Au recensement des activités les plus vide de sens, il faudrait laisser une place de choix aux soirées champagne et sauces compliquées. Je m’explique : samedi soir, Planet Finance, principal organisme de micro-finance français présidé par Jacques Attali, accueillait le nouveau prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus au Musée des Arts Forains.
Donc, samedi soir, je suis allée applaudir le bangladais. Ponctuelle, je suis arrivée à 20h00 avec la noble intention d’écouter son discours. À l’entrée, M.Attali, chef d’orchestre (si, si), accueillait son beau monde. Après ça, l’ambiance allait de soi. Cotonneuse. Les dames étaient tout sourire, les messieurs bien vêtus. Musique classique. On m’a tendu un verre de champagne. Vidé d’un trait. Et ainsi de suite. Au bout d’une demi-heure, j’ai penché pour une agression à mon entendement à coup de whisky d’une main et de cigarettes de l’autre. Car les organisateurs ont eu la gracieuse idée de ne pas gâcher leur soirée aux fumeurs. C’est à ce type d’attention qu’on apprécie ses hôtes.
À 20h50, le déclenchement de flashs m’indiqua que le prix Nobel arrivait. Quelques heures auparavant, il était reçu par l’ex-candidat malheureux au même prix, résident actuel de l’Elysée. Qui était en grande forme, soufflait-on. Pas autant que le clown sur échasses un peu glauque qui rappelait aux invités qu’ils se trouvaient dans un musée forain. Cette attraction vivante était quelque peu redondante dans cet endroit au décor déjà un rien dantesque : tête de licorne, manèges, statues de cire, éléphants, fresques foraines et foule agitée. Les gens n’arrêtaient pas de bouger. Il y avait des journalistes, certaines têtes connues, des notables anonymes, des types bedonnants aux airs de banquiers, des bangladais, des hauts fonctionnaires et beaucoup d’amateurs de riz, si j’en crois la foule opaque qui entourait le buffet.
Je m’égare. Avant le buffet, il y a eu le discours du prix Nobel. La précieuse assemblée l’a écouté dans un silence quasi religieux (quelques rires à ses bons mots et trois inévitables sonneries de portables) avant de l’ovationner. Puis dispersion. Le buffet justement. Et beaucoup de nouveaux arrivants. Les sourires factices, les courbettes, les échanges d’amabilités ; rien ne manquait dans ce cirque mondain. « Il est rayonnant, mais je n’ai pas compris un mot ». C’est le propos que se resservaient les nombreux non-anglophones de la soirée. Rayonnant, charmant, c’est vrai. Mais c’est aussi l’un des rares, à en croire les sujets de conversations glanés ici et là, qui avait encore à l’esprit la raison d’être de toute cette foire. Si les précieux s’extasiaient sur le musée (au moins une opération de com’ réussie), il me semble que le Bengladesh et les micro-entrepreneurs ne resteront qu’une tocade pour tout ce beau monde. En attendant la prochaine.