Deuxième volet de notre enquête sur le brillant Claude Allègre. Après l’Education Nationale, l’amiante et les OGM, le chercheur s’attaque à la grande question du climat, peut-être trop grande pour lui.
Le pompon, c’est tout de même « Allègre et le climat ». En bref, Claude Allègre ne croit pas au « réchauffement global » mais au « changement climatique », que ce n’est pas si grave, que le CO2 n’est pas un facteur notable et surtout que l’activité humaine n’est pas en cause.
C’est le 21 septembre 2006 que Claude Allègre décide de faire savoir au grand public que la communauté scientifique se fourre le doigt dans l’œil avec son « réchauffement global », qui fait déjà l’objet depuis quelques temps d’un solide consensus international. Dans sa chronique de l’Express, il balance des arguments en béton : les neiges du Kilimandjaro et l’Antarctique.
Comme le fait illico remarquer Sylvestre Huet, journaliste scientifique à Libération, Claude Allègre est carrément « à côté de la plaque ». Son papier est indéfendable. En hors d’œuvre, l’article de Nature qu’il croit citer est paru dans Science. À l’évidence, le géologue a cité « sa source » de tête, mais a-t-il seulement lu le papier ? Car, et c’est le plus fort, les auteurs n’y parlent pas de l’évolution des neiges du Kilimandjaro au cours du siècle passé, mais il y a des millions d’années. Carrément. D’une manière similaire, il fait dire ce qui l’arrange à un autre article portant cette fois sur l’Antarctique. Dans les deux cas, le géologue croit avoir déniché des articles récents qui contrediraient les thèses sur le réchauffement global alors que ce n’est absolument pas le cas.
La communauté des climatologues s’étrangle. Des mails circulent en tout sens et, le 3 octobre, une lettre de protestation est envoyée à l’Express, à l’Académie des sciences, au ministère de la Recherche. Elle est signée par une jolie brochette de climatologues français de stature internationale, comme Jean Jouzel, directeur de l’IPSL (Institut Pierre Simon-Laplace) ou Michel Fily, directeur du LGGE (Laboratoire de glaciaologie et de géophysique de l’environnement). Une séance de confrontation entre le consensus scientifique et la thèse défendue par Claude Allègre et ses collègues de l’IPGP est prévue au printemps 2007 à l’Académie des sciences. L’ancien ministre n’y viendra pas.
Car Allègre a quelques comparses, dans cette affaire, et notamment son actuel successeur à l’IPGP, Vincent Courtillot, membre, comme lui, de l’Académie des sciences, et qu’il a pris comme directeur de la recherche auprès de lui lorsqu’il était ministre. Une sorte de compagnon de route.
Claude Allègre cite régulièrement les travaux de Courtillot à l’appui de ses prises de position, notamment un certain article scientifique paru assez discrètement en 2005, puis dans une version à peine remaniée, mais avec beaucoup plus de retentissement, en 2007, dans la revue Earth and Planetary Sciences Letters. Courtillot et son équipe y expliquent, en gros, que le changement climatique s’explique par des évolutions naturelles, notamment de l’activité solaire.
En septembre 2007, deux prestigieux chercheurs en climatologie, Edouard Bard, du Collège de France, et Gilles Delaygue, du Cerege (Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement), adressent à la revue un commentaire critique, le mot est faible, sur cet article. Ils y ont découvert une accumulation record d’erreurs factuelles, de calcul et d’attribution de données. Et bizarrement, quand on corrige les erreurs, la démonstration devient soudain plus molle que convaincante. Une complexe empoignade s’ensuivra à propos de commentaires portant sur les commentaires des commentaires, que nous éluderons.
Bref, on est dans les parages, c’est peu de le dire, de l’approximation scientifique, et les articles qui sortent sur le sujet dans Libération, Le Monde et Le Figaro le laissent entendre. Courtillot demande des droits de réponse. Des commentaires fleurissent partout sur le Net, comme ce fameux texte en deux partie de Ray Pierrehumbert (Professeur de sciences géophysiques à l’Université de Chicago) sur le très sérieux blog Realclimate, qui résume toute l’affaire sous le titre « Les Chevaliers de l’Ordre de la Terre Plate » (Voir la suite, partie II)
Le ton monte. Les fautifs auraient pu se contenter de reconnaître leurs erreurs. Ils ont préféré monter sur leurs grands chevaux et user de leur capacité de nuisance. Les trois journalistes sont montrés du doigt. Aux injures succèdent les tentatives d’intimidation. Au point que l’AJSPI (Association des journalistes scientifiques de la presse d’information) réagit en adressant une lettre ouverte à Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, au président de l’Académie des sciences et à la présidente du CNRS. Elle décrit ainsi les anomalies constatées :
« La suite se passe hors du champ scientifique : insultes envers un journaliste proférées par Claude Allègre, soutien indéfectible de M. Courtillot, demandes de droit de réponse abusives, menaces de procès en diffamation, tentatives de pression auprès de leurs rédactions en chef pour discréditer des journalistes, instrumentalisation de l’Académie des sciences contre M. Bard et contre une presse désignée comme “l’ennemie de la science” ».
C’est Stéphane Foucart, du Monde, qui a eu droit aux injures de Claude Allègre. Au départ, la conversation est courtoise. Claude Allègre s’indigne du fait que l’article de Foucart le mentionne dans son papier, alors que, dit-il, il n’a « rien à voir avec ça »…
Tiens donc, pourtant, Claude Allègre s’appuie régulièrement sur les travaux en question, de son vieux comparse Courtillot, pour défendre ses positions. Il suffit d’ouvrir son dernier livre, Ma vérité sur la planète. L’ambiance s’enflamme. « Monsieur, vous êtes un sale con ! », articule l’ancien ministre, à quoi il ajoute, pour faire bon poids, « un connard de journaliste ». Une missive destinée à la direction du journal Le Monde suivra, qui chute sur cette intrigante formule : « Cette lettre n’attend d’autre réponse que l’action ». Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
A suivre dans Bakchich :
Les drôles de vérité de Claude Allègre
A lire ou relire :
Tout a fait d’accord avec Laurent
De plus il est desolant de voir un simple journaliste se permettre d’intervenir de facon aussi grossiere dans un debat scientifique (ou les termes sont mesures).
Je ne pretends pas, n’etant pas un specialiste de domaine, qu’Allegre ait tort ou raison mais nier, comme le fait l’auteur de cet article, qu’un debat scientifique existe sur le sujet montre son peu de competences.
Voir ce site Web
Dans une démocratie, un "simple journaliste" peut s’exprimer à propos d’un "éminent ancien ministre", c’est comme ça. Sur quelle planète, à quelle époque vivez-vous ? "De façon aussi grossière" : vous parlez des textes de Claude Allègre ? Lequel ne "mesure" aucunement ses propos.
Un débat scientifique ? Oui, mais sur quoi ? Et de quelle ampleur ? Sur le réchauffement global, le rôle des divers gaz à effet de serre, celui de l’homme : oui il existe un débat, ou plutôt plusieurs. Quelques chercheurs s’éloignent plus ou moins du consensus, sur certains points, mais jusqu’à preuve du contraire, ils sont minoritaires. Cela ne les empêche pas de publier, d’être lus, critiqués.
Sur les "thèses" de Claude Allègre, c’est une autre histoire. Premièrement, il n’a jamais publié le moindre article en climatologie. Il ne s’est jamais exprimé sur le sujet dans une revue scientifique. Il n’est même pas venu débattre à l’Académie des sciences lorsque celle-ci a organisé une débat sur le sujet, suite à son papier fracassant de 2006 dans l’Express. Secundo, lorsqu’il s’exprime sur ce sujet, c’est dans des termes qui n’ont absolument rien de scientifique, mais relèvent plutôt du café du commerce. Lisez son dernier papier dans Le Point : il est tout simplement indigne d’un scientifique. 25 ans d’expérience en journalisme scientifique me suffisent amplement pour l’affirmer.
Qui prétend que 100% des climatologues sont d’accord ? Personne. Cela n’empêche nullement l’existence d’une large majorité en faveur de l’hypothèse du réchauffement global et il est donc logique de parler de "consensus".
La courbe de Michael Mann a été retirée parce qu’elle était très largement critiquée : vous auriez préféré qu’ils la gardent ? À tout moment, un chercheur peut publier un papier qui démolit des travaux considérés comme sérieux. C’est ce qui s’est passé. La démarche scientifique n’exclue pas l’erreur, mais elle prévoit des mécanismes pour les détecter. En l’occurrence, celle-là a été corrigée : tant mieux.
Où avez-vous vu que cette courbe serait le seul argument en faveur de la thèse du réchauffement global ?
D’où provient votre large majorité en faveur de l’origine anthropique du réchauffement global ? Tous les scientifiques du GIEC ne partagent pas obligatoirement les mêmes conclusions et aucune enquête officielle n’a été réalisée afin de connaître le degré d’adhésion ou non des climatologues sur l’origine humaine du RC. Par contre l’ADEME enquête sur les français en général pour constater que moins de la moitié d’entres nous sommes convaincus de la responsabilité de l’homme dans le RC.
Michael Mann a corrigé ces travaux en rétablissant des vérités scientifiques, comme le petit age glaciaire, connues de tous les climatologues. Ce qui me dérange n’est pas qu’un scientifique rectifie ces hypothèses de travail mais plutôt qu’aucun journaliste scientifique ne juge nécessaire de publier un article sur le sujet alors qu’ils s’acharnent tous sur les théories dissidentes.
votre manque d’impartialité est choquant !
En science, il y a un truc qui s’appelle les "publications". Il suffit de jeter un coup d’œil sur ce qui se publie pour constater cette ÉVIDENCE : une large majorité de climatologues estime qu’il y a un réchauffement global et que la cause la plus probable en est le dégagement anthropique de gaz à effets de serre. Ensuite, il y a bien sûr discussion sur tout un tas de détails.
Acharnement sur les théories dissidentes ? En ce qui me concerne, j’écris ici sur un tout autre sujet : les méthodes scandaleuses, honteuses, employées par un ex-ministre pour se faire remarquer et vendre ses bouquins. Il n’y a pas de "théorie dissidente" de Claude Allègre, qui n’a jamais publié un seul article en climatologie, mais seulement lâché dans des news magazines des "bombes" médiatiques construites sur des raisonnements de comptoir.
Avant de parler de "théorie dissidente", avez-vous lu son dernier papier dans Le Point ? C’est une caricature, c’est grotesque, c’est pitoyable, cela n’a RIEN À VOIR avec la science.
"Impartialité" : excusez-moi, je hurle de rire, trouvez-moi un climatologue qui défende ce dernier texte de Claude Allègre !
Ce n’est pas parce que Allègre pense à entrer au gouvernement de Sarlozy que sa démarche scientifique est de ce fait condamnable… Ce n’est pas non plus parce qu’il insulte des journalistes que sur le fond il aurait tort et que les dits journaliste seraient exempts de toute faute professionnelle…
Les vrais scientifiques en tout cas ne se hatent pas à décréter des dogmes (comme celui du réchauffement climatique du à l’activité humaine) mais, à la différence des idéologues s’efforcent de tout examiner avec le doute et l’esprit critique qui s’imposent avant d’établir une "vérité", toujours provisoire en ces domaines.
C’est pourquoi, malgré ses erreurs (car qui n’en fait pas ?), malgré ses insultes, malgré son caractère, je pense qu’il est utile au débat que ses arguments soient échangés et discutés, plutôt que des condamnations assénées par amalgame comme ce que je lis le plus souvent à l’encontre de C. Allège.
Il se peut que nous ne sachions pas avant longtemps (peut-être pas avant des dizaine d’années, pour ne pes dire des siècles…) s’il y a eu réellement une origine humaine à un réchauffement climatique. Mais dire cela n’interdit pas de prendre de mesures de précaution pour limiter les effets possibles de l’ativité humaine. Et je n’ai pas lu qu’Allègre ait dit le contraire sur ce point.
A chacun d’être honnête.