais contrairement à beaucoup de non-fumeurs je respecte tout le monde…fumeurs et non-fumeurs et c’est pourquoi je continuerai à faire attention.
Il y a pourtant un truc qui m’énerve plus que tout, parfois je sors une cigarette dans la rue et sans l’allumer mais en marchant la clope à la main, il m’est déja arrivé de croiser des personnes qui voyant ma cigarette, se mettait à tousser, "comme pour dire sale fumeur, fous le camp tu m’empoisonne", pourtant ma clope n’est pas allumée et il n’y a donc aucune raison de tousser !!! mais bon la logique des intégristes et l’intelligence, sont par nature incompatibles !
Une étude vient de révéler que les particules fines dans l’air, qui proviennent des voitures et des cheminées, (usine et habitation) provoquent 5 % de déces prématurés dans la population et ce chaque année, je pense que la logique voudrait qu’on interdise les usines et le chauffage, ainsi que les transports motorisés…qu’en dites vous les non fumeurs ?
Depuis l’age de 12 ans je fume tous les jours. J’ai aujourd’hui 50 ans, je fume 50 cigarettes/jour plus mon tabagisme passif (3heures voiture+ maison et ect..) Je suis pret a m’arreter de fumer si l’on me prouve d’une manière formelle et indiscutable qu’une personne d’un age moyen est décédée suite au tabagisme passif et exclusivement de ça….
p.bellier689@orange.fr
Article très intéressant dans lequel il y a une bizarrerie. La même personne est citée deux fois mais avec des professions différentes. Alors, qui est la vraie ?
Encadré "la fabrique à chiffre" Catherine Hill, statisticienne à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif
Chapitre "Des effets nocifs réels, mais faut-il en rajouter ?" Catherine Hill, épidémiologiste spécialiste des cancers, à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif