Les poètes contemporains riment en musique. Rencontre avec le rappeur Vicelow, ex du Saian Supa Crew.
« On régresse dans la mentalité du rap, il a mal évolué et maintenant il n’y a plus de véritables messages. Je ne l’écoute plus. Le public suit des gens qui ne sont pas réellement bons et seuls les bling bling font vendre. Il y a un gros nuage au-dessus du rap français. » Le constat est signé du rappeur Vicelow, membre du Saian Supa Crew. « Rap bling bling ». Le terme faisait rire hier encore, il désole aujourd’hui. Il désigne la décadence d’un mouvement devenu la risée d’un monde musical où ses apôtres exhibent aussi fièrement leurs tatouages que leurs séjours en prison. Ce rap français plein de promesses a mal grandi sous l’ombre malveillante de son grand frère US, comprenez l’argent a pris le pas sur la créativité et en a fait la pâle caricature d’un mode de vie aux antipodes des racines du rap. L’embourgeoisement a conduit à une effarante pauvreté textuelle. Les plus gros vendeurs de galettes estampillées « made in banlieue » nous offrent des sons aux basses assourdissantes, manière un peu maladroite de masquer la bassesse du genre. Le rap est mort, enfin presque. Et dans ce désert, un espoir, Vicelow.
Simple, ouvert et accessible, l’attitude de ce « noir à lunettes » détonne dans ce milieu où les chevilles enflent plus vite que les comptes en banque. En interview, l’homme passerait presque plus de temps à s’intéresser à l’histoire des journalistes qui l’entourent qu’à s’épancher sur la sienne. Un altruisme qui trouve ses origines dans le parcours artistique du jeune chanteur. Passage obligé avant de centrer les débats sur sa personne, Vicelow souligne l’importance de l’aventure collective du Saian Supa Crew qui l’a intronisé pionnier du rap français. Au début de l’histoire, ils sont sept à raper pour le fun dans de petites MJC de quartiers. Un jour, l’un d’eux, KLR, trouve la mort dans un tragique accident de voiture. Le deuil sera artistique et les six amis décident de rendre un hommage musical au défunt. L’album éponyme est un succès. Mission accomplie, le nom de KLR passe à la postérité et révèle le Saian aux yeux du monde. Leur rap mélodieux, novateur et intelligent fait désormais figure de référence et règne en maître du genre pendant une décennie. « L’entité Saian est viscérale, elle a pris beaucoup de place dans nos cœurs et dans nos têtes. Les membres du groupe sont tous vraiment formidables, ils méritent tous d’avoir leur carrière solo. » La page est tournée. Vicelow va enfin pouvoir raviver cette flamme personnelle qui s’éteignait au profit du collectif. Première étape de cette émancipation, la création d’un site Internet et d’un label où Vicelow donnera la part belle à son univers artistique. Deuxième étape la sortie d’un album 8 titres qui devrait sortir cet automne. L’artiste avoue prendre son temps. « J’ai la sensation de tout recommencer à zéro, je n’ai plus la carapace Saian pour me protéger. Je veux que les gens se sentent autant concernés par ma musique que par l’individu. Il sera sûrement réservé à un public averti. » Un conseil à ne pas suivre. Quoi de mieux que d’écouter du Mozart pour s’initier à la musique classique ?
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Cet article fait froid dans le dos. Sur le coup j’ai vraiment eu peur. Le rap serait mort ? C’est affreux ! C’est horrible ! Comment ? Qui ? Pourquoi ? Et puis quelques lignes plus loin, soulagement. Dans ce concert de médiocrité que serait la scene rap en France aujourd’hui, une voix tonnerait au dessus des autres pour redonner à ce style musical artistiquement en péril ses lettres de noblesses. Celle de Vicelow. OUF ! On a vraiment eu peur. L’honneur est sauf. Meci Vicelow donc. Merci le Saian. Merci Mr Wozniak.
Poliment,
Steackman