Après l’annonce par Ehud Olmert de sa démission du poste de Premier ministre, en septembre prochain suite aux révélations de son implication présumée dans des affaires de corruption et de fraudes, Israël se prépare à des élections législatives anticipées début 2009. A Kadima, la guerre de succession fait rage. De leur côté, les ultra-conservateurs, avec Meir Porush, jouent aussi leur carte, notamment à Jérusalem. Décryptage
Lorsque le soir du 30 juillet, Ehud Olmert, en larmes, a annoncé à la télévision qu’il quittera son poste de premier ministre immédiatement après la primaire de son parti Kadima le 17 septembre, il n’a fait qu’acter l’inévitable. Sa position était devenue intenable avec la divulgation par la police d’une nouvelle enquête (la 6ème) contre lui pour avoir fraudé en ayant recours à de fausses factures pour ses voyages. Et il n’a pas dupé n’importe qui. Le gouvernement figure au rang des victimes mais aussi et surtout les quatre vaches sacrées de la société israélienne : les associations d’aide aux enfants handicapés, aux veuves et orphelins de guerre, aux soldats blessés ainsi qu’aux victimes de la Shoah. (Lire ou relire dans Bakchich : Ehud Olmert pris (encore) les doigts dans le pot de confiture)
Alors que, selon les sondages, plus de 80 % du pays considère qu’Olmert est trop corrompu pour gouverner, celui-ci n’avait de toutes les façons plus le choix depuis la sortie des dernières révélations. La police a en effet laissé entendre à la presse qu’en perquisitionnant l’agence de voyage utilisée par Olmert elle avait mis la main sur des documents clé prouvant les escroqueries. Dans le même temps, Shula Zaken, son ancien directeur du cabinet pendant des décennies et son intermédiaire dans trois des affaires de corruption les plus graves, semblait prêt à passer aux aveux et à coopérer avec la police pour éviter de servir de fusible. En clair, Ehud Olmert était cuit.
D’où la question suivante : qui sera son successeur à la tête de Kadima et qui donc sera invité à former un gouvernement de transition ? Le principal atout de la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, reste sa popularité auprès des électeurs, comme viennent de le confirmer deux nouveaux sondages. Celui paru dans le quotidien de référence Haaretz le 1er août montre que Livni est la plus apte à concurrencer le Likoud de Benjamin Netanyahu dans la captation des voix de droite. Avec Livni à sa tête, Kadima disposerait de 26 sièges à la Knesset, contre 25 pour le Likoud et seulement 17 pour le Parti Travailliste d’Ehud Barak. Par contre, avec Mofaz comme chef de Kadima, le Likoud emporterait confortablement la majorité. Un autre sondage, moins fiable, effectué pour le quotidien populaire Yedioth Ahronoth quelques heures avant l’annonce par Olmert de son éventuelle démission montre une avancée de Kadima sur le Likoud encore plus large avec Tzipi Livni.
Hélas pour la ministre, ce n’est pas l’électorat qui déterminera le successeur d’Olmert à la tête du parti mais les membres de Kadima. Conséquence, les magouilles se multiplient. Selon le journal Haaretz, ces sondages sont susceptibles d’avoir pour résultat que « Barak et Netanyahu pourraient bien décider d’aider Mofaz à être élu à la tête de Kadima, un choix qui les arrangera tous les deux. » De plus, les soutiens d’Olmert au sein de l’état-major de Kadima, comme le vice premier ministre Haim Ramon, le ministre de finances Roni Bar-on et le speaker de la Knesset Dalia Itzik vont probablement se ranger derrière Mofaz pour battre Livni, baptisée « Tzipi le Couteau » parce qu’ils considèrent qu’elle a poignardé le premier ministre dans le dos en appelant publiquement à sa démission. (Lire ou relire dans Bakchich : Tzipi Livni, du Mossad à la tête de Kadima)
Shaul Mofaz, un vieux routier des intrigues politiques dans lesquelles Livni, la « Madame propre » de la politique israélienne, est encore une oie blanche, est réputé pour exceller dans le bourrage des urnes lors de scrutins internes au parti. Le nombre de membres de Kadima a enflé comme par magie ces derniers mois, passant de 45 000 à 62 000 adhérents et ce, grâce aux efforts des « chasseurs de voix » professionnels, ces consultants dont on loue les services. Livni ne peut toutefois plus rattraper son retard car les inscriptions de nouveaux membres sont maintenant closes depuis le 31 juillet. Et c’est justement ce jour que le journal Haaretz a rapporté que Mofaz jouissait « d’un avantage sur elle parmi les membres inscrits ». Il n’en restera pas moins très difficile pour le nouveau leader de Kadima de rassembler une coalition lui permettant de gouverner.
Du coup, la guerre de succession entre Livni et Mofaz se soldera probablement par des élections législatives anticipées qui ne devraient pas se tenir avant le mois de mars prochain. Le temps de laisser les Palestiniens devenir le grand enjeu de la campagne… Le Likoud et les candidats de droite au sein de Kadima (majoritaires dans ce parti fondé par Ariel Sharon) vont la jouer « populiste » en agitant la carte du statut de Jérusalem qui doit rester « unifiée et israélienne. » Mais sans un compromis sur Jérusalem, un accord de paix avec les Palestiniens est tout simplement inenvisageable.
Jérusalem se trouvera d’autant plus au centre des prochaines législatives israéliennes que des élections municipales se tiendront dans la « ville sainte » en novembre et que le probable gagnant est Meir Porush, un membre de la Knesset issu du parti de la Torah Unifiée. A savoir le parti des haredi, c’est-à-dire des juifs orthodoxes les plus conservateurs. Et les haredi constituent un tiers de la population de Jérusalem…
Porush, qui porte une barbe touffue bien plus longue que celle du père Noël, est un ardent défenseur d’une Jérusalem entièrement contrôlée par l’Etat hébreu. Par exemple, il y a dix jours, il a créé un comité pour « garder Shdemah israélienne ». Shdemah est une ancienne base militaire dans le sud de Jérusalem que le gouvernement d’Olmert comptait donner à l’Autorité Palestinienne pour y construire un nouveau quartier arabe. Un acte que Porush dénonce de manière véhémente comme « un danger sécuritaire pour les Juifs » et « complètement irresponsable. » Le site de Shdemah est maintenant occupé 24 heures sur 24 par des haredi militants, et la construction d’un nouveau quartier juif à coté fait partie des promesses de campagne de Porush.
On a là un avant-goût de ce que sera le résultat de la guerre de succession pour remplacer Olmert : promesses de plus de colonies israéliennes, désignation des Arabes Israéliens (les auteurs des trois attentats récents à Jérusalem en étaient) comme bouc-émissaires d’une hystérie sécuritaire renforcée, et le gel virtuel de toute négociation pendant la campagne, que ce soit avec les Syriens ou les Palestiniens.
Lire ou relire dans Bakchich :
Bateaux pour Gaza : Israël pourrait recourir à la force
lundi 18 août 2008 - 06h:05
Le ministère de la Défense israélien serait favorable à un recours à la force pour empêcher les bateaux d’atteindre les eaux territoriales de Gaza ; des menaces anonymes sont adressées à des militants de Free Gaza.
jeudi 7 août 2008 - 07h:14
Jeff Halper - Ma’an News Agency
Dans quelques jours, je vais naviguer sur un des bateaux du mouvement « Free Gaza » en provenance de Chypre vers Gaza. La mission consiste à briser le siége israélien, un siége tout à fait illégal qui a plongé un million et demi de Palestiniens dans des conditions misérables : emprisonnés dans leur propre maison, exposés à la violence militaire extrême, privés des moyens fondamentaux pour vivre, dépouillés de leurs droits humains les plus élémentaires et de la dignité. Le siège viole le principe le plus fondamental du droit international : l’inadmissibilité de nuire à la population civile.
Notre voyage démasque également la tentative d’Israël de se décharger de la responsabilité de ce qui se passe à Gaza. Israël prétend qu’il n’existe pas d’occupation, ou que l’occupation a pris fin avec le « désengagement », c’est manifestement faux.
L’occupation est définie en droit international comme un contrôle effectif sur un territoire. Si Israël intercepte nos bateaux, il est clair que c’est la puissance occupante qui exerce un contrôle effectif sur la bande de Gaza.
Le siège n’a non plus rien à voir avec la « sécurité ». A l’instar d’autres éléments de l’occupation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, où Israël a également assiégé des villes, des villages et des régions entières, le siège de Gaza est fondamentalement politique. Il est destiné à isoler le gouvernement démocratiquement élu de la Palestine et à briser sa capacité de résistance aux tentatives israéliennes d’imposer un régime d’Apartheid dans tout le pays.