Alors que les violences ont diminué dans les rues d’Athènes, l’université polytechnique est toujours occupée par des étudiants et des anarchistes. Nos deux reporters ont pu y pénétrer.
Située dans le centre d’Athènes, l’université polytechnique est toujours occupée par des centaines de jeunes qui en ont fait un camp retranché. Tout autour le chaos règne : rues jonchées de morceaux de verre, distributeurs de billets vandalisés, voitures calcinées, poubelles en flammes… On entend également des détonations, des slogans scandés et des bruits métalliques dans les rues adjacentes désertées.
À quelques dizaines de mètres de l’entrée de la faculté, un groupe de journalistes attend, caméras et appareils photo au poing. Interdit d’entrer. Il faut se faire passer pour des étudiants. Il est à peine 19h. Devant l’entrée principale, Thomas, la vingtaine, étudiant et membre d’une organisation anarchiste déclare : « si nous agissons comme ça, c’est pour venger la mort du gamin de 15 ans [1] ». Avant de montrer fièrement le slogan anar qu’il a tagué sur le mur de la fac.
L’ami qui l’accompagne porte, lui, les stigmates d’une rixe avec la police : une belle blessure à la tête nécessitant plusieurs points de suture. « Je suis recherché et dois aller dans des endroits où il y a plus de monde. Il y a beaucoup de policiers en civil » lâche-t-il avant de filer, visiblement préoccupé.
Le soir venu, la centaine de jeunes rassemblés devant l’université ne se sont pas calmés. Loin de là ! Tout ce qui passe entre leurs mains — bouteilles remplies de farine, cocktails Molotov faits maison, pierres — vole dans les airs. Direction : les forces de l’AMT, la brigade anti-émeute grecque positionnée de l’autre côté de l’avenue.
À l’intérieur de l’université règne une ambiance de camp retranché. Des feux de camps ont été allumés et les tables comme les chaises servent de combustibles. Installés autour, les jeunes discutent, écoutant, à la place des annonces administratives de jadis, des discours et de la musique que crachent les haut-parleurs. On recense des étudiants mais aussi de jeunes actifs et des migrants, hommes et femmes confondus. Beaucoup sont membres d’organisations anarchistes ou sympathisants de cette mouvance. Certains se mettent du sérum dans leurs yeux rougis et de la crème sur le visage pour calmer les brûlures des gaz.
Ce 10 décembre au soir, à l’issue d’une cinquième journée de manifestations, ils sont encore une centaine à occuper la « Polyteknio ». Pour protester contre la mort, samedi dernier, d’un adolescent tué par un policier. Mais pas seulement. « La rage est trop grande chez les jeunes Grecs » explique Danaé, 25 ans, salariée et anarchiste. Pour cette jeune femme aux mèches roses, la nouvelle génération subit « attaques sur attaques depuis des années ». Elle a aussi peur du chômage, presque deux fois plus élevé en Grèce que la moyenne européenne. « Il fallait que ça pète : l’université a été occupée dès que le jeune Alexis a été tué. Cette mort a servi de déclencheur à une situation latente ».
Que l’université polytechnique soit devenue une place forte des manifestants ne relève pas du hasard. Danaé qui n’était pas encore née à cette époque rappelle qu’en 1973 une répression militaire sanglante avait eu pour conséquence la mort de dizaines d’étudiants contestataires. « En pénétrant dans le campus, un char a renversé le mur qui est s’est écroulé sur des étudiants » raconte-t-elle. Tout un symbole. Quelques jours plus tard, la dictature militaire de Georgios Papadopoulos tombait.
Mais Danaé n’a pas le temps de terminer son propos. La silhouette titubante d’un jeune homme soutenu par deux camarades sort d’une vapeur gazeuse. Il hurle. Sa jambe est luxée. Allongé par terre, il peine à parler, écrasé par la douleur. Yannis est d’autant plus paniqué par sa blessure qu’il est gymnaste. La conversation s’engage entre les occupants attroupés autour du blessé : il a besoin d’un médecin. Mais l’ambulance n’a pas le droit de pénétrer dans l’université. Le ton monte entre les jeunes même s’il n y a pas de leader. Un étudiant en médecine décide finalement de faire une attelle à Yannis, avec les moyens du bord. Quelque temps plus tard, le jeune homme sera finalement évacué vers un hôpital en voiture.
Pendant ce temps, des occupants font le va-et-vient entre l’enceinte de l’université et la rue où ils harcèlent les forces de l’ordre. Beaucoup n’arrivent même plus à ouvrir les yeux à cause des gaz lacrymogènes mais ne laissent aucun répit aux policiers.
D’autres jeunes se calfeutrent dans les murs de la fac et se préparent à une longue veillée. Ils attendent l’assemblée générale de cette nuit, « où est choisie la ligne de conduite à adopter » comme l’explique un étudiant assis sur une table dans ce qui fut jadis une salle de classe et aujourd’hui taguée d’un « Education is the enemy » (l’éducation est l’ennemie). Il poursuit : « Les occupants de la Polytekniko se retrouvent trois fois par jour pour discuter dans les anciens amphis. En journée, nous sommes mille, la nuit plutôt deux-cents. Nos choix sont donc collectifs ».
Personne ne semble se soucier des dégâts matériels causés au sein de l’université. « Elle n’est pas détruite. Elle est juste en désordre » affirme même un étudiant. Un euphémisme au vue de l’étendue de la casse : sanitaires devenus insalubres, certains carrément détruits pour servir de projectiles, murs recouverts de slogans, détritus qui jonchent le sol, mobilier brûlé. Seul îlot de calme apparent dans ce chaos : la cafétéria où les jeunes continuent de se restaurer en prenant un café qui les réchauffe comme si de rien n’était. Il est à peine minuit et la nuit s’annonce encore une fois très longue.
À lire ou relire sur Bakchich.info :
[1] Le 6 décembre, Alexis Grigoropoulos, a été tué par balles par un policier dans le quartier d’Exarchia où se trouve l’université polytechnique.
Quelques imprécisions dans cet article où l’on apprend pas grand chose :
La dictature n’est pas tombée "quelques jours après" les événements de polytechnique du 17 nov 1973. Le général Papadopoulos a été remplacé suite au massacre par Ioanides mais la junte n’est tombé que l’été suivant, lors du fiacso chypriote.
Sinon, aucun début d’explication, aucune description du quotidien des jeunes athéniens, du symbole que représente vraiment Politechnio…c’est regrettable.
Pourquoi partir sur place si c’est pour pondre un article que tout le monde peut faire sans sortir de chez soi ? Est-ce un fake ?
Impressionnant ce site !
Je crois que cette fois, c’en est fait du capitalisme !
mdr
Il a finalement fallu une semaine entière à Bakchich pour envoyer des journalistes à Athènes pour nous pondre un article totalement inintéressant …
D’autant plus qu’un article du genre à déjà été publié, dans Libération je crois.
A la lecture de cet article, on n’apprend rien.
VIVE LA GUERRE CIVILE GRECQUE !