Fini les transactions gargantuesques sur le marché des transferts du football. Du moins si les joueurs décident de s’engouffrer dans la faille ouverte par le méconnu Andy Webster, joueur écossais à l’origine d’un arrêt juridique dévastateur rendu le 30 janvier.
Le 30 janvier 2008, soit une journée avant la fin du marché des transferts hivernaux dans l’Europe du football, le tribunal arbitral du sport a choisi de mener une petite révolution. En catimini et en terme juridiques. La rédaction de l’arrêt rendu peut paraître mystérieuse, ainsi formulée :
« De même que le joueur pourrait, en principe, prétendre à sa rémunération contractuelle jusqu’au terme de son contrat en cas de rupture unilatérale par le Club, ce dernier devrait pouvoir prétendre à une rémunération équivalente en cas de rupture par le joueur… »
Pas évident à saisir. Mais cette phrase glissée ce jour-là dans le différend qui oppose un club écossais, Heart of Midlothian (appelé aussi Hearts), à son ancien joueur Andrew Webster, a glacé le sang de plus d’un tenant du football européen.
Tout simplement parce que l’arrêt « Webster » ramène le football dans le domaine juridique du commun des mortels. À savoir que le footballeur est un salarié, et le club un employeur. Et qu’à ce titre, le contrat qui les lie peut-être rompu, après une « période de stabilité de trois ans » par le footballeur. Ne resterait alors aux clubs que leurs yeux pour pleurer, et pour se moucher un chèque loin des montants faramineux jusqu’alors en vogue. Le joueur, ou le club qui l’aura arraché à son concurrent, n’aura qu’à verser une obole au prix coutant : son salaire annuel multiplié par le nombre d’années de contrats restant… Fini les rachats à prix d’or, genre Zidane qui touchait un salaire jusqu’à 6 millions d’euros par an et était transféré pour 75 millions d’euros.
Avec cet arrêt fatal, les prix des transferts risquent effectivement de chuter… Au grand dam de la FIFA (la fédération internationale de football) et des clubs, dont les finances risquent d’en pâtir durement. Au moins autant que lors du fameux arrêt Bosman, qui libéralisa la circulation des joueurs, enfin considéré comme travailleurs, dans toute l’Europe.
Et comme Bosman, Andrew Webster, l’origine du cataclysme, est un quasi-inconnu. Un défenseur international écossais rugueux et têtu, le Webster, mû en révolutionnaire par la seule grâce de son club.
Vexé par le refus d’Andy de ne pas prolonger son contrat, son club Heart et ses dirigeants ont voulu cantonner l’international au banc de touche en 2006. Et histoire de faire monter la pression, le propriétaire du club, le très volubile Vladimir Romanov, s’est répandu dans les médias en soulignant que l’attachement d’Andy à son club paraissant très incertain, il allait être mis sur la liste des joueurs à transférer.
La réponse d’Andy a été cinglante. Dans un premier temps et après consultation de son syndicat, le bonhomme a notifié le 4 mai à son club la résiliation de son contrat de travail pour juste motif, sous préavis de 14 jours, en vertu de l’article 18 de son contrat de travail.
Le club a rechigné, et fait appel de cette résiliation devant la ligue écossaise. Pas de chance, le syndicat des joueurs Écossais a un bon juriste. Et a conseillé à Webster d’invoquer l’article 17 du règlement de la FIFA relatif au statut et aux transferts de joueurs, puisque la résiliation de son contrat prenait effet au-delà de la période dite « de stabilité » de 3 ans à compter de la date de signature de son contrat. Ci-fait le 26 mai. Un brin imprudent, Romanov a refusé imprudemment une offre de Southampton de 1,5 million de livres pour son joueur. Il a préféré s’en remettre à la chambre des litiges de la FIFA pour réclamer un peu plus de 5 millions de livres. Raté.
La FIFA a rendu son verdict le 4 avril 2007. Considérant Webster en tort, elle l’a condamné, ainsi que le club qui l’a engagé Wigan, à verser solidairement 625 000 livres et a interdit au joueur de prendre part à un match officiel pendant 2 mois. Toutes mécontentes de la décision rendue, les parties ont interjeté appel devant le Tribunal arbitral du sport, l’instance suprême…
Qui, le 30 janvier, a rendu le désormais célèbre « arrêt Webster », qui considère le joueur dans son bon droit ; et se borne à décerner à Hearts une indemnité de 150 000 livres avec intérêt à 5% depuis le 1er juillet 2006, payable solidairement par Andy et Wigan.
Comme quoi, pour faire des économies, mieux vaut demander conseil à un Écossais…