D’une nouvelle approche du journaliste instituée par l’affaire du vote de Mme Sarkozy et de la génèse de cette innovante méthode.
Ce qui est bien avec la grande presse française, c’est sa réactivité. Dimanche 6 mai, Nicolas Sarkozy va voter à Neuilly-sur-Seine. Contrairement au premier tour, quinze jours auparavant, il est seul. Où est donc Cécilia ? Comme chacun sait, elle n’est apparue qu’en fin de soirée à la Concorde, laissant son mari se promener dans Paris avec les deux filles qu’elle a eues avec l’ancien animateur de télévision, Jacques Martin. La question qui vient immédiatement après la première est simple : Cécilia a-t-elle voté ?
Aucun quotidien n’a osé se pencher sur cette affaire. Le Journal du Dimanche s’y est risqué. Et le résultat a dépassé toutes ses espérances puisqu’il est avéré, liste d’émargement à l’appui, que Cécilia n’a pas voté. Nous ne connaîtrons pas ses motivations profondes puisque la dame a refusé de répondre au JDD.
Et là, chose extraordinaire, le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire appartenant à Lagardère, Jacques Espérandieu, a innové en matière journalistique : puisque Cécilia refuse de répondre, on ne passe pas le sujet. Une approche nouvelle qui devrait faire émules. Ainsi, imaginons que les chiffres de la délinquance soient mauvais (ce qui est impossible car le nouveau président va régler le problème rapidement) ? On interroge le ministre de l’Intérieur ? Il refuse d’en parler. Pas de papier. Cela ouvre des perspectives éblouissantes pour des médias français qui jouissent déjà d’un prestige gigantesque chez leurs pairs occidentaux.
Foin de plaisanteries. Pour bien comprendre la réaction d’ « Espé », comme on l’appelle au JDD, il faut remonter à presque deux ans en arrière. En août 2005, Paris-Match, autre magazine de Lagardère, publie les photos de Cécilia avec son amant Richard Attias. Fureur de Sarko qui engueule Arnaud Lagardère, patron du groupe, qui organise le limogeage du directeur de l’hebdo, Alain Genestar. « Espé » a donc en tête ce précédent et il sait aussi que le nouveau patron des rédactions de Lagardère, Christian de Villeneuve, qui l’avait déjà viré du Parisien à l’époque où ils y bossaient tous les deux et qui a pris ses nouvelles fonctions en janvier, réclame sa tête depuis un moment. Il a failli prendre la porte dès février. Mais il résiste, s’abritant derrière la rédaction. Une position difficile à tenir à long terme. Est-ce bien le moment de faire de la peine au nouveau président de tous les Français ?
Nous ne saurons donc pas pourquoi Cécilia n’a pas voté. A-t-elle suivi la consigne de Le Pen en faveur de l’abstention ? Nous ne saurons pas non plus qu’il y aurait eu de violents échanges verbaux entre le premier homme de France et la première dame au soir même du second tour ? Nous ne saurons pas non plus que Sarko aurait accepté d’aller sur le yacht de Vincent Bolloré (au risque de faire de la peine à son autre ami Martin Bouygues) sur les conseils de Cécilia. Le bon peuple n’a pas besoin de savoir tout ça. L’essentiel est qu’il sache que le nouveau timonier de l’Elysée aime tout le monde.