Le timonier de l’Elysée, après avoir sauvé l’Europe, a convaincu Bruxelles de la bonne foi économique de la France. Enfin, selon les journaux hexagonaux. Toujours ça de pris.
La presse française vient de donner un nouvel exemple de son indépendance d’esprit. Comme chacun sait, Nicolas Sarkozy s’est rendu lundi à Bruxelles pour convaincre les ministres européens de l’Economie et des finances d’accepter son plan visant à repousser de 2010 à 2012 l’échéance pour respecter les engagements de la France en matière de réduction des déficits publics et de la dette. Le petit timonier de l’Elysée, qui a décidé de multiplier les cadeaux fiscaux aux plus riches sous le prétexte de relancer l’économie, l’a dit sans ambages : il ne se sent pas tenu par les engagements pris par le gouvernement précédent.
Le non respect de la parole de l’Etat érigé en principe, cela ouvre des perspectives insoupçonnées en matière de relations internationales. Sarkozy, marginalisant au passage sa ministre de l’Economie Christine Lagarde, a expliqué à ses interlocuteurs à Bruxelles qu’il essaierait d’être « au rendez-vous de 2010 » mais cela pourrait être 2012. Peu désireux d’engager une bataille avec Paris, les autres capitales ont décidé de mettre un bémol à leurs critiques. Le ministre allemand, Peer Steinbrück, a déclaré qu’on ne pouvait pas « sans cesse » reporter les objectifs et a dit espérer que la France les tiendra pour 2010. On a connu soutien plus franc. Les médias français n’en ont cure. Les titres des journaux de mardi sont sans ambiguïté : « Sarkozy séduit les ministres européens » (Les Echos), « Sarkozy défend son pari économique » (La Tribune), « Sarkozy rassure ses partenaires européens » (Le Figaro), « Sarkozy donne des gages à Bruxelles » (Le Parisien). Pour paraphraser un hymne à la mode il y a longtemps à Libreville, « Avec Sarko, toujours plus haut ».
La réalité de cette réunion européenne n’a pas échappé aux journaux anglo-saxons. Pour le Financial Times, le pacte de stabilité est « sous pression alors que Paris et Berlin sont en conflit ». Le Wall Street Journal a rapporté pour sa part que notre petit timonier s’était heurté à une « opposition ferme » sur sa volonté d’intervenir dans la politique de change et de relancer l’économie par des réductions fiscales. Peut-être que les patrons de presse français devraient lire plus souvent les journaux anglo-saxons.
Il semble bien que la dette française soit un gros, GROS problème… Je vous écris depuis Bruxelles, capitale d’un pays —la Belgique— dont la dette publique vient à peine de passer sous la barre des 110% du PIB. A présent, la dette publique belge doit avoisiner les 250 milliards d’euros… Il s’agit, toutefois, d’une dette essentiellement "domestique", c’est-à-dire souscrite par des créanciers/prêteurs belges —contrairement à la dette française, détenue à plus de 60% par des "étrangers" (voir le lien ci-dessous renvoyant vers le site officiel de l’Agence France Trésor). De surcroît, sur les vingt "primary dealers" (SVTs) habilités par le gouvernement français à souscrire aux émissions/obligations (publiques) françaises, nous trouvons 7 banques américaines et 3 banques britanniques —la France a-t-elle bien les moyens de sa politique étrangère ??? Ne se trouve-t-elle pas dans la même fâcheuse posture que la Grande-Bretagne de 1956 lors la crise de Suez ?
Liste officielle des SVTs : http://www.aft.gouv.fr/article_96.html
Raymond Barre, ancien Premier Ministre et surtout "gourou en macroéconomie", révèle, dans son dernier livre-interview(*), que la situation alarmante des finances françaises pourrait bien conduire le gouvernement à solliciter l’aide du Fonds Monétaire International —tiens, tiens, ne serait-ce pas la raison d’un consensus européen derrière la candidature de D. Strauss-Kahn à la direction du FMI ??? Comme dit le proverbe : on n’est jamais mieux servi que par soi-même…. Et Dieu sait si le service de la dette française est préoccupant : QUARANTE milliards d’euros par an, rien que pour les intérêts…. Heureusement qu’on est passé à l’euro, hein ? Si la dette galopante de la France était aujourd’hui libellée en "francs français", il faudrait sans doute une brouette de francs pour un Deutschmark…. D’une certaine manière, ce sont les exportations allemandes hors-zone-euro qui financent la dette de la France.
Zwartepiet
(*) http://www.amazon.fr/Lexp%C3%A9rience-du-pouvoir-Raymond-Barre/dp/2213630313