Réputés pour avoir la matraque facile, des policiers chinois ont failli être lynchés par une foule en furie dans le sud du pays. Et ce n’est pas la première fois.
Vendredi 8 novembre 2008 au matin, district de Shenzhen dans la province du Guangdong réputée pour son taux élevé de criminalité. Li Guochao, 31 ans, conduit son deux roues sans plaque d’immatriculation avec un passager à cheval sur le porte-bagages. Li circule sur la Baoshi East Road dans le district de Bao’an, le plus populaire des six districts de la ville de Shenzhen.
Selon le quotidien chinois anglophone China Daily du 10 novembre, la police de la circulation a installé un barrage filtrant. Objectif : pincer des petits délinquants urbains spécialisés dans le vol à la tire. Toujours selon China Daily, pris de panique, Li Guochao refuse de s’arrêter et force le barrage. Un policier en faction — un certain Lai (son nom complet n’a pas été divulgué) — lance alors talkie-walkie sur le fuyard. Li, déstabilisé dans sa conduite, perd alors le contrôle de son engin et s’encastre dans un poteau électrique. Grièvement blessé, il est emmené à l’hôpital le plus proche et succombe à ses blessures à 12h30. Enfin, c’est ce qu’affirme l’enquête de police.
A 13 heures, la famille et les proches de Li transportent son corps sans vie de l’hôpital vers le commissariat de police le plus proche du lieu de l’accident. La famille de la victime juge les policiers responsables de ce drame et le font savoir autour d’eux. Las ! En Chine, les quartiers populaires s’échauffent vite… En un rien de temps, trente personnes encerclent le commissariat. Selon l’agence de presse officielle Chine Nouvelle, le nombre de manifestants atteint rapidement les 400 auquel il faut ajouter 2 000 badauds excités.
Tout ce beau monde exprime bruyamment son indignation et sa colère à coups de jets de pierre et de cocktails Molotov. La police locale est vite débordée et une partie du commissariat est saccagée ainsi qu’un véhicule de police incendié. Pour autant, et aussi surprenant que cela puisse paraître, les forces de police répondent de manière apparemment mesurée, tout en restant fermes sur la matraque, comme le préconise le ministère de la Sécurité Publique .
Dernière d’une longue série, cette démonstration spontanée de violence envers la police a conditionné les palabres à la chinoise engagées entre les proches du défunt, la police et les autorités politiques locales. Les premiers réclament justice et réparation. Ils auront gain de cause. D’après l’agence de presse Chine Nouvelle, la famille aurait demandé une compensation de 600 000 yuan (68 000 euros) au gouvernement local. Mais après négociation, les deux parties se seraient accordées sur la somme de 200 000 yuan (23 000 euros). L’affaire est close et la foule sera dispersée dans le « calme » le jour même, aux alentours de deux heures du matin.
Malgré l’accroissement régulier des protestations de masse contre les pouvoirs publics locaux véreux et les exactions d’opérateurs privés dénués de morale, le recours à la négociation et à l’usage modéré de la force caractérisent actuellement la gestion des manifestations populaires hostiles par les forces policières chinoises. Bien entendu, excepté celles des minorités tibétaines et ouïghours qui sont toujours victimes d’une véritable répression.
Mieux encore, au pays de Tiananmen, de plus en plus d’indices tendent à montrer une démocratisation progressive de la police, du contrôle comme de la surveillance de la population, en passant par l’évolution des techniques de maintien de l’ordre. L’expression spontanée d’une violence populaire contre les forces de l’ordre résulte d’ordinaire davantage des mentalités et des comportements propres à certains cadres de cet appareil spécifique d’Etat — corruption rampante, compromission avec la criminalité organisée, abus de pouvoir, zèle flagrant — que d’un usage aveugle de la violence légitime contre le peuple. Un véritable pied de nez aux thèses stigmatisant sottement le Chinois comme un être paisible par nature et en toute occasion maître de lui-même…