La campagne pour la présidentielle américaine entre enfin dans le vif du sujet avec les caucus de l’Iowa, qui ont vu la victoire du beau Barack Obama dans le camp démocrate. Décryptage d’un drôle de candidat.
En cette 7è année de guerre en Irak, les électeurs de l’Iowa ont donné une baffe historique à la candidate de l’establishment du parti démocrate : Hillary Clinton. Hier soir, celle qui a voté pour cette guerre a subi une cuisante défaite, n’arrivant que troisième. Il y a quelques mois encore, les pontifes médiatiques déclaraient pourtant que la victoire de Hillary La Froide était « inévitable ». Et, jeudi soir, la Reine de Glace a été détrônée par le sénateur de l’Illinois, Barack Obama, un métis dont le père vient du Kenya et la mère du Kansas, au coeur de l’Amérique profonde, et opposé à la guerre en Irak depuis le début. Dans les 1 800 réunions locales du caucus de l’Iowa, quelque 236 000 personnes ont bravé les vents glaciaux de la plaine pour se rendre aux urnes. Le taux de participation a battu tous les records, multiplié par deux comparé à celui de 2004. Il y avait de la passion dans ce vote.
Le résultat final est le suivant pour les démocrates : 38 % pour Barack Obama, 30 % pour John Edwards et 29 % pour Hillary Clinton. Sept électeurs sur dix ont rejeté la candidature de Hillary. C’est énorme ! Selon des sondages effectués auprès des votants se rendant au caucus, Obama l’a même confortablement battue chez les femmes avec 35 % de votes en sa faveur, contre 23 % pour Clinton. Quant aux autres candidats qui n’ont ramassé que des miettes, à savoir les sénateurs Joe Biden du Delaware (président de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat) et Christopher Dodd du Connecticut (ancien président du Parti Démocrate), ils ont renoncé à leurs candidatures après l’annonce des résultats. Le Gouverneur du Nouveau-Mexique, Bill Richardson, un autre métis né d’un père banquier blanc et d’une mère mexicaine, espère toujours être nommé comme candidat à la vice-présidence dans le ticket du Parti Démocrate. Et se maintient donc dans la course en dépit de son score décourageant de 2 %. Mais pour combien de temps encore ?
Le fringant John Edwards, ancien sénateur de l’Etat sudiste de Caroline du Nord, ex-candidat à la vice-présidence du Parti Démocrate en 2004 et avocat millionnaire, a fait campagne sur le thème de « la corruption de Washington causée par l’avidité des grandes entreprises ». Il bénéficiait du soutien des syndicats de l’Iowa ainsi que d’une bonne organisation politique sur le terrain. En dépit de son message à tendance "populisme-économique”, il a été devancé de 6 points par Obama au sein des votants syndiqués.
Edwards est particulièrement fier d’avoir battu Hillary qui avait dépensé 20 millions de dollars dans l’Iowa (selon le Los Angeles Times) contre à peine 4 millions pour Edwards. S’il avait beau clamer à l’annonce des résultats que « ce soir le statu quo a perdu et le changement a gagné », force est de constater que, lui aussi, tout comme Hillary, a été jugé trop vieux jeu par les votants du caucus. Immédiatement après le vote, il a néanmoins annoncé qu’il maintenait sa candidature. Hélas pour lui, sa trésorerie de campagne est presque à sec. Dans ce contexte, difficile d’imaginer qu’il pourrait l’emporter ailleurs quand on sait que l’Iowa est l’un des Etats où la base démocrate compte parmi les plus progressistes et où Edwards fait campagne depuis quatre ans, jouissant ainsi d’une forte notoriété. Déjà, pour la primaire, essentielle, qui se déroulera dans le New Hampshire la semaine prochaine, il est a la traîne dans les sondages et ce, depuis des mois. Un sondage réalisé ce matin pour une télévision locale de cet Etat donne Obama à 39 %, Clinton à 34 % et Edwards à 30 %.
Désormais, le concours pour l’investiture du parti démocrate se réduit donc à deux personnes : Hillary et Obama. Dans ses discours élégants, quoique souvent diaphanes, Obama proclame ad nauseam qu’il incarne « le changement ». Lors de l’un de ses meetings la semaine dernière, le Washington Post a relevé qu’il a répété le mot « changement » 35 fois en une demi-heure ! Face au désir des électeurs avides de sang neuf, la peau brune du beau et jeune Obama (45 ans) s’est transformée en un avantage, même si l’Iowa est un Etat blanc à 95 %. Tout comme son âge (il l’a emporté auprès de 57 % des moins de 29 ans), sa race symbolise le changement qu’il veut incarner.
Mais, au fond, Barack Obama est-il si différent ? Tout comme Hillary, il « bénéficie du soutien d’importants lobbyistes branchés » comme l’a souligné The Hill, l’hebdomadaire du Congrès américain dans son édition du 28 mars 2007. Dans cet article, Mike Williams, le directeur des relations gouvernementales à Washington du Crédit Suisse Securities, qualifie la liste des lobbyistes faisant campagne pour Obama d’ « aussi large que celle de Clinton ».
Dans un autre article en date du 20 décembre, le même hebdo révèle les noms de deux autres lobbyistes de taille oeuvrant pour Obama. Ces derniers sont à la fois rémunérés par le sénateur et par leurs employeurs respectifs. Il s’agit en l’occurrence de Patton Boggs, un cabinet d’avocats dont le site web s’enorgueillit d’être « systématiquement classé n°1 des lobbyistes par le National Journal » et du Podesta Group, classé n°3 des lobbyistes par le Washington Magazine. Ce qui n’est pas rien, quand on sait que tous les clients de ces lobbys, où Obama compte de nombreux soutiens, sont les multinationales les plus importantes du monde.
Faut-il y voir là la raison pour laquelle dans ses appels à « une nouvelle ère sans divisions », Obama semble ignorer l’enjeu que représente la cupidité galopante des grandes entreprises ? Dans sa chronique du 24 décembre 2007, le très progressiste chroniqueur du New York Times, Paul Krugman, critiquait d’ailleurs vivement Obama pour avoir attaqué les comités d’action politique des syndicats comme des centres « d’intérêts spéciaux » qui ont « trop d’influence à Washington ». Tout comme les comités d’action politique des grandes entreprises réputés pour être extrêmement bien financés. Krugman notait qu’Obama n’était pas soutenu par les syndicats, car son message en faveur d’une « nouvelle politique » dépassant « les amertumes de la politique partisane n’avait pas de sens pour les leaders syndicaux. De par leur expérience en matière de confrontation avec les grandes entreprises et leurs alliés politiques, ceux-ci savent pertinemment que l’esprit partisan ne disparaîtra pas dans un proche avenir. »
Les sermons centristes et un peu fades d’Obama, toujours plein de bondieuseries, qui appellent à « la fin de la division en sections de notre politique » sont même âprement critiqués par l’un de ses propres supporters : Jesse Jackson, le doyen des leaders noirs américains et candidat à la présidence à deux reprises dans les années 80. Interviewé par The State, un quotidien de Caroline du Sud le 18 septembre dernier, Jackson accusait Obama « de la jouer trop blanc », car il n’avait pas fait d’allusion aux problèmes de justice raciale lors de l’arrestation de six lycéens noirs à Jena, dans l’Etat sudiste de Louisiane pour tentative de meurtre. Une rixe avait eu lieu lorsque des noirs avaient "osé" s’asseoir sous un arbre "réservé" aux blancs. L’injustice flagrante de ces arrestations avait provoqué des manifestations importantes de la part de toutes les associations de noirs auxquelles s’étaient joints des religieux et des leaders progressistes blancs.
Mais ce sont sur les relations internationales qu’Obama s’est montré, sur le fond, proche de Hillary, partisane d’une politique impérialiste. Par exemple, le 1er août dernier, comme l’a rapporté l’agence Reuters, Obama a menacé de bombarder unilatéralement le Pakistan, si les services de renseignements américains y localisaient des cadres d’Al Qaida et que le président Musharraf refusait d’agir.
Le discours d’Obama devant le très élitiste Chicago Council on Global Affairs le 23 avril 2007 était tout aussi clair. Il y affirmait croire en une Pax Americana globale. Il disait qu’un « président américain ne devrait jamais hésiter à utiliser la force, même de manière unilatérale, pour protéger nos intérêts vitaux quand nous sommes attaqués ou sous le coup d’une menace imminente. »
En ayant recours à la notion de « menace imminente », Obama adopte la politique d’une guerre de prévention si chère à Bush. Et Obama de continuer : « je crois toujours que l’Amérique est le dernier et le meilleur espoir de la planète. Il faut simplement montrer au monde pourquoi. Le président actuel [Bush] occupe la Maison-Blanche, mais pendant ces six dernières années le poste de "leader du monde libre" est resté vacant. Il est temps de l’occuper ».
Rien d’étonnant donc que ce discours musclé d’Obama ait été vivement salué par le gourou néo-conservateur Robert Kagan dans une chronique publiée le 29 avril 2007 dans le Washington Post et intitulée « Obama, l’interventionniste ». Ce même Kagan est le co-auteur (avec un autre néo-conservateur de taille, William Kristol) du célèbre article « Toward a Neo-Reaganite Foreign Policy » (Vers une politique étrangère néo-réganienne, du nom de l’ancien président américain) paru en 1996 dans la prestigieuse revue Foreign Affairs. On y lisait que l’objectif de Washington devait être de préserver « l’hégémonie américaine afin de remplir notre responsabilité dans le monde ».
Dans la revue Foreign Affairs de juillet-août 2007, Obama lui-même écrivait un article "interventioniste” acclamé par l’hebdo anglais conservateur The Economist qui spécifiait : « il est difficile de ne pas qualifier la politique étrangère de Barack Obama de "clintonienne". Le calcul de Monsieur Obama semble être que sa rhétorique visionnaire sera assez puissante pour forcer les électeurs à considérer les récompenses psychiques d’une politique étrangère omnivore qui fonctionnerait, au lieu de penser aux risques et aux coûts d’intervenir à tort. »
Comme le notait le quotidien conservateur New York Sun du 26 décembre 2006 dans un longue article sur la politique étrangère du sénateur, « Obama se donne de la peine pour se démarquer de la gauche qui minimise les dangers menaçant l’Amérique ». Le quotidien rapporte également qu’« il a tendance à soutenir l’idée d’un bombardement de l’Iran, si d’autres méthodes n’arrivent pas à convaincre Téhéran d’abandonner son programme d’armes nucléaires ». Et Obama s’est délibérément absenté lorsque le Sénat a voté la résolution qualifiant la Garde républicaine iranienne d’ « organisation terroriste ». Cette résolution avait à l’époque été interprétée par tout le monde ou presque comme un chèque en blanc pour bombarder l’Iran si Bush voulait le faire.
Quant a l’Irak, il est vrai qu’Obama s’est opposé a son invasion en 2002. Il était en effet à la tête d’une circonscription à moitié noire (une population très opposée à la guerre) et à moitié universitaire (la célèbre université de Chicago, réputée être un centre d’agitation anti-invasion s’y trouve). Plus tard, la position d’Obama s’est révélée plus ambigüe. En juillet 2004, au sujet du vote du Sénat de 2002 sur la guerre, Obama déclarait au New York Times : « qu’aurais-je fait ? Je ne sais pas ». La même année, il annonçait aussi à la National Public Radio : « je ne considère pas ce vote comme une décision facile et je n’étais certainement pas en position de voter pour ou contre. Je crois qu’il y a plusieurs points de vue valides sur cette question ». Voilà qui ne constitue pas une déclaration tonitruante d’un anti-guerre !
En tant que politicien opportuniste, Obama n’a commencé à clairement exprimer son refus de la guerre en Irak que lorsqu’il a lancé sa campagne pour la présidence. Et encore, c’était un moyen de se distinguer de Clinton, d’Edwards et de Biden qui ont tous voté pour. Obama a même couru après les conseils de Colin Powell, l’apologiste préféré de Bush lorsqu’il s’était agi d’envahir l’Irak et le dénonciateur des fantomatiques « armes de destruction massives ». Powell a, en personne, admis lors de l’émission télévision "Meet the Press" du 10 juin 2007, qu’il avait conseillé Obama à plusieurs reprises.
On peut applaudir la défaite de Hillary et se féliciter qu’une partie de l’Amérique soit assez mûre pour enfin accepter un noir comme candidat à la présidence. Mais de là à attendre beaucoup de « changements » de la part d’Obama s’il devenait éventuellement le locataire de la Maison Blanche, alors là mes enfants, il ne faut pas exagérer ! Le slogan de sa campagne est « A change we can believe in » (Un changement auquel on peut croire). Moi, je n’y crois pas.
Sur les élections américaines, lire aussi sur Bakchich :
La dernière chronique de Doug Ireland sur "Hillary Clinton, une va-t’en-guerre culottée"
L’article sur les trésors de guerre des candidats "L’argent ne fait pas l’élection, mais.." du 4 janvier 2007
Sans partie pris,j’assure le monde tout entier que monsieur Obama est l’home providentiel,pour changer les Etas Unis d’Amérique,voir même le Monde tout entier.Ne nous trompons pas.Il a tous les atouts pour sauver le monde.Merci pour votre compréhention.-
Dr Justin Kupika Kongo
Colonel- Juriste